Actualités

« Aucun traitement n’a été concluant »

Edition N°42 - 11 novembre 2020

Anthony Hauser: « J’ai l’impression que depuis quelques mois, la Confédération ne veut pas prendre ses responsabilités. » (photo ldd)

Le Prévôtois Anthony Hauser, qui effectue actuellement son doctorat en épidémiologie à l’Institut de médecine sociale et préventive (ISPM) à Berne, livre ses impressions sur la deuxième vague de contaminations de la pandémie sans verser dans le catastrophisme, mais avec un degré d’inquiétude assez élevé compte tenu de la gravité du contexte actuel.

– Alors que la 2e vague n’était attendue que pour novembre, comment expliquez-vous la vitesse vertigineuse avec laquelle le virus s’est propagé au mois d’octobre ?

– Tout le monde a été un peu surpris par la montée subite des cas depuis début octobre. Cette brusque augmentation peut en partie être expliquée par le mauvais temps et la chute des températures fin septembre. Ça a poussé un peu tout le monde à l’intérieur, favorisant la propagation du virus.

– Confédération ou canton ? N’avez-vous pas le sentiment que le passage de témoin d’un à l’autre sème la confusion au sein de la population ?

– Oui, je partage ce point de vue. J’ai l’impression que depuis quelques mois, la Confédération ne veut pas prendre ses responsabilités. Elle a délégué cette charge aux cantons qui font un peu ce qu’ils peuvent en ce moment. Pour moi, avoir des mesures différenciées par région en fonction de leur situation n’est pas une mauvaise idée, car cela permet d’avoir un contrôle ciblé sur l’évolution de l’épidémie. Par contre, ces actions doivent absolument être coordonnées par la Confédération.

– Entre la 1re et la 2e vague, à quel niveau se situent les principales différences ?

– La première différence se trouve au niveau du nombre de tests effectués quotidiennement. On détecte plus de cas que lors de la première vague. La population jeune est maintenant aussi testée alors que lors de la première vague, on se focalisait sur les personnes à risque, c’est-à-dire principalement les personnes âgées. Il y a quelques semaines, je vous aurais aussi répondu que la mise en place entre les deux vagues du système de traçage des contacts permet d’endiguer plus facilement la flambée des cas. Malheureusement, au vu du grand nombre de cas rapportés chaque jour, ce système commence à être débordé et n’arrive parfois plus à identifier les nouveaux cas avant qu’ils ne transmettent le virus.

– Les Suisses ont été classés dans la catégorie des bons élèves en mars-avril. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?

– Non. L’incidence (i.e. le nombre de nouveau cas par jour pour 100’000 habitants) en Suisse est plus haute que dans la plupart des autres pays européens. De plus, la Suisse teste moins que les autres pays et a un très grand pourcentage de tests positifs (plus de 20 %), ce qui suggère qu’actuellement, encore beaucoup de cas ne sont pas détectés.

– Lors de la 1re vague, on a beaucoup parlé de l’immunité collective pour enrayer le virus. Or, le résultat s’est avéré infructueux. Que dire de cette piste actuellement ?

– Des tests sérologiques effectués à la fin de la première vague ont permis d’estimer la proportion de personnes qui avaient développé une immunité. Celle-ci se situait aux alentours de 10 % pour les régions les plus touchées (Tessin et Genève), mais était beaucoup plus basse dans d’autres régions (3-4 % à Bâle et Zurich). C’était donc très loin des 50 % à 60 % d’immunité nécessaire afin d’atteindre l’immunité de groupe. Au vu du nombre actuel d’infections, le pourcentage de personnes immunisées va inévitablement augmenter, mais cela se fera au détriment de vies humaines. C’est ce qui s’est passé en Suède, le seul pays européen à avoir misé sur cette stratégie, qui a enregistré une mortalité largement supérieure à ses voisins. La Grande-Bretagne avait aussi adopté cette stratégie, mais a rapidement fait machine arrière. Un autre problème avec cette stratégie, c’est qu’on ne connaît pas la durée de cette immunité. On a observé certains cas de réinfection, ce qui, même s’ils sont rares pour le moment, remet encore un peu plus en question cette stratégie.

– Quel commentaire vous inspire le scénario d’un nouveau semi-confinement pour briser la chaîne de contaminations ?

– Le but des mesures actuelles est de faire retomber le taux de reproduction (i.e. le nombre moyen de nouveaux cas causés par une personne infectée) sous 1, de manière à ce que le nombre de nouveaux cas diminue. Si on observe que ces mesures ne sont pas suffisantes, alors un confinement (ou semi-confinement comme lors de la première vague) sera sans doute inévitable. Néanmoins, il pourrait être plus court que le premier. Par exemple, en Israël, le reconfinement a rapidement permis d’abaisser le nombre de cas et a duré moins longtemps que prévu.

– Par rapport à la première vague, à quels niveaux des progrès ont-ils été réalisés pour le traitement des patients COVID ?

– On n’a pas découvert de traitement miracle. Plusieurs traitements utilisés pour lutter contre d’autres maladies comme le SIDA (lopinavir), la malaria (hydroxychloroquine) ou Ebola (remdesivir) ont été testés mais se sont révélés inefficaces. Actuellement, le seul traitement consiste à modérer les symptômes comme les insuffisances respiratoires en utilisant des respirateurs artificiels. Cela permet de diviser la mortalité par 3 ou 4.

– Le traçage des contacts étant arrivé à ses limites, quelle est la marche à suivre pour une personne qui est testée positive ?

– La règle est de s’isoler dès les premiers symptômes. Ensuite, cette personne pourrait informer les personnes avec lesquelles elle a eu des contacts prolongés durant les 2-3 jours qui précèdent l’apparition des symptômes. Le but pour ces contacts est de surveiller l’apparition de symptômes ou même d’aller se faire tester.

– Craignez-vous que cette 2e vague engendre une saturation du système hospitalier ?

– Oui. C’est déjà le cas dans certains cantons, comme le Jura ou Genève. Le nombre de nouvelles hospitalisations n’a pas fini d’augmenter étant donné qu’on n’a pas encore atteint le pic d’infections et qu’il faut encore un délai de quelques jours entre le pic d’infections et celui des hospitalisations.

– Un vaccin anti-COVID sera-t-il le seul moyen de mettre fin à cette pandémie ?

– Probablement. L’urgence de la situation permet de développer des vaccins en un temps record. Plusieurs vaccins se situent déjà au stade le plus avancé, la phase 3. A ce stade, l’efficacité des vaccins est testée sur plusieurs milliers de personnes. Si les résultats sont concluants, ils pourront être produits et distribués à grande échelle. Un potentiel vaccin ne sera probablement pas disponible avant le printemps prochain en Suisse.

Propos recueillis par Olivier Odiet

Anthony Hauser: « J’ai l’impression que depuis quelques mois, la Confédération ne veut pas prendre ses responsabilités. » (photo ldd)