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Olivier Cavé pianiste dans l’âme

Edition N°5 - 5 février 2020

Né à Martigny en 1977, le célèbre pianiste italo-suisse Olivier Cavé est installé à Moutier depuis 2008. Cet artiste qui fait partie des meilleurs pianistes du monde explique qu’il a éprouvé un coup de foudre immédiat avec les Prévôtois. Invité de notre rubrique Tribune VIP, il livre ses confidences en toute simplicité. Rencontre avec un virtuose attiré par les défis. (photo ldd)

Installé à Moutier depuis 2008, le célèbre pianiste italo-suisse Olivier Cavé est né à Martigny en 1977. Il joue du piano depuis l’âge de 4 ans et demi. Ce pianiste concertiste, pas comme les autres, détonne avec des choix singuliers comme ses interprétations de Scarlatti et Clementi. A Moutier, peu de personnes connaissent cet artiste qui fait partie des meilleurs pianistes du monde.

Olivier Cavé possède du talent qu’il entretient avec exigence. Pour rester au top niveau, ce bosseur infatigable soigne sa dextérité et son sens de l’interprétation des compositeurs qu’il aime à choisir non pas pour leur popularité mais pour leur qualité d’écriture.

Fidèle à Martigny, c’est dans ce bourg valaisan qu’il débute sa carrière à la Fondation Pierre Gianadda en 1991, lors d’un concert dirigé par Yehudi Menuhin. En avril 2020, il se produira dans cette même salle qu’il affectionne tout particulièrement.

En 2008, il sort son premier album consacré au compositeur Domenico Scarlatti. Le 2e album sort en 2010 et est consacré au compositeur italien Muzio Clementi. En 2011, il se produit aux Etats-Unis sur la côte Est, notamment à la Duke University et à la West Virginia University. En 2013, sortie du 3e album autour de l’œuvre de Jean-Sébastien Bach. Le 4e album est présenté en 2015 et tourne autour des œuvres de Joseph Haydn et Domenico Scarlatti. Ce «monument» d’interprétation pianistique est classé No 1 dans le top ten des meilleurs enregistrements classiques pour l’année 2015, selon le palmarès du magazine Forbes. En 2016, Olivier Cavé nous fait découvrir son 5e album, consacré à l’interprétation d’œuvres de Mozart. Enfin en 2018, nouvel album, le 6e de l’interprète prévôtois, qui propose l’exécution d’œuvres de Joseph Haydn et Ludwig van Beethoven.

Pour un Napolitain-Valaisan, quel est votre rapport avec la ville de Moutier?

Ce sont des décisions sentimentales qui ont conduit à mon déménagement à Moutier (ndlr : Olivier Cavé vit en couple avec un chirurgien venu travailler à l’HJB). J’ai eu un coup de foudre immédiat avec les Prévôtois. Je me suis senti immédiatement chez moi et le courant est passé; c’était extraordinaire ! Par chance, je me suis fait beaucoup d’amis. J’étais impressionné par la vitalité culturelle et sociale de la ville en plus de l’immense sympathie de la population. Certes, les campagnes politiques de ces dernières années ont enflammé l’atmosphère, surtout dans les milieux activistes, mais il a toujours régné une belle entente au sein de la population. 

Vous avez commencé le piano à l’âge de 4 ans et demi, dites-nous en davantage

Grand hasard. Mes parents voulaient que je trouve une activité extra-scolaire. Ce fut une révélation immédiate qui doit être vue comme un prolongement de ma petite enfance et de mes velléités de m’approprier la chaîne stéréo pour y écouter de la musique. Après trois ans de leçons, j’avais 7 ans et demi, ma professeure m’a envoyé au conservatoire. Ce fut un véritable tremplin. A y repenser, ma facilité était tellement évidente qu’elle en était quasi indécente.

Le piano est-il pour vous un gagne-pain incontournable ou une passion sans limite?

Ce qui me passionne, c’est la musique! Le piano, c’est différent. C’est l’instrument, l’outil qui m’offre le plaisir d’assouvir cette passion. La musique, c’est d’abord la voix.

Pour un jeune, quel est votre recette pour épouser une carrière de musicien international?

Il faut croire à la passion musique, ne jamais lâcher cet adage et foncer avec toutes les incertitudes. Travailler pour progresser et savoir que le chemin sera long et parsemé d’embûches. A 8 ou 9 ans, Olivier savait déjà qu’il ferait de la musique sa vie. Pour un jeune, il est important de connaître son vrai niveau, non pas exprimé par la famille ou les amis mais évalué/estimé de manière impartiale par un expert. Plus tard, si le jeune veut faire carrière, le carré de sable ne sera ni régional, ni national mais international si l’interprète est doué, que son assurance est manifeste et que le charme opère.

Comment maintenez-vous votre virtuosité? Par la répétition, par l’exercice physique, par vos capacités intellectuelles de mémorisation, par la détente et la concentration?

La musique est ma manière de vivre, du matin au soir. Le travail est permanent et astreignant pour maintenir et parfaire ma technique. L’hygiène de vie est hyper-importante. Je fréquente la salle de sport cinq à six fois par semaine pour maintenir mes muscles et je mange sainement. J’adore cuisiner et mes origines italiennes m’aident beaucoup pour élaborer des plats à base de légumes bio, de bonnes huiles et de viande blanche avec une faible dose d’hydrates de carbone.

Question personnelle, quelle est la recette pour avoir du plaisir dans une profession contraignante?

C’est mon plus grand combat. Par le passé j’ai eu une crise; je ne voulais plus jouer. Par chance, je ne fais pas que ça et j’ai d’autres projets qui me permettent de garder un sain équilibre. Sans cela, la lassitude pourrait s’installer.

Quelle est votre définition du bonheur? 

C’est une question légitime; ce sont des moments bien précis. Des moments dont j’ai rêvé et qui se sont réalisés. Un concert dont le déroulement est parfait, est une source de bonheur. A ce propos, la relation avec la critique est parfois incompréhensible. Etre convaincu d’avoir interprété juste et subir une critique négative est démoralisant; le contraire également. Dans ma vie de pianiste, j’aimerais ajouter que les moments de grâce sont beaux parce qu’ils sont rares!

Avez-vous assuré vos mains, vos doigts ? Apportez-vous des soins particuliers à ceux-ci?

Non, c’est beaucoup trop cher. Les assurances assurent d’ailleurs plutôt l’accident alors que notre principale source de maux est la maladie. Je fais très attention à mes mains. Lorsque je me suis entamé un doigt en cuisinant en 2018, j’ai eu très peur et j’ai dû stopper la pratique du piano pendant deux mois.

Vos prochains concerts dans la région, votre programme 2020, la fréquence des concerts?

Sortie de mon nouvel album des concertos de Beethoven pour piano et orchestre à fin 2020 avec à la clef une tournée en Europe. Idéalement, j’aimerais pouvoir me produire une fois par mois.

Votre dernier coup de foudre?

Le gros coup de foudre, c’est mon petit hameau dans les Cinque Terre.

Dans quelle salle de concert mythique et magique, désireriez-vous vous produire ou vous êtes-vous produit?

Pour tout musicien, les salles du Carnegie Hall de New York et le Davies Hall à San Francisco sont des musts. La seconde m’est familière tout comme la salle Gaveau à Paris. Un rêve serait donc de jouer dans la fameuse Carnegie Hall à New York.

Quelle est votre référence vivante en matière de pianiste virtuose?

J’adore voir et entendre jouer Nina Simone qui ne change jamais et qui est la plus grande pianiste de jazz de tous les temps. Michelangeli est le plus grand des pianistes; c’est la perfection faite homme; quelle musicalité et quelle spontanéité! La spontanéité, c’est inné… c’est tout apprendre, puis tout oublier, pour interpréter au plus près de ses tripes selon sa vérité et non la vérité de son professeur.

Quelques mots sur vos musiques préférées et sur vos hobbies ?

La musique fait partie de ma vie mais n’est pas toute ma vie. Elle y prend une part importante et techniquement je devrais pouvoir l’arrêter et rester heureux. N’importe quelle musique. Pourvu qu’elle raconte une histoire. Pourquoi pas le yodel si la musique me raconte une histoire. Mes hobbies sont nombreux: la cuisine créative, le sport, la culture et tout ce qui touche à la créativité. 

Quelle est la personne qui vous a le plus influencé dans votre vie ?

C’est Edith Dor, indubitablement. Par hasard, j’ai rencontré cette châtelaine française et mécène durant mon adolescence. Elle voulait organiser une réplique du concert de 1991 avec Menuhin. Jusqu’à sa mort, ce fut mon meilleur fan, elle m’a appris beaucoup de choses et fut déterminante dans ma carrière. Cette amie est décédée le jour de notre déménagement à Moutier.

N’est-il pas frustrant de devoir toujours voyager et finalement de n’être que très peu connu ici en Suisse ?

C’est juste un peu triste. Lorsque je vois ce qui se passe dans les autres pays, la France, les Etats-Unis et le Japon, je remarque que les musiciens et autres artistes émérites sont une fierté nationale. Prenez les Etats-Unis; j’ai joué plusieurs fois à la Maison Blanche à Washington sous l’ère Obama alors que je n’ai jamais rencontré notre pianiste et Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.

Votre début de carrière, comment l’avez-vous financé; respectivement aviez-vous un ou plusieurs mécènes ?

En fait, j’ai eu beaucoup de chance en rencontrant deux mécènes qui ont participé à la couverture de mes frais. Initialement, pour exister en tant que pianiste, j’ai pu compter sur Léonard Gianadda, un ami de la famille, qui m’a offert de me produire sur la scène de la Fondation Pierre Gianadda.

Si vous deviez perdre l’usage même partiel de vos mains, quelle serait votre choix pour une reconversion réussie ?

Un jour viendra où je ferai une reconversion. La musique et le piano ne sont pas une fin en soi. J’ai beaucoup de projets, dont celui du hameau des Cinque Terre, autant pour des raisons patriotiques que de fierté. Un jour, pour le bien public, j’aimerais m’engager en politique.

Propos recueillis par Anthony Picard

Né à Martigny en 1977, le célèbre pianiste italo-suisse Olivier Cavé est installé à Moutier depuis 2008. Cet artiste qui fait partie des meilleurs pianistes du monde explique qu’il a éprouvé un coup de foudre immédiat avec les Prévôtois. Invité de notre rubrique Tribune VIP, il livre ses confidences en toute simplicité. Rencontre avec un virtuose attiré par les défis. (photo ldd)