Cela, il ne l’a jamais avalé. Vers 13-14 ans, élève doué et appliqué, il fournit un travail remarquable qu’un enseignant remplaçant de français taxe de la note de 1, arguant que le texte est un plagiat et qu’un gamin ne peut pas écrire quelque chose d’aussi profond.
Un comble pour lui, honnête, respectueux et prémices d’une soif de belles lettres que cet élément perturbateur. Il découvre la poésie, un autre usage de la langue. Il en fait usage avec délicatesse pour les traumatisés de la clinique de Bellelay qui ont vécu moult souffrances et maltraitances. Passionné aussi de théâtre, Dominique Sartori, le jeune Biennois, adaptait déjà à cette époque des dialogues de Malbrough s’en va-t-en guerre et de Knock, en organisant des répétitions improvisées avec ses potes, sur la scène de la coupole.
Genèse de l’ouvrage
C’est le site de Bellelay, avec ses 130 ans d’histoire, qui a vu défiler des centaines de femmes et d’hommes égarés, déchus, mis à l’écart. Le monde des « fous de Bellelay » tels qu’on les décrivait, qu’on cachait, qu’on enfermait et qui n’étaient pas soignés, l’ont ému, ne l’ont pas laissé indifférent. Il souhaite, par cet ouvrage, leur rendre hommage. Même si les soins, reconnait-il, sont actuellement d’un très haut niveau et les compétences des soignants remarquables, les tourments des malades subsistent. Homme sensible qui déteste l’injustice, Dominique Sartori a choisi d’écrire, de décrire qu’il est l’heure de dévoiler pourquoi nous ne marcherons plus dans vos pas, en référence à la longue histoire du site aujourd’hui fermé. « La poésie offre la liberté de transgresser les règles classiques et permet d’entraîner le lecteur où l’on veut, en allant à l’essentiel, elle offre en sublimant les émotions », relève-t-il.
Son tribut poétique
C’est fort de ses valeurs qui ne peuvent s’accommoder de l’indifférence, du silence, qu’en tant que témoin privilégié et sensible, il a pris la plume pour eux. Cela s’avérera un exercice vertigineux qui s’est révélé, au fil de l’écriture, être un voyage passionnant, source d’un intense bonheur de témoigner. Une espèce de métaphore, comme une forme de plaidoyer qui porte un regard différent sur ces personnes égarées pour mieux les comprendre. Sa passion pour ce genre littéraire, la poésie, se prête particulièrement bien à la description de ces malades, souvent internés. Un travail minutieux de la langue, des mots qui confèrent à l’ouvrage un style particulier et d’émotions contenues. « La frontière est ténue entre eux et nous et je souhaite leur dire que des gens pensent tout de même à eux », affirme-t-il. Le livre n’est pas du genre à se dévorer d’un seul coup, précise l’auteur, mais à lire en plusieurs fois, en prenant le temps de la réflexion, et en portant une attention particulière à la musicalité des vers.
L’auteur
Economiste de la santé, ancien directeur de l’HJB et responsable du Pôle Santé Mentale de la nouvelle organisation Réseau de l’Arc, homme de terrain, Dominique Sartori a passé une large partie de sa vie à la conduite de missions hospitalières. Il a ainsi acquis une somme d’expériences qui lui confèrent « une sensibilité aiguë à l’autre, et une attention singulière au spectacle de la comédie humaine », écrit-il.
Passionné de théâtre, il présente une autre facette de sa personnalité avec la création dramatique. Il a lu une soixantaine d’ouvrages de référence couvrant une dizaine de siècles et y a trouvé des mots ou des vers qui lui parlaient pour en tirer un embryon d’inspiration ou une épitaphe. Il mène de front quelques écritures, dont trois spectacles théâtraux parmi lesquels un sera joué en 2026, ainsi que d’autres voyages poétiques. Claude Gigandet
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