Portraits

«Du coq à l’âne en permanence»

Edition N°21 - 29 mai 2019

Marco Fernandez: «On ne peut quand même pas faire n’importe quoi juste pour aller plus vite.» (photo oo)

«Je suis bavard et je le reste.» Ce n’est pas la nouvelle chanson de Claude Barzotti, mais plutôt une citation de Marco Fernandez, chef de service des bâtiments à la Municipalité de Moutier. Avec la piscine municipale, l’école ménagère et le Stade d’athlétisme Henri Cobioni comme sources de tracas, on ne peut pas dire que son poste s’apparente à un petit travail tranquille. Ce lot de soucis ne l’empêche toutefois pas de rester positif en toute circonstance. Sa devise? Tout vient à point à qui sait attendre…

«Si l’aspect d’un bureau encombré évoque un esprit encombré, que penser d’un bureau vide?» Cette citation d’Albert Einstein n’a pas manqué de ressurgir lors de notre entretien avec Marco Fernandez, qui admet volontiers être un brin bordelique et éparpillé aussi. C’est sa manière de fonctionner et cela n’entrave en rien son efficacité. Au bénéfice d’un CFC de dessinateur en bâtiment, Marco Fernandez précise que sa fonction actuelle ne lui donne plus du tout l’occasion de pratiquer sa formation initiale. «C’est un autre métier, mais il est également très intéressant. Dans la même journée, je peux passer d’un robinet qui coule chez une petite dame à un projet de plusieurs millions en passant par un locataire qui a perdu ses clefs. Je saute du coq à l’âne en permanence et je trouve ça génial. Je ne supporterais pas d’être concentré sur le même plan durant trois jours.» Et notre interlocuteur d’ajouter: «Dans ce métier, je suis sans cesse interrompu. Il m’arrive donc régulièrement d’écrire des rapports en fin de journée pour être plus tranquille. Je ne pense donc pas avoir l’esprit du vrai fonctionnaire.»

«Tout est basé sur la confiance»

Marco Fernandez dirige un service qui emploie entre 27 et 35 collaborateurs, en fonction du nombre des auxiliaires. «J’essaie toujours de donner l’information la plus complète possible, mais je ne suis pas une machine non plus. C’est l’erreur qui nous rend humain. Le plus important, à mes yeux, c’est la confiance. Tout est basé sur cette valeur avec mon équipe et cela fonctionne dans les deux sens. J’ai vraiment une chance incroyable. Je pars du principe que si je n’ai pas de retour, c’est que le boulot s’est fait. Je ne suis pas quelqu’un qui attache une extrême importance à la voie hiérarchique, mais je respecte malgré tout scrupuleusement l’ordre établi au préalable pour éviter toute ambigüité. Et lorsque j’ai quelque chose à dire, je ne m’attaque jamais à la personne, mais au poste. Nuance…» Marco Fernandez précise qu’il joue régulièrement le rôle de l’avocat du diable en séance avant de valider une idée: «Ce n’est pas du tout dans un esprit de contradiction, mais simplement pour avoir la certitude que toutes les pistes ont bien été explorées», relève-t-il. La piscine est un dossier qui ne lui donne pas seulement l’occasion de se mouiller sur un plan local ou régional, mais national aussi. En effet, Marco Fernandez assume le poste de vice-président de l’Association des Piscines Romandes et Tessinoises (APRT) qui regroupe 125 membres. Son rôle est notamment d’encourager la recherche et le développement dans les questions de planification, projets, construction, exploitation et entretien des piscines et d’offrir un service d’examen des installations existantes sur le plan de la sécurité et de l’hygiène. «J’ai toujours un petit crève-cœur quand je me déplace pour participer à une séance de l’APRT, c’est de ne pas mieux maîtriser la langue allemande. Bien sûr, tout est parfaitement traduit et j’arrive toujours à me faufiler dans le contexte, mais je souhaiterais quand même être un peu plus performant à ce niveau-là.»

Attention dossiers brûlants!

Avec la piscine municipale, l’école ménagère et le Stade d’athlétisme Henri Cobioni, Marco Fernandez n’est pas épargné par les tracas. En effet, ces trois dossiers ont déjà fait – et feront encore – couler beaucoup d’encre. Cela dit, il en faut davantage pour le mettre dans un état d’affolement: «Dans certains métiers, le point noir, c’est de trouver des clients et de s’assurer que l’argent va rentrer. Dans mon cas, c’est de gérer des problèmes en permanence.» Aucun choix définitif n’ayant été arrêté pour l’instant dans le dossier de l’école ménagère, Marco Fernandez n’a pas souhaité entrer dans le jeu périlleux des spéculations. S’agissant de la piste du Stade d’athlétisme Henri Cobioni, la décision d’aménager une piste de 300m et non de 400m, dans le cadre des travaux de rénovation, a été prise d’un commun accord avec le club résident soit le Centre d’Athlétisme de Moutier, qui n’éprouvait pas le besoin d’un rajout de 100m supplémentaire. Ouvert d’esprit, Marco Fernandez n’a pas manqué de s’entretenir avec l’auteur de la motion déposée au Conseil de ville en toute cordialité. «Dans ma fonction, je suis amené à jongler avec tous les acteurs de l’administration municipale et le fait d’être connecté à ses différents mondes élargit forcément ma vision des choses. Ce rôle de caméléon me va comme un gant. Le fait d’assumer des responsabilités aussi. Sans challenge, je n’arrive pas à avancer.» Marco Fernandez admet aussi qu’il jouit d’une certaine liberté. Cette dernière a toutefois ses limites posées naturellement par des garde-fous. «Ils sont indispensables. Non seulement pour canaliser le travail des employés, mais également pour respecter les différentes procédures à suivre lors de l’élaboration d’un projet. C’est un mécanisme qui prend du temps, mais c’est normal. On ne peut quand même pas faire n’importe quoi juste pour aller plus vite.»

Remplaçant de luxe…

Originaire de Galice, Marco Fernandez est arrivé en Suisse avec sa famille à l’âge d’un an et demi. Après avoir respectivement résidé à La Chaux-de-Fonds et Undervelier, il a grandi à Develier et reste toujours très attaché à ce village. Sociétaire dans l’âme, ce chaud latin occupe actuellement la fonction de président de la Fanfare de Develier depuis une année. Membre du Club Cycliste Moutier, il ne manque jamais une occasion de soutenir une manifestation organisée en Prévôté. «La meilleure chose qui soit arrivée à mon épouse et à moi, c’est de venir habiter à Moutier», explique ce père de trois enfants qui possède la double-nationalité, suisse et espagnole. «Non seulement parce que c’est une ville dynamique qui regorge d’événements culturels et sportifs, mais également en raison de l’esprit villageois qui perdure dans les quartiers. Autre avantage hyper important: sa localisation géographique. Je voyage énormément en train et je peux vous dire que je suis nettement mieux loti que certains de mes collègues de l’APRT qui viennent de l’Arc lémanique. Et pas seulement lorsqu’il s’agit de se rendre au Tessin…» Marco Fernandez ayant su nous mettre l’eau à la bouche durant l’intégralité de notre entretien, on ne pouvait raisonnablement se séparer sans ouvrir une parenthèse gourmande. La cerise sur le gâteau en quelque sorte. Figurez-vous que l’ami Marco consacre encore un peu de son temps précieux à la cuisine. «Je suis entré dans la confrérie «Les Tabliers Gourmands» à Grandval, mais comme remplaçant seulement. Quand je n’ai pas la certitude de pouvoir m’engager à fond dans quelque chose, je préfère y aller à petites doses.»

Olivier Odiet

Marco Fernandez: «On ne peut quand même pas faire n’importe quoi juste pour aller plus vite.» (photo oo)