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Rebord sans remords !

Edition N°4 - 2 février 2022

Ex-chef de l’Armée suisse (2017-2019), Philippe Rebord a profité d’un récent passage chez des amis à Tavannes pour retracer un parcours hors du commun qui ne lui laisse ni remords ni regrets. (photo Roland J. Keller)

Originaire de Bovernier et habitant Fully, l’ex-chef de l’Armée suisse (2017 à 2019) Philippe Rebord était de passage vendredi dernier 27 janvier chez des amis à Tavannes. Le commandant de corps vient parfois dans le Jura et le Jura bernois, car c’est aussi un ami du Fritz, la célèbre Sentinelle des Rangiers. Flash-back sur son parcours hors du commun.

– Mon commandant, qu’est-ce qui vous a motivé à faire l’armée dans votre jeunesse ?

– Question difficile. Je n’avais jamais vu mon père en uniforme, car il a vécu en Afrique, au Rwanda et en Algérie. Je suis entré à l’école de recrues sans enthousiasme et sans a priori.

– Dans l’infanterie, était-ce en tant que fusiller comme on se l’imagine ?

– Non, en tant que carabinier. Historiquement, les carabiniers étaient des tireurs d’élite. Ce sont des bataillons qui ont beaucoup de tradition.

– Vous y êtes alors entré par obligation ?

– Effectivement. D’ailleurs, on m’a proposé l’école de sous-officiers et je n’avais le choix que de dire oui. Je ne l’ai pas regretté. Cette formation a été un révélateur, car on avait un capitaine, un officier instructeur extraordinaire et qui nous a motivés.

– Qu’est-ce qui vous a plu à ce moment-là ?

– C’est la conduite des hommes et la relation avec les concitoyens. Durant toute ma carrière et à tous les grades, j’ai éprouvé énormément de plaisir au contact de la troupe.

– Cela devait être stimulant ?

– Oh, que oui. Une anecdote : un jour, le chef de l’Armée française, le général Pierre de Villiers, nous a rendu visite. Là, un soldat français a répondu : oui, mon général ou non, mon général. Un Suisse a fait de même, du tac au tac, mais a argumenté sa réponse. Il s’agit d’une approche différente, car dans notre pays, c’est le citoyen soldat qui prime.

– OK, mais un ordre est un ordre !

– Sûr. Mais pour un commandant français, un soldat qui argumente, c’est comme s’il le contrarie !

– Vient l’école de cadres, et vous gagnez vos galons ! Dur, dur ?

– Non. C’est là que j’ai connu mes deux potes de Tavannes. Nous avons les trois payé nos galons de commandant de compagnie d’Etat-Major.

– Dans le civil, vous avez décroché une licence en lettres à l’Université de Lausanne. Ce n’est pas tellement militaire.

– Oui, mais durant mes deux dernières années d’études, je travaillais à mi-temps, car je ne voulais pas que ce soit mon père qui paie ma part. Et c’est durant ce paiement de galon que l’appel militaire a été le plus fort.

– Pour aller plus loin, encore faut-il être capable…

– Oui. Il y a l’école centrale pour devenir commandant de bataillon, puis colonel où j’ai commandé entre autres le Régiment II vaudois et l’Ecole d’officiers d’infanterie à Chamblon (Nord Vaudois). J’ai ensuite postulé pour reprendre une brigade et le Conseil fédéral m’a nommé comme Commandant de corps dans la Brigade d’infanterie II, en 2009. J’ai aussi dirigé le projet du nouveau recrutement de l’armée.

– Qu’est-ce qui vous a marqué le plus dans ce mandat ?

– Paradoxalement, c’est le professionnalisme du parlement et les relations que j’ai eues avec. C’est du sérieux ! La population n’a pas toujours cette impression. Un parlementaire fédéral, c’est beaucoup de travail, avec les commissions et les séances. J’ai officié en tant qu’interface entre le parlement et l’armée.

– Vous avez arrêté votre mandat pour des raisons de santé. Qu’en est-il aujourd’hui ?

– J’ai été opéré de la hanche et j’ai eu de graves problèmes suite à une thrombose à la jambe gauche. Puis il y a eu la pandémie où j’ai subi une vraie coupure, ce qui m’a incité à prendre ma retraite. Mais en ce moment je me suis remis et je vais bien.

– Alors, que faites-vous en ce moment ?

– J’exerce des mandats bénévoles au comité directeur d’Athlétissima (meeting de Lausanne) et au comité central de la fédération Swiss Athletics. Je suis également le nouveau président de la Fondation de la Patrouille des glaciers (ski alpinisme). J’envisage aussi d’intégrer le team qui a pour but de mettre en valeur le panorama de la bataille de Morat – présenté à Expo02 – pour les 550 ans de cette célèbre bataille en 2026.

– Une sacrée occupation !

– Oui, surtout que je suis grand-père de deux petits-enfants…

Interview : Roland J. Keller

 

Réhabiliter le Fritz à la Caquerelle

– Vous faites partie du comité du musée du Mont-Repais pour réhabiliter le Fritz. Comment l’avez-vous intégré ?

– Jacques Bourquard, président du Musée historique du Mont-Repais et un membre de l’exécutif d’Asuel, Marc Meier, m’ont demandé si je pouvais les aider à chercher des fonds pour ce projet. Ce que j’ai accepté volontiers.

Le but est de réaménager la statue à l’intérieur de l’église de La Caquerelle et non pas là où elle était autrefois. On a couvert le 85 % du budget de 950’000 francs en provenance de privés ou de fondations patriotiques ainsi que de la Loterie romande. Mais le canton du Jura doit prochainement donner son aval pour ce projet.

J’estime qu’il y a un temps pour la réconciliation afin de respecter les anciens, mais aussi pour présenter le Fritz comme témoin de l’histoire de la République et canton du Jura. Cette démarche n’a rien d’une idéologie militariste. Au contraire. La Sentinelle des Rangiers œuvre dans le respect des générations.

(rke)

 

Ex-chef de l’Armée suisse (2017-2019), Philippe Rebord a profité d’un récent passage chez des amis à Tavannes pour retracer un parcours hors du commun qui ne lui laisse ni remords ni regrets. (photo Roland J. Keller)