Portraits

La destinée ingénieuse d’une Prévôtoise

Edition N°7 – 24 février 2021

Chrystelle Lovis: persévérance, rigueur et éloquence sont ses atouts. (photo rke)

Swiss Engineering, l’association professionnelle suisse qui compte quelque 13’000 ingénieurs répartis en vingt-cinq sections, vient de nommer la Prévôtoise Chrystelle Lovis (27 ans) à la tête de la section Transjura. Chargée de projet en industrialisation dans une grande firme horlogère, elle a trouvé sa voie.

Elle pensait manipuler des éprouvettes en chimie, la voilà désormais chargée d’industrialisation dans le domaine horloger. Après un apprentissage de laborantine à Delémont et une maturité professionnelle technique au ceff de Saint-Imier, Chrystelle Lovis obtient un Bachelor en sciences appliquées en chimie industrielle à la Haute école fribourgeoise d’ingénierie et d’architecture HEIA-FR. « Mais je me voyais bien exercer une profession dans la grosse mécanique, particulièrement dans l’aéronautique », confie la jeune femme de Moutier. 

De la petite porte aux grandes responsabilités

Et pourtant, c’est dans l’horlogerie qu’elle exerce, en 2018, son premier emploi. Tout d’abord en tant qu’opératrice en salle blanche, puis agent de méthode et chargée de projet en industrialisation. Dès lors, elle rentre par la petite porte chez Rolex, pour enfin acquérir un poste à responsabilités. « Oui, car dans le domaine horloger, ce n’est pas évident de s’intégrer. J’ai préféré commencer au plus bas, bien que cela n’ait pas été évident avec un diplôme d’ingénieur, de faire comprendre mes intentions », confie-t-elle. Tout de même, c’est un métier bien loin des éprouvettes ! « Oh, pas tant que ça ! Le domaine de la chimie est technique de prime abord, notamment grâce à l’automatisation et le génie des procédés. »

De la microtechnique à l’agronomie

Tout en douceur, mais avec persévérance, la Prévôtoise, qui habite Bienne, a donc trouvé son aspiration. Pour rester en contact avec la communauté des ingénieurs, Chrystelle Lovis a pris le 22 décembre dernier, le jour même de son anniversaire, la présidence de la section Transjura de Swiss Engineering. Ce n’est pas rien puisque cette association regroupe quelque 13’000 ingénieurs helvétiques de tous horizons dans les domaines de la mécanique, la microtechnique, le génie civil, l’architecture, la chimie et même… l’agronomie. La jeune ingénieure – qui a repris le flambeau du Delémontain Brice Lachat – aura pour tâche de rassembler les ingénieurs du Jura et du Jura bernois afin de défendre une profession qui se banalise de plus en plus. 

Question de motivation

Comme de coutume, en étude, chaque étudiant ingénieur devient gracieusement membre de Swiss Engineering. Mais une fois le diplôme en poche, l’adhésion est payante. Comment mieux les motiver à rester alors ? « Je souhaite les intégrer en leur demandant de présenter davantage leurs travaux de Bachelor et pas seulement en mode virtuel. En outre, je vais proposer à de jeunes start-ups de présenter leurs idées chez nous pour que ces jeunes pousses se fassent mieux connaître », souhaite ardemment la nouvelle présidente.

200 membres régionaux

Swiss Engineering, qui dispose d’ailleurs de deux revues mensuelles « papier », dont l’une pour la Suisse romande – Revue Technique Suisse (RTS) –, peut également promouvoir cet objectif. La section Transjura, qui compte 200 membres, doit être quand même fière d’avoir une ingénieure aux commandes ? « Sans doute, mais ce n’est pas ça qui compte. D’ailleurs, je ne suis pas une hardie féministe. Je n’aime pas les entreprises qui contingentent hommes et femmes. L’important est de travailler ensemble et d’avoir des personnes capables, quelle que soit la proportion des quotas féminins ou masculins », estime-t-elle encore.

Ingénieuses perspectives

D’autre part, la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), dont le siège est à Delémont, dispose d’une plateforme internet de sensibilisation à l’ingénierie féminine : Ingénieuse.ch. Le problème de recrutement d’ingénieurs dans ce métier est récurrent. Pourtant, les écoles, les instituts et les associations font ce qu’elles peuvent pour les motiver, même au niveau international. 

L’Agence spatiale européenne (ESA) par exemple, vient de lancer une campagne de recrutement pour ses futur·e·s astronautes dans l’espoir d’y voir justement une dame dans son contingent. But : tourner autour de la Lune dans une station-relais et peut-être, un jour, s’y poser. « Tout ça est très intéressant, mais les conditions sont si draconiennes que je ne pense pas avoir le bagage suffisant pour m’inscrire », estime Chrystelle Lovis. Mais, qui sait, l’avenir réserve parfois de bonnes surprises…

Roland J. Keller

 

Chrystelle Lovis: persévérance, rigueur et éloquence sont ses atouts. (photo rke)