Portraits

« Je n’ai plus peur d’aller à l’école »

Edition N°28- 11 août 2021

Malentendante, Helin Kalender a été la cible de méchancetés et de tracasseries durant sa scolarité. (photo ca)

Devenue malentendante suite à une série d’otites mal soignées alors qu’elle était encore bébé, Helin porte des appareils auditifs depuis l’âge de 11 mois. Un handicap qui a fait d’elle la cible de multiples tracasseries et méchancetés, la poussant à s’isoler et à se renfermer sur elle-même. Ce n’est que depuis qu’elle a quitté l’école obligatoire, il y a deux ans, qu’elle commence à s’épanouir et qu’elle ose enfin parler de l’enfer qu’elle a vécu.

Helin signifie « petit nid d’oiseau » en kurde. C’est un prénom qui n’est pas courant, même en Turquie d’où sont originaires ses parents. Mais c’est un prénom qui sied à ravir à la charmante et délicate jeune fille qui le porte et qui, malgré ses 18 ans, n’en paraît pas plus de 14 !

Otites sur otites

Bébé, Helin fait otite sur otite. C’est une des maladies ORL les plus répandues chez les enfants, mais chez Helin elle vire au drame. Bien qu’ils se soient rendus chez le médecin à maintes reprises, les parents de la petite fille, qui a alors 9 mois, réalisent qu’elle ne réagit plus au bruit. Ils consultent alors un ORL qui confirme leurs craintes : Helin a perdu une grande partie de son ouïe. Et c’est le transfert à l’Inselspital, à Berne, où après toute une batterie d’examens, le bébé sera équipé d’appareils auditifs. Elle a 11 mois.

Porter des appareils auditifs ne résout cependant pas tous les problèmes. Helin prend du retard dans l’apprentissage du langage et très tôt elle est suivie par une logopédiste dont elle garde un souvenir lumineux : « C’est elle qui m’a tout appris dans la vie », confie la jeune fille domiciliée à Moutier. La thérapeute lui apprend à parler, à lire, à écrire et même à lire sur les lèvres pour compenser son déficit auditif. C’est elle aussi qui au début de chaque année scolaire accompagne la petite fille à l’école pour expliquer sa situation aux enseignants. Elle leur demande, notamment, qu’ils activent un micro-cravate envoyant le son directement dans les appareils auditifs d’Helin, pour qu’elle puisse suivre les cours correctement. Malheureusement, certains d’entre eux refusent de jouer le jeu.

L’école, un enfer

Malgré les interventions de la logopédiste, certains enseignants estiment qu’Helin devrait entendre sans problème puisqu’elle porte des appareils auditifs et ils oublient d’activer le micro-cravate. Helin perd pied dans ces cours. A cela s’ajoute la méchanceté de certains élèves qui se moquent d’elle. Elle s’isole, se renferme. « Tous les matins, j’avais la boule au ventre avant d’aller à l’école », confie-t-elle. Et cela va en empirant. En dernière année scolaire elle est harcelée sur les réseaux sociaux. Elle reçoit des messages haineux : « Tu portes des appareils, tu n’as pas le droit de vivre », « Tu es nulle à l’école ». Elle s’adresse à la police et au directeur de l’école, mais les auteurs ne sont pas retrouvés. Toujours plus stressée et mal dans sa peau, Helin finit par sécher beaucoup de cours. Ce qui n’améliore pas ses résultats scolaires. A la fin de la 11e, elle entre en année de préparation professionnelle (APP), et là un miracle inattendu se produit.

L’APP, un miracle

« Depuis mon année d’APP, je n’ai plus peur d’aller à l’école », confie Helin. Au contraire, elle y va avec plaisir, elle se fait plein d’amis et grâce à la bienveillance des enseignants, elle reprend confiance en elle. A la fin de cette année préparatoire, elle est acceptée au ceff commerce de Tramelan. Bilan après la première année ? « Le premier semestre, j’ai eu de bonnes notes, mais j’ai beaucoup baissé mes moyennes au deuxième semestre parce que les enseignants devaient porter un masque et que j’avais énormément de peine à les comprendre », explique Helin. Alertée, la direction commande des masques transparents qui n’arrivent malheureusement qu’en fin d’année scolaire. « Le dernier mois, ça allait mieux : avec les nouveaux masques, je pouvais lire sur les lèvres. »

Apprendre la tolérance

Si tout va bien aujourd’hui et qu’elle envisage l’avenir avec sérénité, les terribles moments passés durant son enfance continuent de la hanter. « Je ne peux pas oublier le mal qu’on m’a fait », confie-t-elle. « ll faudrait donner des cours aux élèves (et à certains enseignants) pour les sensibiliser et leur apprendre à accepter la différence. »

Claudine Assad

Malentendante, Helin Kalender a été la cible de méchancetés et de tracasseries durant sa scolarité. (photo ca)