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Dans un esprit de respect et de tradition

Edition N° 23 – 18 juin 2025

A Nods, la 97e Fête de lutte du Jura bernois a tenu toutes ses promesses. (photo Mary-Claude Bayard)

Le public, nombreux et enthousiaste, a assisté à une compétition palpitante où la relève s’est illustrée, les favoris ont parfois chuté… et où Apache, un taureau Limousin de 1200 kg, est reparti du côté d’Innertkirchen, chez Reto Thöni (24 ans). Après cinq victoires et une passe nulle, l’Oberlandais s’est imposé avec autorité. En finale, il a fait mordre la sciure à Adrian Klossner, s’offrant non seulement une première victoire lors d’une fête à couronnes, mais aussi le très convoité Apache, taureau emblématique et prix suprême de la manifestation.

Les héros locaux à deux doigts du triomphe

Si plusieurs figures majeures comme Michael Ledermann, Alex Schär ou Matthieu Burger ont dû déclarer forfait sur blessure, les espoirs reposaient sur les épaules d’Etienne Burger et Lukas Renfer. Le premier a décroché sa couronne à domicile, au terme d’un parcours solide. Le second, représentant aujourd’hui le Mittelland, a frôlé la finale d’un rien, ratant de peu l’occasion de lutter pour le titre. Il n’aura manqué que quelques secondes ou quelques centimètres à ces athlètes pour transformer l’essai. Les compétitions de lutte suisse se jouent parfois à des riens, et la journée de dimanche n’a pas dérogé à la règle. Un geste trop tardif, une prise relâchée un peu trop vite, et la victoire s’échappe. Plusieurs espoirs régionaux ont vu leur rêve de couronne s’éloigner pour des raisons infimes. Chez les jeunes aussi, la journée a été marquée par un coup du sort : Mirco Tschan, impressionnant la veille chez les juniors, a vu son ascension brutalement interrompue par une fracture de la jambe, contractée en compétition chez les actifs. Le Jura bernois perd là un troisième talent en quelques semaines, après les blessures de deux de ses figures de proue.

Mais la Fête de lutte du Jura bernois, ce n’est pas seulement un tableau de résultats, c’est aussi une ambiance, un état d’esprit. 

Le pavillon des prix, véritable trésor local, en est un symbole. Chaque lutteur, qu’il termine premier ou dernier, repart avec un lot. Des planchettes en bois, une fontaine de pierre de deux tonnes, des outils, du matériel agricole ou forestier, et même des animaux vivants comme Woody le veau ou Noisette la chevrette. Des prix offerts par des artisans, des agriculteurs, des commerçants, tous ancrés dans le tissu régional.

Ce lien fort avec la population se traduit aussi dans un rituel touchant : chaque lutteur est invité à écrire une lettre de remerciement à son donateur. La lutte suisse cultive un respect rare, un esprit de fraternité qui transcende la compétition. Ici, on ne lutte pas seulement pour gagner, mais aussi pour appartenir à une communauté, pour perpétuer une tradition où chaque geste compte.

Fête ouverte, passion intacte

Cette 97e édition, marquée par les absences de têtes d’affiche, a permis aux seconds couteaux de briller et à la relève de prendre la lumière. Le lancer de la pierre du Grand Chasseral, nouveauté de cette année, a complété le programme avec une touche ludique et spectaculaire, renforçant encore l’aspect festif et populaire de l’événement.

La Fête de lutte du Jura bernois 2025 s’achève ainsi sur une note d’espoir. Malgré les blessures, malgré les regrets, elle a montré que la passion, l’engagement et le respect sont plus que jamais les piliers de ce sport. Apache, quant à lui, rumine désormais du côté d’Innertkirchen. Le taureau s’en est allé, les cercles se sont vidés. Mais sur le plateau de Diesse, entre sapins et silence, la sciure « parle » encore. Et dans les esprits, la fête n’est pas terminée.   Céline Latscha

A Nods, la 97e Fête de lutte du Jura bernois a tenu toutes ses promesses. (photo Mary-Claude Bayard)