Une nouvelle société de fabrication de masques chirurgicaux de qualité made in Jura bernois a été créée récemment. Son but : lier un projet high-tech à vocation sociale tout en collaborant avec des acteurs de proximité afin de contribuer à l’essor du home Les Bouleaux.
Le monde est à rebours, en quelque sorte. Autrefois, les Asiatiques enviaient notre savoir-faire, aujourd’hui nous lorgnons vers eux. « Au début de la pandémie, je me suis mise à coudre des masques en tissu, mais constatant que les Chinois étaient les principaux producteurs de masques médicaux, je me suis dit pourquoi pas nous, dans le Jura bernois ? », s’est demandée Morena Pozner, directrice du home Les Bouleaux à Corgémont. Voyant que la réserve de masques chirurgicaux de son institution fondait comme neige au soleil, il lui a fallu trouver des alternatives pour protéger son personnel. Du coup, après s’être associée à André Piguet, docteur FMH chez Medicentre Moutier, une société qui porte le nom d’Amyna3 Sàrl a été créée. « A 69 ans et encore actif à 60 % dans mon métier, j’avais envie de participer au bien-être de la région, de donner de mon énergie et de promouvoir des emplois », confie le médecin. L’affaire était lancée le 25 juin dernier.
Etage rénové dans un ancien bâtiment
Gratifiée de son vaste réseau de contacts, l’entrepreneuse a très rapidement été en mesure de dénicher le matériel de production pour répondre aux normes européennes. « La liste d’attente pour obtenir ces unités étant pleine jusqu’en décembre 2021, il nous a fallu nous tourner vers la Chine », relève-t-elle. En moins de trois semaines, les deux machines commandées sont arrivées le 12 juillet à Corgémont. Là, dans l’un des locaux transformés d’un ancien bâtiment, entre le home et le nouvel édifice de cet institut en construction – à la rue du Crêt 6 –, le matériel a pu y être installé. Il s’agit d’armoires métalliques vitrées munies d’un dispositif logistique pointu avec un tapis roulant et de grosses bobines qui ressemblent à des unités de production d’un journal. Sauf que, à la place de papier, c’est du tissu qui y est déroulé. Au bout de la chaîne, les masques tout beaux, tout propres et tout neufs y tombent dans l’escarcelle.
Corgémont le mieux placé
Pourquoi avoir choisi le village de Corgémont et pas la ville de Moutier, plus industrielle, comme emplacement ? « Le home étant proche, il était somme toute logique de démarrer nos activités à cet endroit », estime André Piguet. « La situation politique de la cité prévôtoise est un peu compliquée en ce moment. On attend de connaître le résultat des élections puis de voir comment on arrive à se développer. Il n’est pas impossible qu’on puisse ouvrir une deuxième entreprise à Moutier », considère Morena Pozner. Côté savoir-faire, Amyna3 s’est inspirée de l’entreprise argovienne Wernli AG. Réputée, cette firme de Rothrist dispose de 37 machines identiques à celle d’Amyna3.
120 masques par minute
À Corgémont, quatre chaînes de deux unités peuvent sortir 120 masques/minute. Certifiée, la matière première répond notamment aux normes ISO 14001 (sanitaire) et 9001 (qualité). Mais la société vise également à obtenir la certification européenne (CE). « Bientôt, nous serons en mesure d’indiquer ces normes sur nos supports (packaging et site internet) et de les vendre comme matériel médical dès l’approbation finale de Swissmedic qui régule le marché », relève André Piguet. Pour la production, la société a noué un partenariat avec Prélude SA et la Fondation La Pimpinière SA. « Lors de notre phase de lancement, ces institutions, qui emploient des personnes en situation de handicap ou en difficulté sociale, entreprendront la mise en boîte des masques, produits à Corgémont, dans leur atelier », ajoute-t-il.
Parés pour la production
Amyna3 est déjà opérationnel et n’attend plus que des commandes fermes. Une équipe est déjà bien accoutumée à la tâche. Patrick Tobler, technicien ES chez DC Swiss, apporte son savoir-faire dans le domaine technique. Genghis Gossin, directeur adjoint des Bouleaux, s’occupe du management et de l’administration. Enfin, Maxime Ochsenbein, membre du comité de direction du home, offre ses services en tant qu’éducateur social. Les masques seront-ils aussi accessibles pour tout un chacun ? « Oui, mais d’abord, on va alimenter le monde médical, puis nous pourrons par la suite en fournir aux privés à un prix très abordable », annonce la direction. Et quand le coronavirus disparaîtra ? « Même après la pandémie, on aura toujours de quoi faire car on se sera habitué aux masques », estime André Piguet. Oh, que oui !
Roland J. Keller