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Un coup de cœur pour les cartes de tir

Edition N°14 – 10 avril 2024

De prime abord, Olivier Gobat ne se sentait pas l’âme d’un collectionneur. Et pourtant… (photo oo)

Qu’importe si sa collection porte le sceau de la marginalité, Olivier Gobat n’en reste pas moins fier de l’entretenir et de l’enrichir très soigneusement, le tir faisant partie de notre patrimoine. Ce virus pour les cartes de tir s’est développé progressivement. « Au début, soit il y a une vingtaine d’années, j’ai trouvé quelques cartes de tir en fréquentant les brocantes et de fil en aiguille, je me suis piqué au jeu », relève-t-il. « Aujourd’hui, sans vantardise aucune, je pense posséder l’une des plus belles collections de Suisse en la matière avec un total de 2500 pièces, réparties par année et dans différentes catégories. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je possède nettement plus de cartes en provenance de la Suisse allemande que de la Romandie. Est-ce un hasard ou le fait que les Alémaniques sont plus conservateurs ? Mystère… » Et notre interlocuteur de poursuivre : « Lorsque je me suis attelé au classement des cartes, le boulot était si monstrueux que cela commençait sérieusement à danser dans ma tête », image-t-il. Avant d’ajouter : « A l’époque, le tir était le sport le plus populaire du pays qui symbolisait la souveraineté et la liberté. Il était aussi soutenu par la Confédération et les Cantons qui y voyaient un moyen efficace de renforcer la cohésion nationale par le brassage de la population lors des très nombreuses fêtes de tir. Datant de 1925, la 1re Fête jurassienne de Tir à Moutier était dotée d’un pavillon de prix d’une valeur de Fr. 54’000.-. A l’époque, c’était énorme. Si l’on devait comparer cette somme aujourd’hui, on dépasserait le million. » 

Esprit de clocher bien marqué 

Olivier Gobat dispose de documents datant de 1875 jusqu’à nos jours, mais il précise que le soufflé est retombé depuis 1950. Dans sa collection, on trouve même une carte de la Société suisse de Tir de Berlin de l’entre-guerres.

Jamais avare en anecdotes, ce grand patriote souligne que le tir ne s’est ouvert aux dames que très tardivement alors qu’elles s’approchent, à l’heure actuelle, gentiment de la parité : « Je ne possède que trois cartes au nom de femmes, la première de 1911 (un cas extraordinaire), la seconde de 1967 et enfin d’une jeune tireuse de 1976. Nous ne sommes que très peu dans le pays à nous intéresser à ce genre de collection. Pour ma part, j’y apprécie la richesse des graphismes, chaque société ou chaque tir se devant d’avoir une carte plus belle que celles des autres en cherchant à se démarquer par la plus grande créativité possible. » Pour les non-initiés, on précisera que les cartes de tir et de fête sont représentées par des symboles forts de la Suisse (Guillaume Tell, Madame Helvetia, paysages alpestres, lacs, etc.). « Il ne faut pas se leurrer », confie Olivier Gobat : « L’esprit de clocher était très marqué, à l’époque. Pour ne pas froisser les susceptibilités, les graphistes choisissaient un paysage alpestre neutre pour illustrer la carte sachant qu’un Lucernois, par exemple, n’aurait jamais placé une carte flanquée du Cervin dans sa collection. » 

Un marché confidentiel   

Le marché des cartes de tir pouvant être qualifié de confidentiel, estimer la valeur de la collection d’Olivier Gobat n’est pas un exercice aisé, mais il s’y colle quand même : « A mes yeux, elle doit grosso modo s’élever à 30’000 francs. » En guise de conclusion, on précisera encore que la motivation d’Olivier Gobat n’est pas à mettre sur le compte d’une quelconque fibre militariste puisqu’il a mis un terme à sa carrière de sous-officier supérieur en tant qu’objecteur politique, sa perception des choses n’étant pas en phase avec l’orientation prise par l’armée. On reconnaît là le caractère bien trempé de notre collectionneur…   

Olivier Odiet   

De prime abord, Olivier Gobat ne se sentait pas l’âme d’un collectionneur. Et pourtant… (photo oo)