– Pierre-Michel, est-ce que ça vaut la peine, en Suisse, en prévision d’une situation d’urgence, de prendre des cours de survie ?
– Oui, bien sûr. Dans mon cas, la formation que j’ai reçue il y a vingt ans s’est déroulée dans le cadre du scoutisme. Trop souvent, on prend les scouts pour des gamins qui s’amusent à l’air libre, mais ceci est faux, parce que les connaissances qui sont véhiculées chez les scouts sont multiples, très pratiques et pointues. Elles m’ont imprégné pour le restant de ma vie ; tout cet enseignement, je l’ai là, dans ma tête. Par après, j’ai approfondi le sujet. En Suisse, les cours de survie sont rares. Ceci dit, un groupe de scouts accueillera volontiers quelqu’un qui voudrait se mettre en condition, c’est-à-dire d’apprendre à survivre en extérieur, même si vous n’appartenez pas à leur groupe. On peut facilement acquérir du matériel de survie dans le commerce à prix abordable, comme ce kit de survie par exemple. La question est de savoir l’utiliser. Rien ne sert d’en posséder un si on ne s’est jamais entraîné avec.
– Un exemple anodin mais concret ?
– On peut avoir un accident de voiture, par exemple. Vous n’êtes pas particulièrement blessé, mais votre véhicule ne démarre plus. Et donc le chauffage ne fonctionne pas. Il n’y a personne, et vous avez de plus en plus froid. Vous êtes hors réseau, aucun moyen pour communiquer avec les secours ou avec vos proches, et il fait nuit. Et en plus, il y a du brouillard, ou il pleut. Si vous disposez d’un petit kit de survie comme celui-ci, et d’une couverture thermique, vous avez la possibilité de survivre au moins jusqu’au lendemain, même si vous n’avez rien à manger et seulement un peu d’eau. Je précise que si le terrain est couvert de neige et que vous avez soif, il ne faut pas manger la neige, parce que les cristaux blesseront votre cavité buccale comme autant de microscopiques lames de couteau. Sucez plutôt de la glace, si vous en trouvez.
– Sur la table, je vois aussi une lampe de poche. Dans la voiture, elle est primordiale. Les inscriptions sur le côté de la lampe, qu’est-ce que c’est ?
– Il s’agit d’un code en morse, c’est-à-dire l’alphabet de A à Z, que l’on communique par signaux. Si vous savez faire le fameux S.O.S. (ndlr. « Save Our Souls »), composé de trois traits courts, trois longs, trois courts, la Police par exemple ou la REGA comprendront tout de suite. Ils verront non seulement où vous vous trouvez, mais aussi que vous êtes en détresse. Oui, c’est indispensable d’avoir une bonne lampe de poche dans sa voiture.
– Pourquoi avez-vous gardé des bougies déjà utilisées ?
– Je garde toujours la fin de bougies. Parce que si on doit allumer un feu quand il pleut, ou que tout est humide, on peut glisser la bougie sous le petit tas de bois. Elle va brûler longtemps et sécher le bois. Pour moi, c’est le meilleur allume-feu. Ici, on a aussi un mini-réchaud pour faire fondre la neige par exemple, et aussi pour s’éclairer. Même un vent fort n’éteindra pas la flamme.
– Qu’est-ce qu’il y a d’autre dans ce petit kit de survie ? Il est tout petit, il fait 12 cm x 7 cm. Et pourtant, c’est impressionnant tout ce qu’il contient.
– Vous avez un allume-feu qui produit de grandes étincelles, une ficelle en acier qu’on peut utiliser comme une scie pour couper des branches, un petit couteau suisse, mais aussi des épingles de nourrice, qui vous permettront de pêcher ou de rafistoler un habit déchiré. Il y a aussi deux mètres de ficelle. La ficelle est importante, p.ex. pour faire un abri, tenir ensemble une toile imperméable que vous installerez au-dessus de vous si les branches en forêt le permettent. Gardez-la toujours dans votre voiture, parce qu’elle donne une grande possibilité de survie. S’il vous faut passer la nuit dehors, allez plutôt en forêt, ne dormez jamais à découvert parce que vous allez vous faire tremper jusqu’à l’os ! J’ai aussi une loupe ici, qui ne fait pas partie du kit, mais qui est excellente pour allumer un feu… pour autant qu’il y ait du soleil. (Attention à ne pas l’exposer au soleil dans une voiture, parce qu’elle risquerait de mettre le feu à votre véhicule.) Et ici, quelque chose à toujours avoir sous la main, ce sont les couvertures de survie, couleur or d’un côté et argent de l’autre – qu’il faut appliquer contre son corps – Si on a très froid, on peut s’envelopper avec et ça nous garde au chaud. Mais elles vous protégeront aussi contre la chaleur extrême, par exemple lorsqu’il y a un incendie.
– Faut-il accumuler des réserves chez soi ? Aux Etats-Unis par exemple, il y a un mouvement qui pousse les gens à accumuler des denrées alimentaires en masse, « au cas où ». Quelle serait l’utilité de telles réserves en Suisse ?
– Il ne faut pas verser dans des excès comme aux Etats-Unis bien sûr, ni devenir paranoïaque. Le problème c’est que, en cas d’urgence et quand on n’est pas prêt, c’est toujours trop tard. Prenez une coupure d’électricité de très longue durée, par exemple. Ou pire, une coupure d’eau potable. Dès que cela arrive ou risque d’arriver, les magasins se vident de piles, de bougies, de l’eau en bouteille. Rien que le fait de disposer d’une petite réserve, au moins pour tenir quelques jours, est une bonne chose. J’ai toujours un petit réchaud à gaz à portée de main, que j’utilise pour la chasse. C’est toujours bien d’avoir du riz, du blé en grain, de l’eau en bouteille et quelques boîtes de conserve. Souvenez-vous : au temps de la pandémie, les rayons ont été « dévalisés », en commençant par le papier de toilette. Il y a aussi l’aspect de la guerre. S’il y a tout à coup des missiles qui passent au-dessus de nos têtes, qu’on entend les sirènes sonner et qu’il faut se refugier dans des abris antiatomiques, où est-ce qu’on va ? Dans ce cas, on ne dispose tout au plus que d’un quart d’heure. En Prévôté, il y a plusieurs endroits où l’on peut se rendre pour s’abriter, alors renseignez-vous par avance. D’ailleurs, la première chose que ferait une armée ennemie, c’est qu’elle chercherait à couper l’électricité. Blackout. C’est tout à fait sensé de se poser ce genre de question et de se tenir prêt, surtout de nos jours.
– Si l’on a un chien, est-il indispensable de le prendre avec nous ?
– Certainement. S’il est de taille moyenne ou grande, et si vous l’avez bien éduqué, il pourra vous avertir si un danger approche, vous défendre, et surtout vous tenir au chaud sous une couverture de survie. Il est aussi très intéressant de posséder un petit livre où figurent les diverses plantes médicinales que l’on trouve dans nos contrées. L’étudier est une bonne chose.
Propos recueillis par Pablo Davila