Bon sens et logique sont à laisser de côté dans ce 13e épisode de notre série cinéma. Dans « Incroyable mais vrai », les protagonistes font une découverte qui retournera autant les cerveaux des spectateurs que les leurs.
Le pitch de départ est simple : Alain et Marie visitent une grande maison en compagnie de Franck, un sympathique agent immobilier. Tout semble normal, trop normal. C’est alors que Franck emmène le couple à la cave pour leur présenter ce qu’il estime être le clou de la visite : une vieille trappe en bois cachant un conduit souterrain. L’agent immobilier s’y faufile, suivi par un Alain et une Marie déconcertés. On se privera de révéler le mystère que renferme le conduit afin de garantir une franche surprise lors du visionnage. Tout ce que l’on peut dire, c’est que la découverte est tellement grosse que le couple décide d’acheter la maison. Ils ne le savent pas encore, mais le secret que renferme la cave va radicalement changer leur vie.
Etrangement drôle
Réputé pour ses œuvres absurdes de courte durée, Quentin Dupieux rempile avec un énième concept étrange soulevant bien des questions. Celui qui avait auparavant fait apparaître un pneu tueur et une mouche géante dans ses films met en scène une idée franchement pas bête mais dont la logique et le fonctionnement a de quoi faire cramer les méninges. Mais peu importe le bon sens. Ce qui compte est l’histoire que le réalisateur tire de son concept, et là c’est une réussite totale. Au fil d’une réalisation simple et de dialogues savoureux, Quentin Dupieux tire une étrange comédie où monde réel et fantasque se mêlent avec perfection. L’image par moments volontairement trouble ne fait que renforcer la sensation que tout ceci n’est qu’un rêve. Et pourtant non. Histoire de sublimer le tout, une seconde intrigue concernant le patron et ami du protagoniste Alain vient se greffer au scénario de base. Débile sur le papier et tombant en dessous de la ceinture, cette bonne grosse blague débarquant lors d’un souper pimente l’histoire, renforçant Quentin Dupieux dans son statut de réalisateur et scénariste déjanté. Les vannes et situations comiques se succèdent sans trop de lourdeur et se mêlent bien avec la seconde moitié du film qui, elle, prête bien moins à sourire.
Etrangement triste
Sous ses airs de comédie absurde, « Incroyable mais vrai » cache une intrigue un brin dramatique. Au travers de l’étrange découverte dans la cave de Marie et d’Alain ou du secret saugrenu du patron de ce dernier, le film aborde des thématiques actuelles poussant à une certaine remise en question. Jusqu’où est-on capable d’aller pour retrouver notre jeunesse ? Est-on vraiment prêt à transformer notre corps simplement pour être dans l’air du temps ? Va-t-on attendre encore longtemps avant d’essayer de raisonner nos proches dans leur folie ? Des réflexions qui collent parfaitement avec le personnage de Marie, obsédée par le conduit souterrain qui pourrait bien lui permettre d’accéder à l’inaccessible, quoi qu’il en coûte. Une trajectoire qui mène à une fin très amère mais dont on ne peut que tirer des leçons. En à peine plus d’une heure, le réalisateur livre un film à la fois malin, drôle et tragique, servi par un casting impeccable et jouissif. Une jolie petite prouesse à laquelle il vaut la peine de jeter un œil. Alors, qui veut aussi percer le mystère de l’étrange conduit de Quentin Dupieux ?
Louis Bögli
« Incroyable mais vrai »
Réalisation : Quentin Dupieux
Durée : 1 h 14
Pays : France
Note : 4 / 5
3 questions à … Karim Gehrig, projectionniste, caissier et responsable technique de la coopérative Cinématographe-Royal
L’intrigue du film « Incroyable mais vrai » a été gardée très vague dans la promotion du film. Les spectateurs sont-ils intéressés par des œuvres entourées de mystère ?
J’ignore ce qu’il en est du public, mais personnellement je n’aime pas quand les bandes-annonces montrent tout le film. Ce contenu promotionnel qui en dit trop est parfois embêtant pour nous en tant que cinéma. Déjà les bandes-annonces peuvent durer jusqu’à trois minutes, nous empêchant de promouvoir d’autres films et en plus elles montrent les meilleures scènes. Tout ce qui était rigolo ou sympa a donc déjà été vu par les spectateurs sans même qu’ils aient visionné le film en entier.
Les films courts comme « Incroyable mais vrai » sont-ils devenus rares ?
Initialement c’était inhabituel d’avoir des films très longs. On constate actuellement que les durées sont beaucoup plus conséquentes. Il existe cependant des offres permettant de montrer des films de moins d’une heure aux enfants qui ont parfois de la peine à rester concentrés tout le long. Mais les gros films ne dérangent pas forcément les spectateurs adultes. Par exemple, « Elvis » et « Top Gun : Maverick » sont des œuvres dont la durée dépasse les deux heures mais qui rencontrent actuellement un grand succès en salle.
Y a-t-il des avantages pour un cinéma de diffuser des long-métrages de courte durée ?
Les films courts sont surtout un avantage pour la planification. On arrive facilement à câler une autre projection directement après. Un film dure généralement entre 1 h 30 et 1 h 40. Mais dès qu’il dépasse les 2 h 40, il faut veiller à le diffuser suffisamment tôt sinon le suivant sera diffusé tard, vers 20 h 30.
(lb)