Auteur et abonné au Journal Le Temps, je découvre avec plaisir chaque semaine le cahier «Week-End» et tout particulièrement les pages consacrées à la littérature. Cet été déjà, Antoine Duplan m’avait régalé avec une série d’articles consacrés à un chef d’œuvre littéraire puis réalisé cinématographiquement. On retrouvait ainsi, entre autres, Le Guépard (Tomasi di Lampedusa/Visconti), Madame Bovary (Flaubert/Chabrol), Mort à Venise (Mann/Visconti). J’y rajoute volontiers Moby Dick (Melville/Huston) et Belle de jour (Kessel/Bunuel). Dans son édition du 19 septembre 2020, sous la plume d’Isabelle Rüf, celle-ci nous informait de l’arrivée dans le Livre de poche d’un titre de Dany Laferrière sorti en 1985.
Noir, fils d’exilé politique haïtien, il a passé son adolescence au Québec. Il fut ouvrier en usine puis journaliste. Son roman, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, lance son auteur qui sera reçu en 2019 à l’Académie française. La journaliste nous assure que «l’ouvrage a gardé toute sa fraîcheur» et conserve son titre «toujours subversif». On la croit volontiers. Tous les livres n’ont pas la même chance et il faut croire que les palmes académiques y sont pour quelque chose ! Les Dix petits nègres d’Agatha Christie, paru en 1939, a été rebaptisé cette année Ils étaient dix ! Bien sûr, l’Empire britannique est le symbole même d’un monde révolu, car blanc, raciste, esclavagiste et colonisateur de terres sur lesquelles le soleil ne se couchait jamais. Mon propos peut paraître réducteur mais pour beaucoup en Europe, il faut faire table rase de nos erreurs passées même au risque de les sortir de leur contexte historique. Jean de La Fontaine (1621-1695) en aurait certainement tiré une conclusion qui, à la sauce du XXIe siècle, serait d’une simple logique : «Selon la concentration de mélanine en votre corps, vous serez blanc ou noir». Bien sûr, le racisme est nauséabond, mais pour la naïve Europe, on pense que des clichés bien-pensants seront suffisants pour le combattre. Aux Etats-Unis d’Amérique, chaque fait divers violent et abject renforce chaque camp, incapable d’écouter l’autre. Aucun consensus n’est possible, car il n’existe aucune écoute de l’autre, donc aucun respect. C’est l’échec de notre monde actuel. Au fait, au jeu d’échecs, «les blancs jouent et gagnent». Cela est purement théorique, car en ouvrant la partie, les blancs ont un coup d’avance qu’il convient de conserver. Au final, il n’y a guère que sur une partition musicale où les notes blanches et noires jouent en parfaite harmonie.