Né en 1963 à Moutier, Jean-Daniel Ruch a rejoint le Département fédéral des affaires étrangères en 1992 après avoir étudié les relations internationales à Genève. Ayant grandi à Eschert, il a déjà pu observer les dérapages répétés du conflit identitaire de la Question jurassienne durant son enfance et adolescence. En tant que diplomate, sa trajectoire professionnelle l’a ensuite confronté à des situations insoutenables compte tenu de leur degré élevé de haine et de violence. Mais si Jean-Daniel Ruch a décidé de prendre la plume, c’est parce qu’il a éprouvé deux coups de sang : l’invasion de l’Ukraine par la Russie ainsi que l’échec des négociations lors de la médiation turque. Le conflit entre Israël et le Hamas apparaît également dans son livre : « Dans cette région, l’énergie de guerre est beaucoup plus forte que l’énergie de paix », signale Jean-Daniel Ruch qui déplore l’ignorance et l’arrogance dans la politique mondiale. S’agissant de la Suisse et de sa neutralité, l’ancien diplomate d’Eschert se fend d’un commentaire limpide : « L’une des faiblesses de notre pays est justement que nous ne sommes plus perçus comme étant neutres par une grande partie du monde, dont la Russie. Prenez la conférence du Bürgenstock, par exemple. C’est un signe de solidarité avec l’Ukraine et l’Occident. » Actualité oblige, nous avons demandé à Jean-Daniel Ruch le regard qu’il porte sur Donald Trump : « Il a quelque chose de repoussant, obscène et vulgaire. D’un autre côté, il est imprévisible et capable de surprendre. La Suisse a de très bonnes entrées chez Trump. Récemment, il a même cité notre pays en exemple pour son système d’éducation, argumentant notamment qu’il était plus performant et moins cher que celui des Etats-Unis. »
Des gens puissants au cœur de la machination
On ne pouvait raisonnablement pas s’entretenir avec Jean-Daniel Ruch en passant sous silence ce qu’il a éprouvé suite à la campagne de dénigrement orchestré par un média alémanique et qui l’a conduit à renoncer au poste de secrétaire d’Etat à la politique de sécurité avant même son entrée en fonction : « Je mentirais en vous disant que cela ne m’a pas touché. C’est un peu comme quand on se retrouve sous une avalanche. On se met en boule et on attend que ça passe. J’ai surtout évité de lire les articles de presse ou regarder les émissions télévisées puisque cela aurait engendré un effet trop destructeur. Dans ce genre de situation, il n’y a qu’une chose à faire : garder la tête froide. Mon livre était aussi une sorte de contre-offensive, une manière de changer de discours. » En fait, l’origine de toute cette machination se résume en une seule phrase : il y avait des gens puissants qui ne voulaient pas de lui à ce poste. Punkt Schluss. Ecrire un livre constitue déjà un joli défi en soi, mais Jean-Daniel Ruch a encore corsé l’affaire en le faisant traduire en allemand : « C’est quelque chose qui me tenait d’autant plus à cœur qu’il est très rare qu’un livre sorte en même temps des deux côtés de la Sarine », explique-t-il. Le but de sa démarche, c’est aussi de montrer qu’on peut être issu du monde diplomatique tout en faisant preuve de transparence et sans crainte de percer certains de ses mystères. Le fait d’être sorti du système lui permet cette liberté : « Il est clair que je n’aurais pas pu m’adonner à cet exercice de l’intérieur », confie-t-il. Aujourd’hui, Jean-Daniel Ruch ne s’apitoie pas sur son sort. Mettant en pratique l’adage disant qu’A toute chose, malheur est bon, il explore différents terrains dont celui du journalisme en réalisant des chroniques pour le média d’information en ligne Bon pour la tête ainsi que pour la Weltwoche du sulfureux rédacteur en chef Roger Köppel. « Un ami m’a même demandé si je devenais fou de signer un pacte avec l’UDC. Je lui ai rétorqué que l’art de la démocratie était de ne pas avoir peur de parler à ses ennemis. Refuser le dialogue, c’est s’isoler, s’ostraciser, bref adhérer à la pire menace pour la démocratie : l’intolérance. »
Depuis que Jean-Daniel Ruch a quitté la diplomatie, il honore moult invitations à Pristina, Belgrade, en Moldavie, mais également à Berne, Genève et Zurich. Sa vie reste donc trépidante et pour se ressourcer, rien ne vaut le cadre tranquille et apaisant du village d’Eschert. « J’adore cette qualité de vie. Ici, tout est facile, toutes les commodités sont à cinq minutes et nous n’avons pas de problème de parking. Sans oublier que l’aéroport de Bâle est à une heure et celui de Zurich à une heure-trente. Et puis, l’écrin de verdure est splendide. Non, sincèrement, où voulez-vous que je vive mieux qu’ici ? » Aucune idée !
Olivier Odiet