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« Je n’ai pas eu assez de vacances ! »

Edition N°20 – 25 mai 2022

Daniel Boillat : « J’aime bien le passé, mais pas pour le remuer trop longtemps… » (photo oo)

Octogénaire à la mémoire sans faille, Daniel Boillat manie l’humour avec brio. Cet ancien instituteur ayant également officié en tant que secrétaire communal et maire de Châtelat se distingue par des aptitudes manuelles qui forcent l’admiration. Héritant son amour pour le travail du bois de son père menuisier, l’ancien directeur du chœur d’hommes du Fuet revient sur une vie joyeuse et bien remplie qui ne lui laisse pas la moindre frustration, à l’exception peut-être du manque de vacances.                  

Né à Loveresse en 1941, Daniel Boillat a suivi sa scolarité à Tavannes (quatre ans à l’école primaire et cinq à l’école secondaire) avant de jeter son dévolu sur l’école normale de Porrentruy. En 1961, il a repris la classe de l’école primaire de Châtelat qui comptait douze élèves (degré 1 à 9). L’augmentation des effectifs nécessita l’ouverture d’une deuxième classe ainsi que l’engagement d’une institutrice prenant sous son aile vingt-quatre écoliers des degrés 1 à 3. Composé de vingt-trois élèves, la classe des degrés 4 à 9 est revenue à Daniel Boillat qui a exercé sa profession d’instituteur à Châtelat jusqu’à l’âge de 60 ans : « J’ai arrêté avant d’être gâteux et de commencer à « yoyoter », confie-t-il. Avant de déménager à Châtelat, il a fait les courses en vélo depuis Tavannes pendant cinq semaines. « En cas de beau temps, la promenade était agréable, mais je dégustais sec quand il tombait des cordes », plaisante-t-il. Daniel Boillat a également enseigné les travaux manuels aux élèves de l’école secondaire de Bellelay, mais certains d’entre eux semaient la zizanie au point de donner l’envie à l’instituteur de leur coincer la tête dans l’établi, pour reprendre ses propres termes. 

Dépanneur dans l’âme

A l’école primaire, les élèves étaient tellement disciplinés qu’il n’a pratiquement jamais dû jouer au gendarme. « Une fois, un élève m’a rigolé au nez et je lui ai signifié mon mécontentement à ma manière. Il n’a plus jamais recommencé. » Et notre interlocuteur d’enchaîner : « Vous savez, je ne défends pas la profession d’instituteur à outrance, car il y a aussi des mauvais coucheurs dans ce métier. » Toujours au chapitre de ses souvenirs professionnels, on citera encore les courses d’école : « Je n’aimais pas ça. Les effectifs étaient trop restreints pour obtenir un billet collectif des CFF et voyager en car engendrait des coûts beaucoup trop onéreux. » De l’enseignement aux affaires communales, il n’y a qu’un pas que Daniel Boillat a franchi lorsque l’ancien secrétaire Francis Juillerat l’a sollicité pour lui succéder : « Cela ne m’emballait pas trop, mais en tant qu’instituteur, je ne pouvais pas vraiment lui dire que je ne savais pas écrire. » Un scénario similaire s’est dessiné lorsque la place de maire est devenue vacante en raison d’une bisbille : « J’ai une nouvelle fois joué les dépanneurs car je me suis retrouvé entre deux chaises lorsque des bringues sont survenues avec le maire de l’époque. Ce n’était vraiment pas mon truc et je me suis retiré après une année et demie », explique-t-il. 

Une voix de rossignol

Lors de notre entretien réalisé dans sa maison de Châtelat, l’incursion de la dame préposée aux soins à domicile s’est avérée précieuse puisqu’elle a murmuré à l’oreille de l’octogénaire des faits marquants de sa vie qu’il aurait peut-être passé sous silence : « Monsieur Boillat, n’oubliez pas de lui dire que vous avez dirigé le Chœur d’hommes du Fuet et que vous aviez une voix de rossignol. Dites-lui aussi que vous aimez le travail du bois… » Et Daniel Boillat de saisir la balle au bond : « Oui, ça c’est bien vrai. D’ailleurs, lorsque les plans de la maison ont été élaborés, la première chose à laquelle j’ai pensé était un atelier de menuiserie.

Mon père exerçait la profession de menuisier et j’adore travailler le bois. J’aime aussi bien la maçonnerie. » Le magnifique mur en pierre naturelle qui embellit les alentours de sa maison ainsi qu’un escalier découlent d’ailleurs de ses capacités manuelles. Parmi les nombreuses fonctions qu’il a occupées, on citera encore celle de sous-commandant des sapeurs-pompiers pour Châtelat, Moron et Fornet-Dessous. Avant de construire la maison familiale, Daniel Boillat et son épouse Josette occupaient un logement dans l’école avec leurs trois filles. Lorsque ce musicien hors pair (piano, accordéon, harmonica) est invité à retracer l’évolution du village de Châtelat depuis son arrivée en 1961, sa réponse fuse : « Il n’y avait déjà rien à l’époque et c’est encore toujours comme ça aujourd’hui. » Après avoir un peu forcé sur le trait, il se ravise : « A l’époque, Châtelat comptait une poste ainsi qu’une fromagerie avec une petite épicerie. Je me souviens aussi qu’un boucher itinérant de Reconvilier passait au village pour honorer les commandes reçues au préalable. » En guise de conclusion, Daniel Boillat lance au soussigné : « Vous n’en écrirez pas trop. J’aime bien le passé, mais pas pour le remuer trop longtemps… » 

Olivier Odiet 

 

Daniel Boillat : « J’aime bien le passé, mais pas pour le remuer trop longtemps… » (photo oo)