Se transporter au XIXe siècle au travers de crimes odieux, rixes en tous genres, infractions contre les mœurs, ou affaires sordides, c’est ce que propose Karim Boukhris, historien, natif de Sorvilier. Etabli à La Chaux-de-Fonds depuis 2004, il a fouillé les archives juridiques du canton de Neuchâtel de l’époque et en a tiré des textes, nommés Capsules criminelles, qu’il raconte en public à la façon de Pierre Bellemare. Des scènes croustillantes à découvrir à Belprahon, le samedi 27 août à 19 h, à la salle communale.
Père de trois enfants, Karim Boukhris, né en 1972, a d’abord travaillé sur des chantiers avant de suivre une formation universitaire en histoire et sociologie. Il a travaillé en qualité de collaborateur scientifique au Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds. Ses recherches, dans le contexte de son travail de doctorat, l’ont amené à se pencher sur les archives judiciaires de la Principauté de Neuchâtel relatives à la période postrévolutionnaire, soit de 1790 à 1880. Ainsi, il a pu consulter les retranscriptions fidèles des déclarations des protagonistes de ces affaires retentissantes, témoins, victimes et auteurs, avec les notes des acteurs de la justice, greffiers et juges. Il a décortiqué près de 2400 affaires judicaires pour en ressortir une bonne vingtaine qu’il relate dans des écrits.
Parcours insolite
Il est également auteur et acteur de théâtre (aux Tréteaux d’Orval), a présidé le Conseil général de La Tchaux, est député au Grand conseil neuchâtelois sous les couleurs du POP, et fut animateur du groupe Bélier. Il a aussi eu l’opportunité d’écrire et mettre en scène trois visites théâtralisées du Château de Valangin qui constitue le décor de l’une ou l’autre de ses capsules criminelles, puisque cette imposante bâtisse servait de prison pour les autorités locales de l’époque.
Notes historiques
Ces capsules criminelles sont des récits des chroniques judiciaires qui remontent à des temps pas si lointains et qui reposent sur des faits réels de la vie quotidienne d’alors. Ces affaires sont ancrées dans une région alors encore rurale, gouvernée par un prince établi loin à l’étranger, avec des institutions bien rodées sur place : un Conseil d’Etat qui fonctionne comme autorité de recours, des juges de district, des gendarmes locaux et aussi un bourreau pour l’exécution de tâches plus ou moins rémunératrices en sa qualité de maître des hautes et basses œuvres. La torture n’est pas encore abolie et des détenus rejoindront la chaîne du bagne ou seront contrains de quitter le territoire suisse. C’est aussi un peu l’histoire de l’évolution de la justice.
Capsules criminelles
Karim Boukhris s’est plongé dans ces archives judiciaires pour être proche des petites gens de l’époque et révéler comment elles vivaient, en altérant le moins possible la réalité et en utilisant les termes de jadis. Il a choisi de raconter ces légendes de la vie habituelle d’autrefois surtout dans les bistrots, pour un public éclectique qui ne fréquente pas forcément les hauts lieux culturels. Il avoue que son enfance a été bercée par les histoires véridiques de Pierre Bellemare. A son instar, il dévoile des histoires pleines de rebondissement, de suspense, n’hésitant pas de souligner les détails les plus cocasses, voire glauques. La force de ces récits tient dans l’efficacité d’une écriture qui rend bien vivants des personnages hauts en couleur, parfois citoyens au cœur d’une dispute idiote, parfois simples marginaux réprouvés par la populace et les notables du lieu, mais aussi des bandits aguerris. On y retrouve toujours les mêmes ferments, les mêmes mobiles : l’intolérance, la passion, la jalousie ou la cupidité.
Par ces capsules criminelles, il démontre aussi combien la justice des hommes peut se montrer brutale, alors que c’est cela même qu’elle reproche aux accusés qu’elle poursuit. Nul besoin de connaître l’histoire neuchâteloise ou d’avoir des connaissances juridiques pour apprécier les histoires de Karim, enfant de Sorvilier, qui fera à coup sûr vibrer son auditoire.
Claude Gigandet