Culture

La galerie Les ombelles a une âme

Edition N°39 - 23 octobre 2019

L’ancienne école de Fornet-Dessus, l’antre de Sylvère Rebetez, transformée en galerie Les Ombrelles avec, de gauche à droite: Doric Rebetez, Lyne Héritier, céramiste, Mirella et Didier Rebetez. (photo cg)

C’était l’antre de Sylvère Rebetez (1936-2014), là où il a créé tant d’œuvres colorées, sombres ou gaies. Une ancienne école qu’il avait aménagée en appartement et atelier de peintre qui dès maintenant est transformée en galerie baptisée Les ombelles, sa fleur préférée, qui l’a inspiré et qu’il a peinte sur plusieurs de ses toiles. Après quelques transformations, mais en gardant plusieurs éléments d’origine qui retracent la vie de l’artiste de Fornet, l’endroit a été inauguré le samedi 19 octobre avec une quarantaine de ses œuvres en présence de la céramiste et sculptrice Lyne Héritier de Châtillon qui expose une trentaine de pièces, dans le même esprit de ce qui se faisait jadis, juste en face, à la colonie de vacances, avec son compère Roger Tissot.

«C’est un lieu chargé d’émotion et de vie», précisent les deux fils de l’artiste Doric et Didier, qui se sont bien impliqués dans le projet. Mais c’est Mirella, la belle-fille et galeriste responsable (épouse de Didier) qui est à l’origine de la transformation du lieu, cinq ans après la mort du peintre. Dans la famille depuis sa dix-neuvième année, elle a été en quelque sorte la fille qu’il n’a pas eue, celle qui avait le privilège de le voir peindre. Endroit peu conventionnel, plantée au beau milieu de ce paysage si typique des Franches-Montagnes, au milieu des sapins, la nouvelle galerie a pour but de devenir un lieu de création, de culture et de se faire une place dans le monde de l’art. «C’est un défi de faire venir des gens à Fornet-Dessus, mais je le relève avec optimisme», s’enthousiasme Mirella. Il faut préciser que Sylvère Rebetez a toujours vécu à Fornet-Dessus. En 1966, il rachète l’école du village, une bâtisse sans électricité et sans toilettes dans laquelle il avait fait ses classes, qu’il transforme en maison familiale. Le rez-de-chaussée, clair et spacieux devient son atelier et il habite à l’étage, aujourd’hui repris par son petit-fils. Travailleur infatigable, Sylvère passe le plus clair de son temps dans son antre et se fera une belle réputation. Sa famille, fils et belles-filles, soit Didier et Mirella, Doric et Armelle, après avoir vidé et agrandi les lieux, en gardant plusieurs traces du passé, comme le chevalet de l’artiste placé à un endroit lumineux, un tapis maculé de peinture, un parquet d’origine qui avoue le poids des ans ou quelques éléments architecturaux intéressants de la bâtisse.

Cette nouvelle galerie ne sera pas un mémorial du peintre, bien qu’un petit coin lui sera réservé, mais un lieu émotionnel qui verra défiler des artistes de différents domaines, une ouverture aux autres formes d’art. L’exposition et l’inauguration de la galerie ont été vernies samedi dernier avec le verre de l’amitié placé sous l’égide de Georges Wenger, un ami de Sylvère Rebetez, et le GRM trio avec sa musique aux accents manouches.

Sylvère Rebetez

Est-il encore nécessaire de présenter cet artiste aux mille facettes? D’un caractère fort, entier, affirmé, voire rugueux, forgé à la rudesse du paysage franc-montagnard et de son climat, il peint d’abord en dilettante en pratiquant plusieurs métiers tels que mécanicien, peintre en bâtiment, menuisier-ébéniste ou aide-infirmier en psychiatrie. Dès 1974, il se voue entièrement à sa passion, inspiré par des rencontres avec d’autres artistes comme Coghuf, Manessier, Erni, Comment ou Bregnard qui auront été déterminants dans son parcours d’autodidacte. L’artiste-peintre, terrien dans l’âme, se distingue par ses tableaux représentant des paysages francs-montagnards avec leurs fermes typées, des ambiances, parfois sombres, parfois gaies, mais aussi des souvenirs des nombreux voyages qu’il a effectués en Europe, en Asie ou en Afrique. Avec une sensibilité à fleur de peau, il peint d’abord à l’huile ensuite à l’acrylique ce qu’il ressent pour ses sujets de prédilection, mais il jette aussi parfois sur sa toile les sentiments qu’il ne peut exprimer verbalement face à la violence ou à l’injustice. C’est ainsi que dans son vaste atelier, la nature côtoie la musique, les grands espaces, la foule bigarrée dans un style ni totalement abstrait, ni totalement figuratif, un style bien à lui, reconnu par ses pairs et apprécié du public. Ses toiles ont un retentissement non seulement interrégional, mais on les trouve dans le monde entier.

Lyne Héritier

La céramiste et sculptrice habitant Châtillon, Lyne Héritier, (née en 1977), passe indifféremment du bel objet utilitaire, tel que la vaisselle ou la décoration à la sculpture, en explorant diverses techniques ancestrales comme les cuissons primitives ou la technique japonaise de la cuisson Raku. Le Raku est un procédé de cuisson rapide à basse température du grès datant du XVIe siècle. Il se caractérise par des glaçures très plombeuses, épaisses et criblées de petites dépressions. Ces poteries étaient destinées à la cérémonie du thé. Elle évolue aujourd’hui vers différentes techniques de terres polies, puis d’enfumage au moyen de plantes, produits naturels, oxydes ou pigments qu’elle cherche et trouve dans la région. Elle crée ainsi un pont entre la terre, l’air, le feu et l’eau, une alchimie passionnante et magique célébrant la matière, tantôt brute, tantôt raffinée. C’est comme une fusion entre la technique et la nature pour donner naissance à une poésie des éléments qu’elle transforme avec cœur et passion. Elle travaille de manière instinctive, sans trop de recherches au niveau des formes, plus intéressée qu’elle est par les technique de cuissons. Auparavant, elle créait plutôt des femmes bien en chair que n’aurait pas nié Bottero. Actuellement, ce sont plutôt des hommes, mais ses affinités changent avec ses humeurs et ce sera certainement autres choses prochainement. 

Graphiste de profession, Lyne Héritier a découvert la céramique en autodidacte après avoir touché à la peinture, la musique ou l’écriture. C’est ainsi que l’argile, le grès, la terracotta n’ont plus de secrets pour elle et qu’elle partage son savoir en animant un atelier de céramique. Plusieurs expositions sont à son actif depuis plus de quinze ans qu’elle évolue dans ce monde, en groupe ou personnelle. Elle considère comme un honneur l’opportunité de partager en binôme avec Sylvère Rebetez l’inauguration de la galerie des Ombelles, ce qui lui donnera à n’en pas douter des ailes pour l’avenir. 

Claude Gigandet

Exposition jusqu’au 17 novembre 2019

Heures d’ouverture: je-ve 18-21h; sa-di 14-19h.

L’ancienne école de Fornet-Dessus, l’antre de Sylvère Rebetez, transformée en galerie Les Ombrelles avec, de gauche à droite: Doric Rebetez, Lyne Héritier, céramiste, Mirella et Didier Rebetez. (photo cg)