Bien que cette deuxième fermeture des cinémas imposée par les autorités en raison de la situation sanitaire ne lui plaise pas, elle n’altère en rien l’optimisme de Daniel Chaignat, cheville ouvrière du Cinématographe à Tramelan.
Lorsqu’on lui demande comment il vit cette période singulière, le mot vacances est spontanément prononcé par Daniel Chaignat, ceci sans désinvolture, visage détendu et sourire aux lèvres. Il n’a pas trop apprécié annoncer aux collaborateurs bénévoles qu’il n’avait momentanément plus besoin de leurs services, ni la désorganisation qui en a découlé. Cependant la situation de la coopérative, regroupant les cinémas de Tavannes et Tramelan est saine et permet d’envisager l’avenir à moyen terme avec sérénité. Propriétaire des lieux à Tramelan, locataire à Tavannes, un arrangement a été trouvé pour réduire au mieux les dépenses. Si lors du premier confinement aucune demande d’aide n’a été formulée, il en sera autrement cette fois-ci. Vacances ne rime pas avec inactivité. Les préoccupations quotidiennes ont fait place à un temps de réflexion moins stressant mis à profit pour entreprendre divers travaux et rénovations laissés de côté jusqu’à présent, au nombre desquels on peut citer le remplacement de la source de lumière diffusée dans les fibres optiques du plafond, la création d’un nouveau site internet ainsi que l’informatisation de la caisse.
Des réflexions, Daniel Chaignat n’en manque pas
Toute crise est propice à la réflexion et au changement. Il en est de même de celle que nous traversons. Il n’empêche que cette pandémie survient à un moment particulièrement délicat pour la survie des cinémas avec le développement des plateformes de streaming qui ne pouvaient rêver de meilleure opportunité pour développer leur fonds de commerce.
La fermeture des salles pour ne pas inciter les gens à sortir et les retenir le plus possible chez eux n’est pas sans conséquence au moment où précisément les propriétaires devraient pouvoir engager des ressources financières pour s’adapter. Si la pandémie et les interdictions qui vont de pair devaient durer, de nouvelles habitudes de consommation vont probablement s’installer et éloigner une partie du public des salles obscures. Selon Daniel Chaignat, nous vivons ou allons vivre une révolution semblable à celle provoquée par le développement de la télévision. Les cinémas ne sont pas des lieux de contaminations comme cela s’est vérifié l’année passée.
Avec ses 160 places, le Cinématographe pourrait accueillir son public ou une partie de celui-ci en respectant les contraintes sanitaires et préserver ainsi les moyens financiers nécessaires pour faire face à de nouveaux défis qui s’annoncent. Pour l’heure, les autorités ne semblent pas décidées à changer d’avis et les dernières nouvelles ne vont pas dans le sens d’un allégement des mesures promulguées à ce jour. Avec ou sans Covid, le cinéma survivra. Ou pour reprendre les mots de Daniel Chaignat : « Le cinéma ne va jamais crever ! Rien ne concurrence une salle de cinéma ! Dès son origine il n’a cessé d’évoluer et de s’adapter jusqu’à ce jour. Le Cinématographe, plus que centenaire, a lui aussi traversé les crises et survécu à toutes les révolutions technologiques. Il a résisté à l’avènement de la télévision, vu passer l’époque des cassettes vidéo et des DVD. Il s’est adapté à internet et pourrait à son tour utiliser la diffusion en streaming. »
Une idée parmi d’autres, à l’état de projet, le cinéma de la 25e heure : un film ayant été projeté en salle, pourrait être visionné chez soi en se connectant au Cinématographe. Une solution pour les personnes n’ayant pu assister à la projection en salle. Une possibilité déjà actuelle, la location du cinéma pour une projection privée en famille ou entre amis est possible. Pour cela il suffit d’emmener avec soi le support informatique nécessaire ou d’accéder via son abonnement à une plateforme de streaming pour visionner le film de son choix sur grand écran. En attendant, reste à espérer que le virus du cinéma incite le public à retrouver ses habitudes et que la devise du Cinématographe-Royal reprenne tout son sens au plus vite : « Laisse ta télé, tes e-mails, ton fatras. Dépose ta fatigue et tes tracas. Viens au cinéma. »
Patrice Neuenschwander