Quoi de mieux qu’un pluvieux samedi d’octobre pour se retrouver entre anciens élèves dans un local confortable et d’y déguster un excellent repas préparé et servi par des experts en la matière ?
Les anciens élèves de l’école de la Montagne de Moutier n’ont pas boudé leur plaisir, à plus forte raison que leur ancienne maitresse adorée, Rosette Menossi, leur a fait l’immense plaisir d’assister à leur réunion.
« D’ordinaire, nous tenions nos réunions dans un des restaurants de la Montagne de Moutier, explique l’un de ces anciens, Marc Tobler, l’ancien député resté fidèle à sa montagne. Mais désormais, tous ont fermé leurs portes. » Qu’à cela ne tienne, leur ancienne école est toujours bien debout et qui plus est, elle a été rachetée par les Loitche-Potches, les experts en cuisine savoureuse qui en ont fait l’endroit parfait pour cuisiner et déguster ensemble des plats d’exception.
La pêche aux anecdotes
Agée de 85 ans, Rosette Menossi cachait difficilement son émotion de se trouver parmi celles et ceux qu’elle considère toujours comme ses enfants de cœur.
Même si sa modestie et le grand respect qu’elle voue à ses semblables la rendent un peu timide à l’heure d’évoquer ses souvenirs, elle n’oublierait pour rien au monde ce jour d’octobre 1959, quand elle est arrivée dans ce qui serait désormais son école.
« J’étudiais à l’Ecole normale de Delémont et je n’avais pas encore terminé ma formation, mais il fallait d’urgence reprendre le poste devenu vacant de cette école qui regroupait les enfants des fermes disséminées sur la montagne. »
Elle n’oublie pas que c’était d’abord à contre-cœur qu’elle s’est trouvée parachutée là mais que rapidement, elle s’était prise de passion pour un travail particulièrement exigeant.
« L’hiver s’était rapidement installé et je suis restée bloquée là-haut jusqu’en avril. Je n’avais pas de voiture et mes parents m’apportaient des stocks de nourriture que je cuisinais sur place. » Mais l’hiver était dur surtout pour les élèves qui devaient venir parfois de très loin en bravant la neige à pied, ou plus rarement en ski s’ils étaient équipés. Les anciens élèves ne manquent pas d’anecdotes, notamment sur ce petit gars en pleurs qui ne pouvait plus avancer et dont on ne sait ce qui lui serait arrivé si un aîné ne l’avait pas pris en charge pour arriver à bon port. De la part de la population et de certains bienpensants, cette école n’avait pas grande importance : « La seule chose qu’il faut leur apprendre, c’est à courir et à sauter par-dessus les barrières pour rassembler leurs troupeaux », aurait dit un élu de la ville.
Rosette Menossi écoute, hoche parfois du chef mais n’ajoute rien à ces commentaires « qui pourraient encore réveiller de mauvais souvenirs ». Pourtant, dit-elle, « j’ai tout écrit de ce que j’ai vécu dans cette école, mais je ne montre cela à personne. Ce sont mes secrets qui ne doivent en aucun cas blesser mes enfants de cœur. »
Un rôle rempli au-delà des espérances
Il est une chose que la nouvelle institutrice a immédiatement compris, à savoir qu’à cette époque, sur la montagne, les familles étaient très nombreuses, parfois six, sept ou huit enfants.
« Un seul allait hériter du domaine et les autres devaient aller vivre ailleurs. De bonnes connaissances scolaires leur étaient indispensables, tout autant qu’aux élèves d’en bas. « Quand ils arrivaient à l’école pour la première fois, ils savaient dire en français Bonchour Madame et rien de plus », sourit-elle. « A de rares exceptions près, ils n’avaient jamais parlé un mot de français auparavant. Or, à l’école on ne s’exprimait qu’en français, c’était une règle intangible. »
Durant les réunions des anciens élèves, on ne parle également qu’en français, l’école de la Montagne de Moutier a parfaitement rempli son rôle… et même au-delà des espérances à en croire Rosette Menossi qui est très fière que d’anciens élèves ait fait de belles carrières, jusque dans le domaine judiciaire et bien d’autres secteurs professionnels où ne s’accomplissent que ceux qui ont reçu une excellente éducation.
Avec un champion du monde
Dans le domaine sportif aussi, un ancien élève a particulièrement brillé. En effet, l’un des premiers élèves de Rosette Menossi, Emile Kohler a été ni plus ni moins que champion du monde de tir. Un titre obtenu en 1970.
« Les Championnats du monde se déroulaient à Phoenix en Arizona et j’y ai remporté l’or et aussi le bronze par équipe, c’est un souvenir incroyable pour un petit gars de la Montagne de Moutier. » Micou Kohler a d’ailleurs multiplié les exploits dans plusieurs autres compétitions, lui qui a été cadre de l’équipe de Suisse de tir durant huit longues années et qui a même été nommé sportif suisse de l’année en 1970. On n’en était plus là l’autre samedi, dans cette vieille école rachetée par les Loitche-Potches dans la fin de la décennie 1990, quelques années après sa fermeture officielle.
Tous les convives ont été ravis de redécouvrir ce haut lieu de leur enfance et d’y vivre comme des coqs en pâte grâce aux cuisiniers émérites de la confrérie la plus gourmande de Prévôté. Chargé de servir la sauce, Werner Rubin, ancien maître de glace et également ancien élève du lieu a été presque autant précis que Micou Kohler en déposant le délicieux liquide sur de généreuses pièces de viande. Il ne manquait plus que les « Copains chanteurs » pour que la fête se poursuive jusque tard dans l’après-midi. Blaise Droz



