Frissons garantis dans ce 14e épisode de notre série cinéma avec l’arrivée de « Nope » dans les salles obscures. Un film de science-fiction à la fois effrayant et drôle qui va vous forcer à ne plus lâcher le ciel des yeux après visionnage.
Niché dans un coin paumé des USA, le ranch de la famille Haywood dresse des chevaux pour le cinéma et la télévision depuis des dizaines d’années. Mais le temps passe et l’âge d’or aussi : le travail finit par manquer. Suite à un tragique accident, Otis Jr (qu’on appellera OJ durant tout le film) reprend maladroitement la direction du ranch qui souffre d’un cruel manque de rentrées financières. Désespéré et flanqué d’Em, sa frangine excentrique qui n’est pas d’une grande aide, le jeune éleveur songe à vendre son exploitation. Un soir, une coupure de courant survient tandis que les chevaux du ranch se mettent à paniquer sans raison apparente. C’est alors qu’OJ entend des cris lointains terrifiants et observe une forme se déplaçant furtivement dans les cieux. Persuadés d’avoir affaire à un OVNI (Objet Volant Non Identifié), les Haywoods se mettent en tête de capturer le phénomène en vidéo pour ainsi se faire une renommée et, si possible, une fortune. Mais la chasse aux images va très vite mal tourner…
Issu de la scène comique américaine, le réalisateur Jordan Peele s’est récemment fait un nom en sortant deux films d’horreur chocs mêlant habilement terreur et critique de la société. Nope est sans surprise dans la même veine et est tout autant une véritable réussite cinématographique.
Sous ses airs de film de science-fiction classique, l’œuvre cache un sous-texte passionnant traitant de la thématique du spectacle et jusqu’où ce dernier peut aller avant que les choses ne se gâtent.
Le cas des laissés pour compte de l’histoire du cinéma est ici aussi traité, sous la forme des Noirs et des dresseurs de chevaux dont le travail n’est de loin pas suffisamment valorisé.
En parlant d’animaux, « Nope » insiste particulièrement sur les équidés mais n’en tire finalement pas grand-chose, à croire que n’importe quelle autre bête aurait amplement pu faire l’affaire. Mais il faut néanmoins avouer qu’entendre des cris de chevaux dans la nuit donne franchement la chair de poule, comme quoi le choix des animaux n’était probablement pas anodin. Car oui ne l’oublions pas : c’est un film fait pour réfléchir mais aussi pour frissonner. Et en cela, que dire de plus que le ciel aura rarement été aussi menaçant que dans « Nope ». Heureusement pour les plus craintifs, Jordan Peele dissémine un humour savoureux qui complète à merveille les moments plus horrifiques sans jamais les saboter. Une balance parfaitement maîtrisée que l’on observe bien trop rarement dans le cinéma actuel.
Les mystères des cieux
Mais quelle pourrait bien être la réelle nature du phénomène extraterrestre auquel les Haywoods assistent depuis leur ranch ? Le film prend son temps pour y répondre et ne le fait que partiellement. A l’image des protagonistes, le spectateur ne peut pendant un long moment que se poser des questions et observer de bien inquiétants phénomènes superbement mis en scène par le réalisateur. La vérité paraît un peu décevante au premier abord lorsqu’elle finit par éclater, mais le troisième acte du film redistribue les cartes.
Il fait la synthèse des messages de « Nope » sous la forme d’un spectacle visuellement grandiose, combinant grandes chevauchées de western avec attaques d’OVNI. Un final surréaliste auquel nul n’aurait jamais pu s’attendre, une originalité comme on en voit peu.
Avec son dernier bébé, Jordan Peele redonne ses lettres de noblesse au grand cinéma de science-fiction tout en poursuivant son exploration de l’horreur sociétale. Un film monstrueux et symbolique auquel on préfère amplement dire Ouaip plutôt que Nope à un second visionnage, histoire d’en extirper pleinement toute la saveur cachée.
« Nope »
Réalisation : Jordan Peele
Durée : 2 h 10
Pays : USA
Note : 4.5 / 5
3 questions à … Mourad Allaf,
Coresponsable de la programmation du Cinéma Palace, à Bévilard
Le cinéma d’horreur attire-t-il encore toujours du monde en salle ?
Cela a toujours bien fonctionné, surtout auprès des jeunes. On a aussi remarqué que durant les périodes d’Halloween, lorsque nous faisons des projections dans la thématique, il y a des gens de tout âge qui viennent pour voir ces films.
Mais « Nope » fait partie d’une tendance actuelle de films d’horreur « intelligents ». Quel est le répondant du public face à ces œuvres ?
Difficile à dire. Ce sont généralement des films « hommage ». Ils se nourrissent de long-métrages du passé et en font un discours un peu plus intellectuel. J’ignore si les spectateurs lambda le remarquent, en revanche un cinéphile saura reconnaître les clins d’œil.
Remanier des genres comme l’horreur serait une bonne chose pour apporter de l’originalité au cinéma actuel ?
C’est un grand débat dans le domaine cinématographique car on ne peut pas faire un film sans réfléchir à ce qui l’a précédé. On va de toute façon s’en inspirer. J’imagine que c’est pareil pour les autres arts. Au bout d’un moment, on tourne toujours autour des mêmes choses et les films finissent forcément par se ressembler. Mais à titre d’exemple, je ne suis pas sûr que les grands artistes de la Renaissance aient été plus originaux que ceux de l’Antiquité.
(lb)