Les athlètes souffrant de handicap et qui pratiquent un sport adapté à leur état n’ont pas le même impact médiatique que les sportifs valides, pourtant leurs mérites sont au moins autant grands. Plus le public s’en rendra compte, plus les compétitions qui leur sont réservées auront de succès. Afin de les mettre en lumière, une bonne façon de faire est d’initier les sportifs valides au sein de leurs clubs respectifs. C’est à cela que se consacre Mathieu Chapuis, l’ancien des SRD qui avait été initié au monde des malvoyants par un camarade d’études.
C’est devenu une passion qui a fait de lui le père fondateur de l’équipe suisse de cécifoot, dont il s’est un peu distancié par la suite. La passion n’est pas morte pour autant et il se pique de promouvoir ce sport réservé aux malvoyants, avec toutefois l’assistance de valides, dont les gardiens. Dans la halle de gymnastique de Bévilard, il a expliqué les fondements de ce sport à part à des membres enthousiastes de l’équipe de l’entraîneur Steve Langel.
Comme des chauves-souris
Comme beaucoup de handicaps, la cécité peut être totale ou partielle à divers degrés, c’est la raison pour laquelle les joueurs sont tous équipés d’un masque qui les plonge dans l’obscurité totale. La vue doit alors être remplacée exclusivement par le son, raison pour laquelle le ballon est équipé d’un grelot qui permet de le localiser lorsqu’il est en mouvement. Les personnes qui souffrent d’un handicap le compensent souvent en développant très finement un autre sens et du coup, ceux qui n’y voient rien apprennent progressivement à localiser les sons avec une remarquable précision. La tâche est bien entendu beaucoup plus ardue pour les valides qui portent un bandeau. Elle est pénible pour eux et très amusante pour ceux qui les observent. Néanmoins, on a pu se rendre compte au cours de l’initiation proposée par Mathieu Chapuis, que les progrès sont rapides, malgré d’inévitables maladresses. Les joueurs doivent apprendre à écouter et analyser chaque bruit, celui du ballon de même que les appels des coéquipiers et des adversaires. Le gardien informe ses défenseurs tandis qu’un guide pilote les attaquants. Tous les joueurs vivent dans un monde sonore en trois dimensions dans lequel ils évoluent à la manière des chauves-souris.
Public silencieux
L’initiation a eu lieu dans une halle à l’acoustique pour le moins peu propice, mais les compétitions se déroulent sur des terrains extérieurs aux mêmes dimensions que ceux de handball et le public est prié de faire silence pendant les phases de jeu. Cela paraît difficile à croire, mais les joueurs malvoyants sont d’une habileté inouïe et les gardiens voyants n’ont pas la partie facile face à des tirs puissants et précis.
C’est ce que Mathieu Chapuis a envie de démontrer en favorisant la meilleure connaissance possible de ce sport à part entière. Il se plaît à organiser des initiations et des exhibitions. Le but est évidemment de créer une émulation, y compris chez les jeunes dont la vue déficiente ne doit pas leur interdire la pratique d’un sport jusqu’à un très haut niveau. Bien sûr, il ne manque pas de rappeler que l’encadrement nécessite également la participation de voyants qui excellent dans les buts comme dans l’art de communiquer vite et bien avec les joueurs. Cela aussi, c’est un sport à part entière. Les joueurs du Birse FC ont appris à s’en convaincre. Blaise Droz