Si la statistique démographique de Sornetan reste stable depuis la nuit des temps, la vie associative, elle, s’est réduite comme peau de chagrin. Témoin privilégié de cet appauvrissement, l’ancien député-maire Lucien Juillerat qui regrette notamment de ne plus pouvoir refaire le monde autour d’un café (amélioré) à la table ronde du Tonneau. La disparition de la poste ne le laisse pas insensible non plus. Rencontre avec un dynamique retraité qui a toujours joué dans sa vie, ou plutôt dans ses nombreuses vies, un rôle de rassembleur et de médiateur, puisqu’il se déclare ouvertement allergique aux conflits.
Sornetan sans Lucien Juillerat, c’est un peu comme Kandersteg sans Adolf Ogi : difficilement concevable. Pourtant, le parcours de vie de « Lulu » fait état de deux infidélités à son village, soit six mois à Montana pour devenir moniteur de ski et trois ans à Tavannes pour exercer sa profession de menuisier-ébéniste. Un métier qu’il a d’ailleurs cumulé durant plusieurs années avec la fonction d’entrepreneur postal indépendant, assurant ainsi la succession de son père. « Avec mon épouse, on se partageait le travail. Elle s’occupait généralement du transport scolaire et moi du service postal. Je livrais sacs, colis, etc. à la poste du village alors géré de main de maître par Marie-Claire et Norbert Juillerat. Entre 1979 et 2019, Lucien Juillerat a travaillé au sein de la menuiserie Juillerat + Christen SA, qui a été la proie des flammes en 2001 et en 2019. Associé à André Christen, l’actuel maire de la commune de Petit-Val, l’ami « Lulu » s’est surtout concentré sur l’aspect manuel du métier, la paperasse n’étant pas sa tasse de thé. Conseiller communal de 1984 à 1996 et maire de Sornetan de 1997 à 2012, Lucien Juillerat a également occupé la fonction de député au Grand Conseil sous l’étiquette UDC de 1998 à 2002. « Je garde un très bon souvenir de cette riche expérience. Les éternels râleurs seraient bien inspirés d’assurer au moins un mandat pour constater qu’il n’est pas forcément évident de faire passer ses idées. Il fallait se battre sur chaque dossier pour convaincre les Alémaniques du canton, ce qui se traduisait parfois par de véritables combats de coqs. » On ne trahira pas un secret en affirmant que Lucien Juillerat est l’initiateur du projet de fusion de la commune de Petit-Val (Sornetan, Châtelat, Monible et Souboz), dont l’entrée en souveraineté est effective depuis le 1er janvier 2015. « Là aussi, nous avons dû cravacher ferme pour persuader les réticents d’adhérer à la fusion. Etonnement, le projet a passé la rampe du premier coup avec un score « plébiscite » à Sornetan, soit 88,9 %. »
Le temps des opportunités
Né en 1949, Lucien Juillerat a effectué l’école primaire à Sornetan et secondaire à Bellelay. « Nous étions cinq élèves de la même famille ensemble dans la même classe », signale-t-il. Au moment d’évoquer ses souvenirs de jeunesse, le visage de ce sportif aux multiples facettes s’illumine, tant cette période l’a comblé de bonheur : « A cette époque-là, les enseignes offraient de belles opportunités de faire connaître le village. Je pense notamment au restaurant du Tonneau, grosso modo ouvert de 1970 jusqu’à la fin des années 1990. On y partageait du bon temps après chaque séance du Conseil communal. Et le samedi matin, les discussions allaient bon train à la table ronde, autour d’un café. » Aujourd’hui, plus de bistrot, plus d’épicerie, plus de poste ni de Centre à Sornetan : « Je ne vois qu’un seul avantage à toutes ces fermetures, c’est que l’arrivée du Covid n’a pas changé notre quotidien », glisse-t-il ironiquement sans oublier de préciser qu’il reste quand même toujours l’église, réputée pour attirer des mariés venant parfois de loin, et la distillerie chère à Bertrand Saucy et Arold Juillerat.
Sur tous les fronts
Partager, échanger, fraterniser, rassembler : tel est l’état d’esprit qui anime en permanence cet ancien pilier de l’Union Cadet Jeunes Gens (UCJG). Cette figure emblématique de la commune de Petit-Val se distingue également au sein des sociétés locales avec à son actif quarante ans de fidélité au comité du Ski-Club (vingt ans de présidence et vingt ans assesseur), et trente ans de comité à la Société de tir, dont il fut le premier moniteur des jeunes tireurs au début des années 1970. Mais ce n’est pas tout. Lucien Juillerat a disputé 157 matches, soit dix saisons, en tant qu’ailier de la fameuse équipe du HC Le Fuet-Bellelay qui a connu ses heures de gloire en 1re ligue lors des finales d’ascension contre Ajoie et Adelboden. C’est lui aussi qui a lancé et qui prépare en solo la fameuse soupe aux pois de la Société de tir, organisée dans le cadre du Petit Nouvel-An depuis 1999, date de la tempête Lothar. « On m’a même remis un diplôme pour mes vingt ans de soupe aux pois », relève l’homme qui figure également dans le groupe de bénévole à l’origine de la rénovation (2008-2014) de la scierie Paroz à Saicourt, théâtre de démonstrations publiques entre avril et novembre. Mais que n’a-t-il pas fait, notre Lulu national ? « Du cheval ! Mon père aurait bien voulu. Mais je n’ai jamais mordu à l’hameçon et je ne regrette rien. »
Olivier Odiet