Actualités, Portraits

Il garde la pêche, mais s’éloigne des poissons 

Edition N° 46 – 17 décembre 2025

Garde-pêche cantonal en charge de l’arrondissement du Jura bernois, Gérard Zürcher se fait un devoir de rappeler que « quarante ans d’activité en tant que surveillant volontaire de la pêche, est une durée particulièrement rare, ceci à l’échelle de tout le canton et non seulement des six qui sont actifs dans le Jura bernois ».  

Entré en activité en 1985, Robert Haeni est particulièrement bien placé pour évoquer les changements très importants qu’ont subi les rivières et tout spécialement la Birse durant ses quatre décennies d’activités. A cette époque, la station d’épuration des eaux de Loveresse était fonctionnelle et efficace depuis quelques années seulement. « Auparavant, les truites n’avaient pas disparu de la Birse dans la vallée de Tavannes, mais elles sentaient un peu le mazout ! » glisse-t-il avec un sourire en coin. Depuis tout ce temps, l’eau est devenue beaucoup plus propre malgré des pollutions accidentelles que l’on n’arrive toujours pas à éliminer définitivement et qui causent des hécatombes dont on se passerait bien. « Malgré la propreté bienvenue de l’eau, le nombre de poissons n’a pas cessé de diminuer et les causes potentielles de ce déclin sont nombreuses, du réchauffement de l’eau et de son trop faible niveau en période d’étiage au retour des prédateurs tels que le héron cendré et le harle bièvre, véritable bête noire des pêcheurs. » On parle beaucoup aussi d’une eau trop propre qui manque de nutriments depuis que les abattoirs ne déversent plus de viscères directement dans le lit de la rivière. « La diminution drastique du nombre d’insectes, de leurs larves et des autres invertébrés liés à l’eau est un autre phénomène qui devrait être pris en considération », admet le futur ex-surveillant volontaire.

Piscicultures abandonnées

Le nombre de poissons disponibles dans les rivières n’est pas considéré que sous l’angle de la biodiversité puisque la pêche est un loisir encore bien pratiqué malgré un désintérêt qui s’installe, précisément en raison du manque de poissons donc de prises. Une patente ordinaire coûte 250 francs par année et il est pour ainsi dire assuré que plus personne n’envisage de rentabiliser ce montant par le nombre de ses prises. Le pêcheur est avant tout un contemplatif dont l’esprit sportif consiste à jouer au plus malin avec des truites autant prudentes que rusées. « Un autre facteur qui peut décourager les pêcheurs est l’augmentation de la taille minimale en dessous de laquelle le poisson doit être remis à l’eau. On est passé de 22 centimètres à 24, puis 26, afin de permettre à une majorité d’individus de se reproduire avant de passer à la casserole.

En se penchant sur ses quarante années d’activités, Robert Haeni ne manque pas de relever l’abandon de la pratique d’élevage en pisciculture et la revitalisation des rivières qui recrée des frayères dans des zones où le gravier fin incite les poissons à parader et se reproduire. « C’est une phase pilote qui se termine à la fin de cette année, il reste à voir comment elle se concrétisera à l’avenir. »

Sévère mais juste

Dans son rôle de surveillant, Robert Haeni a bien entendu eu la mission de contrôler, et de dénoncer des contrevenants. « La plupart des cas concernaient des truites trop petites qui étaient tout de même prélevées et le maintien des ardillons des hameçons. Les ardillons sont ces petites pointes recourbées et tournées vers l’arrière, qui empêchent le poisson de s’échapper une fois ferrés. « Mais quand la prise ne fait pas la mesure et qu’il faut la relâcher, on lui inflige des blessures sévères si l’on laisse les ardillons en place. »

Robert Haeni peut être fier d’avoir consciencieusement rempli son rôle durant tant d’années, mais il s’honore également d’avoir souvent privilégié la prévention plutôt que la répression. « En particulier avec ces jeunes écoliers pris la main dans le sac pour un délit pas trop grave que j’avais proposé à ma hiérarchie d’intégrer à des travaux en faveur des cours d’eau plutôt que de les dénoncer. Ils ne sont pas devenus des piliers de nos sociétés de pêche, mais la leçon avait tout de même porté ses fruits », conclut-il.   Blaise Droz