Culture

Amour et tension à la cour du roi

Edition N°20 - 24 mai 2023

Pas difficile pour Jeanne de séduire le roi Louis XV, même devant la cour. (photo ldd)

Fille d’une simple servante au 18e siècle, Jeanne grandit en bas de l’échelle sociale de l’époque. Gâtée par sa beauté et relativement maligne, elle s’aperçoit rapidement que la fait d’user de ses charmes pourrait bien l’aider à gravir rapidement les échelons. La jeune femme se forge une solide réputation en enchaînant les soirées gorgées de plaisirs et de débauches. Son amant, le comte du Barry, finit par la convaincre de se présenter au roi Louis XV, réputé pour être peu fidèle à sa reine. Il en faudra peu au charme et à l’audace atypiques de Jeanne pour séduire le monarque. Passée de roturière à favorite du roi, la courtisane chamboule rapidement l’ordre établi à Versailles, se créant au passage de royaux ennemis. Dans les luxueuses frivolités, un triste retour à la réalité guette. 

Casting douteux 

La première chose qui frappe les yeux avec ce drame historique conventionnel, ce n’est pas un quelconque choix scénaristique ou de mise en scène, mais bien les étranges décisions prises au niveau du casting. Ô grand pourquoi la réalisatrice Maïwenn est-elle allée chercher l’Américain Johnny Depp pour incarner le roi de France ? On aurait pu craindre le pire avec cet étrange choix, mais l’acteur s’en tire étonnamment bien, enchaînant les dialogues dans un français frôlant l’impeccable. 

La performance linguistique reste cependant plus mémorable que le jeu qui se révèle ici relativement plat, historiquement correct ou non. On ne pourra pas en dire de même pour la seconde tête d’affiche. 

En plus d’avoir la casquette de réalisatrice et de coscénariste, Maïwenn s’offre le rôle principal et s’amuse à incarner une femme ne vivant que pour le plaisir. Une interprétation correcte mais peu marquante, s’apparentant plus à un prétexte pour se pavaner en robes somptueuses dans des décors hors de prix. 

Leçon d’histoire mais pas de scénario 

Tiré de faits réels, « Jeanne du Barry » vaut principalement le détour pour son immersion dans un univers peu détaillé dans le cinéma actuel. Comme le personnage principal, le spectateur doit emmagasiner les manières de la cour et s’immiscer dans un univers qui lui est inconnu, parfois hostile. On rit volontiers avec Jeanne lorsqu’on lui montre comment prendre congé du roi, on grince des dents avec elle lorsque les princesses se moquent de son statut de courtisane. C’est l’occasion de découvrir les coutumes et habitudes de l’époque d’une manière plus attrayante qu’un livre d’histoire. 

Malheureusement, c’est bien le seul vrai grand intérêt du film puisqu’il ne raconte fondamentalement rien de très intéressant. L’intrigue n’est jamais surprenante et ne présente aucun sous-texte scénaristique ni visuel. Car oui, malgré sa grande implication dans le projet, Maïwenn livre une réalisation correcte mais peu inspirée, ne parvenant à délivrer qu’une poignée de plans impressionnants en dépit de lieux de tournage grandioses. Un genre de tableau filmé qui exploite rarement son potentiel en image ou en scénario, le personnage principal ne bénéficiant d’aucun véritable développement. La finalité du film en devient frustrante, d’autant plus que c’est une maigre narration orale qui ose conclure l’œuvre. 

A ce stade, si l’on met de côté son appétit cinéphile, mieux vaut en rester aux pages d’un bon vieux livre d’histoire. 

Louis Boegli

 

« Jeanne du Barry »
Réalisation : Maïwenn
Durée : 1 h 56
Pays : France, Belgique et Royaume-Uni
Note : 3 / 5 

 

Le saviez-vous ? 

Tapis rouges à controverses

« Jeanne du Barry » a eu l’honneur d’ouvrir le Festival de Cannes de cette année, en présence de la réalisatrice et de Johnny Depp. Un événement qui n’a pas fait que des heureux. L’acteur sort en effet d’un bras de fer judiciaire avec son ex-femme, générant une véritable polémique médiatique. Pas de quoi freiner Maïwenn qui lui a offert son premier rôle depuis trois ans puis l’a propulsé sur le devant de la scène sur la célèbre Croisette. 

Ce n’est pourtant pas la première fois que le festival cannois génère des controverses. Parmi la longue liste, on notera les déclarations du réalisateur Lars von Trier qui, lors d’une interview sur son film « Melancholia » en 2011, en est venu à aborder maladroitement le nazisme. Si les artistes en eux-mêmes déchaînent parfois la foudre, leurs films ne sont pas en reste. Gaspar Noé en est un bon exemple. En 2002, son film « Irréversible » fait fuir spectateurs et spectatrices après quelques minutes de visionnage, ces derniers ne pouvant supporter la violence des images. Une fuite aussitôt suivie par des critiques extrêmement salées. De quoi garantir de belles ambiances au bord des plages cannoises.

(lb) 

Pas difficile pour Jeanne de séduire le roi Louis XV, même devant la cour. (photo ldd)