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Préserver la capacité de production

Edition N°33 - 9 septembre 2020

Patrick Linder : «Les sources d’inquiétude sont actuellement nombreuses et sérieuses, mais les entreprises du Jura bernois ont montré de longue date des prédispositions de résiliation.» (photo Olivier Odiet)

Fruit d’un partenariat entre la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP) et La Semaine, le baromètre économique du Jura bernois sera proposé à cadence régulière dans ces colonnes. Pour ce baptême du feu, Patrick Linder, directeur de la CEP, signale que le redémarrage des activités industrielles passera impérativement par la levée des incertitudes sanitaires au niveau mondial. Bien que les analyses de la CEP relatives aux enjeux de l’industrie régionale mettent en évidence de sérieux défis pour les prochains mois, la confiance reste de mise pour une industrie flexible par sa structure et des entreprises qui affichent, de longue date, des prédispositions de résilience leur ayant permises de se relever après chaque crise. Et si l’histoire se répétait ?

Rebondir après une crise n’est de loin pas un scénario inédit pour les entreprises du Jura bernois qui ont toujours su rebondir malgré la succession de fortes tempêtes économiques. La COVID complique toutefois la donne habituelle sachant que ce phénomène ne touche pas uniquement la Suisse ou notre région, mais le monde entier. Selon Patrick Linder, des signes inquiétants se manifestaient déjà avant la crise sanitaire dans certains secteurs comme l’horlogerie ou l’automobile, par exemple, mais la COVID a engendré un affaissement général de la consommation globale. «Le coronavirus a brutalement accentué une préoccupation conjoncturelle déjà existante ; il l’aggrave désormais tous les jours dans une mesure qu’il est difficile d’évaluer précisément », explique-t-il. «Face à cette situation, la Chambre d’économie publique du Jura bernois s’est impliquée avec conviction. Il est tout d’abord primordial de se montrer solidaires avec ceux qui souffrent de celle-ci, mais aussi d’agir de manière ciblée pour soutenir les entreprises. Dans cet ordre d’idée, nous avons tout d’abord focalisé notre attention sur des sujets clés comme le chômage partiel, la prise en charge du salaires des maîtres d’apprentissages ou le soutien à donner aux activités de recherche et développement», confie-t-il. «La perturbation des marchés et l’impossibilité d’établir des projections engendrent un sentiment d’opacité encore renforcé par les tensions politiques entre la Chine et les Etats-Unis par exemple.» En définitive, la faiblesse de la consommation privée mondiale rejaillit directement sur l’horlogerie ou l’automobile ce qui impacte tout l’écosystème de production régional.

Le canton généreux

Saluant les importantes mesures de soutien prises par le canton de Berne et revenant sur celles émanant de la Confédération, Patrick Linder précise que l’allongement du chômage partiel à 18 mois est une action louable qui aide une majorité d’entreprises à maintenir le cap, mais cela ne s’avèrera pas suffisant pour éviter des lésions irréversibles à long terme. «Le maintien des activités de développement de projets et de R&D est capital pour sauvegarder la capacité d’innovation de l’économie suisse, mais les conditions actuelles le rendent non finançable pour de nombreux cas. Une solution pragmatique pourrait être trouvée via l’utilisation des RHT en autorisant les équipes de développement à travailler tout en touchant les indemnités», précisait-il dans le cadre du baromètre industriel de la CEP publié il y a quelques semaines. En fait, le secteur secondaire bat de l’aile à différents niveaux : «Réduction généralisée du volume d’affaires, péjoration des résultats financiers, chute des investissements et atrophie de nombreuses entreprises sont les traits saillants d’une configuration délétère pour les activités industrielles. Dans une région s’inscrivant parmi les plus denses de Suisse au niveau industriel, ces anticipations ont une résonance considérable, d’autant plus que les entreprises sont liées les unes aux autres dans le cadre d’un système de production focalisé sur la microtechnique», pouvait-on encore découvrir dans l’écrit de l’institution.

Dans une situation où les liquidités sont mises sous pression en raison du blocage de l’économie, deux objectifs doivent être visés par la politique suisse : préserver l’emploi et les capacités de production. «Les sources d’inquiétudes sont actuellement nombreuses et sérieuses mais les entreprises du Jura bernois ont montré de longue date des prédispositions de résilience.»

Garder la tête froide

Interrogé sur son ressenti personnel de la situation économique actuelle, Patrick Linder signale que le plus important lui semble de garder la tête froide malgré l’ampleur des défis. «Le contexte actuel m’affecte et me préoccupe personnellement, c’est indéniable. En fait, c’est surtout le manque de visibilité et de repères qui complique une situation sans recette miracle. Le redémarrage des activités passera impérativement par la levée des incertitudes sanitaires. Jusque-là, il est indispensable de trouver des solutions pragmatiques pour panser les plaies économiques, soulager les entreprises et, bien sûr, préserver les places de travail.»

Olivier Odiet

Patrick Linder : «Les sources d’inquiétude sont actuellement nombreuses et sérieuses, mais les entreprises du Jura bernois ont montré de longue date des prédispositions de résiliation.» (photo Olivier Odiet)