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Se recentrer sur l’essentiel!

Edition N°12 - 25 mars 2020

En pagination réduite depuis cette semaine par manque de rentrées publicitaires, notre hebdomadaire a sollicité ses quatre correspondants réguliers pour rédiger un texte autour de la question suivante: «Quelle est l’influence du coronavirus sur mon quotidien et quel regard je porte sur cette nouvelle situation?» Ces témoignages croisés se traduisent par un sentiment commun: c’est un peu comme si la terre lançait un cri d’alarme à l’humanité en lui demandant de se recentrer sur l’essentiel. Il ressortira donc aussi un côté salutaire de cette crise sanitaire. 

Coronavirus, corona défi?

Depuis l’annonce de la Confédération du confinement un peu moins strict que nos voisins français, mon quotidien n’a pas véritablement changé. 

Sauf que, en tant que correspondant de La Semaine, je dépends des événements à couvrir. Donc, si ceux-ci sont annulés : pas de sujets, pas d’articles, pas de travail. Habitué au télétravail (par internet) depuis vingt ans pour d’autres médias – dont le principal, le mensuel Swiss Engineering (Revue Technique Suisse, RTS) où j’en suis le rédacteur en chef depuis 12 ans – mon activité actuelle ne change pas trop. Mais comme les annonceurs se désistent, les marges rédactionnelles se réduisent et le boulot s’amenuise, même pour le travail à distance. Malgré la perspective peu réjouissante qui nous attend, je me demande si cette petite bestiole microscopique capable d’anéantir un monde macro technocratique, n’est pas un peu salutaire. La Chine semble retrouver son air pur, l’eau s’éclaircit sous les gondoles de Venise et la population confinée retrouve un peu de solidarité. Dans le fond, c’est comme si la Terre lance un cri d’alarme à l’humanité. 

La «distanciation sociale» dont nous vivons en ce moment est une bénédiction pour la société des écrans. Paradoxe : le confinement nous rapproche de la «e-life», alors qu’on n’aurait jamais pu communiquer comme nous le faisons actuellement entre Skype, WhatsApp, FaceTime ou autre, il y a trente ans. Le Covid-19 nous pousse à nous recentrer sur l’essentiel, avoir plus de temps pour nos foyers ou nos proches. Il nous force à la rationalisation de notre consommation et à la solidarité. Dorénavant, la santé devra davantage nous interpeller, tout comme la conscience écologique. Cette pandémie finie, le rapport au travail devra aussi être revu, d’où l’importance de maintenir un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Mais profitons de la vie.

Roland J. Keller

L’expérimentation de la solidarité

Impossible d’échapper aux influences de la pandémie actuelle. Une de nos petites filles, qui n’avait pas 6 ans l’année dernière a déclaré ceci à son papa, lors d’un voyage au Maroc: «Voyager, ce n’est pas tous les jours rigolo!» C’est en marchant sur un mur étroit qu’elle a spontanément résumé ainsi son expérience d’enfant. 

Mon quotidien actuel peut également se résumer par le même constat que Talya. Mon épouse et moi devons actuellement modifier certaines de nos habitudes, comportements, disponibilités. Ce n’est en effet pas rigolo de vivre dans cette période tourmentée. 

– Effectuer une promenade dans la nature environnante, si attirante: pas permis.
– Accueillir nos petits-enfants lorsque leurs parents ont des obligations professionnelles: pas permis.
– Me rendre à une rencontre de prières des seniors de notre église: pas permis.
– Effectuer des achats de nourriture ou autres articles dans un magasin: pas permis.
– Passer une soirée au cinoche pour voir un film dont le thème m’intéressait: pas permis.
– Je devais interviewer une amie lors d’un Petit-déjeuner contact féminin sur le Plateau de Diesse: pas permis.

En revanche, nous expérimentons la merveilleuse et rassurante solidarité de nos enfants et petits-enfants. Pour obtenir certains aliments que nous n’avions pas ou plus en réserve, il a suffi de leur envoyer un ou deux WhatsApp. Dans un bref délai, ils nous ont livré la commande à quelques mètres de notre maison. Nous sommes fiers et reconnaissants d’être parents et grands-parents d’une telle famille. Mais en même temps, je suis triste et inquiet pour plusieurs de nos amis, connaissances, habitants en Suisse et dans un pays voisin. Ils informent par les réseaux sociaux qu’ils ne pourront pas payer leurs factures à la fin de ce mois. J’éprouve aussi une grande admiration pour toutes les personnes contraintes, envers et contre tous les risques, de travailler pour répondre à des besoins prioritaires. Je prie Dieu de les protéger. Que cette pandémie soit la plus brève possible.

Charles-André Geiser

Coronamachin: peut-on en rigoler?

Voilà donc que le journal auquel je collabore depuis bientôt huit ans se retrouve aussi impacté par ce coronamachin et sera réduit provisoirement de quelques pages. Les hautes sphères de la rédaction me demandent mon ressenti par rapport à cette situation. Permettez donc que je m’y attèle avec un peu d’humour, conscient que le niveau de La Semaine se situe, en importance, juste entre La Pravda et le New York Times! 

Soyez sans craintes, faisant partie des personnes à risque, je respecte scrupuleusement les recommandations de l’OFSP, ce qui ne doit pas empêcher une certaine légèreté de mes propos. Je me lave les coudes après chaque sortie, je tousse dans mes mains et je garde mes distances. Au niveau du confinement, je reste finement à la maison et j’assume la première partie de ce mot. Il faut prendre conscience de la nature et de la dangerosité de ce coronatruc, mais ne pas céder non plus à ce mode de survie préventive en faisant des réserves inconsidérées de vivres ou de papier toilette. Dans un monde parallèle, les réseaux sociaux, qui parfois rivalisent d’ingéniosité, s’en sont assez moqués sans que je n’y rajoute ma désapprobation. Face à cette crise sanitaire, certains ont pris le parti d’en rigoler, et le rire est finalement tout ce qui mérite d’être contagieux dans cette épidémie, non? On peut faire nôtre cette maxime d’un conseiller fédéral: «Rire, c’est bon pour la santé», qui prend pour une fois toute sa signification.

Personnellement, j’ai bien assez d’occupations diverses pour ne pas me morfondre dans les méandres d’un isolement rédhibitoire. Pas vous? Mais on n’insistera jamais assez sur l’importance de ne pas sortir de chez soi, ou le moins possible, car le risque de prolonger la propagation de ce virus meurtrier est latente. Soyons confiants, le retour à la normale est prévu si l’on respecte les normes. 

En attendant, cloitrez-vous, bidonnez-vous et…lisez La Semaine!

Claude Gigandet

La crise de la quarantaine

A 68 ans, j’ai passé sans encombre la crise de la soixantaine. Avec le coronavirus, le souvenir et le doute de la crise de la quarantaine m’assaille à nouveau… 

Plus sérieusement, je suis totalement impacté par cette crise sanitaire qui dès cette fin de mois va s’augmenter d’une crise économique. Pour rappel, je suis auteur et chroniqueur mais aussi indépendant, antiquaire des objets de la vigne et du vin. Depuis le début de l’année, ce n’est qu’annulations, reports, déplacements de dates. Alors que l’on peut noter un engagement admirable et admiré de la filière médicale, une fois de plus, les banques (to big to fail) s’illustrent par leur arrogance, leur manque de vision à long terme et surtout d’humanité. Bien sûr, les banques centrales nous font miroiter l’injection de milliards pour une relance. Ceci est illusoire et très théorique dans l’esprit de la population, car ce que chaque individu demande, c’est du concret. Il faut, et sans délai, faire décoller «l’helicopter money» permettant d’«arroser», c’est-à-dire, de mettre des liquidités à disposition de chacune et de chacun: les retraités, les jeunes, les indépendants, les PME notamment. La Suisse est un pays riche, les réserves de la BNS au zénith. Si le Conseil fédéral ne prend pas la mesure de cette crise sans précédent en mettant une partie de cette manne financière dans les mains de la population, cette catastrophe sanitaire se doublera d’un désastre économique conduisant, dans notre monde globalisé, à une apocalypse planétaire. Dès lors, comment concevoir, en ces temps changeants, l’effet de cette pandémie alors que la vérité d’hier n’a déjà plus sa place le jour suivant ou alors simplement comme une anecdote pour manuel d’histoire. Je pense que nous sommes à la veille d’un profond changement, d’un nouvel ordre mondial, d’une redistribution générale des cartes. En prélude à l’écriture de cette chronique, je suis allé à pied de chez moi à Moutier par les Gorges, domaine de la Bourgeoisie de Court. J’ai constaté que la forêt naturelle s’est éveillée avec sa flore, sa faune. Le printemps qui arrive ne connaît pas le coronavirus, mais il sait par contre que c’est toujours la nature qui gagne. En son sein, l’homme doit y redéfinir sa juste place et reconsidérer son rapport au temps qui s’écoule. J’ai essayé de rencontrer l’escargot Trichie ciselée qui peuple les roches calcaires de la Birse depuis la dernière glaciation afin qu’il m’enseigne l’éloge de la lenteur. 

Pierre Chevrier