S’il y a une chose que l’on ne peut dissocier, ce sont bien Marlyse Aschwanden-Gasser, 64 ans, et les Cartons du Cœur, une histoire d’amour et de générosité pour les plus démunis. Elle ne compte plus les heures et l’investissement personnel énorme consacrés pour apporter des biens de première nécessité aux personnes dans le besoin. Soutenue par d’autres personnes de bonne volonté, ce sont près de 600 cartons qui étaient distribués dans la région chaque année. Oui, il faut dire étaient, car ce satané virus a changé la donne. Finis, les cartons. Depuis deux ans, ils ont été remplacés par des bon d’achats. L’association est aussi en pleine restructuration et attend de nouvelles forces vives.
Native de Porrentruy, Marlyse Aschwanden fait ses classes sur les bords du lac de Bienne, au Landeron. Après une formation de vendeuse, elle vient s’établir à Delémont où elle gère un petit magasin Coop. En 1982, elle se marie, mais deux ans plus tard, son époux décède, à 38 ans, d’un accident de travail, la laissant seule avec son fils de huit mois, Didier. Elle est aussi la grand-maman de deux petits enfants de 12 et 9 ans, Mathias et Raphaël, qu’elle chérit, bien entendu.
Vie prévôtoise
En 1992, elle débarque à Moutier où elle commence sa longue période de bénévolat, d’abord chez les femmes protestantes, puis aux Cartons du Cœur, juste une année après leur fondation. Au début, elle participe en tant que livreuse de colis, puis deviendra la voix de l’association en tant que téléphoniste, pendant plus d’un quart de siècle. C’est elle qui reçoit les appels, définit les besoins avec les récipiendaires et elle devient aussi la vice-présidente des Cartons du Cœur du Jura bernois. Au début, débordée par les appels, elle fonctionne cinq jours par semaine et l’expérience aidant, elle passera à trois jours, puis trois matins. A noter que les autres antennes régionales ne fonctionnent qu’un seul jour par semaine. Marlyse est aussi la présidente de la société d’arboriculture de Moutier. « Là aussi, il faudra en revoir le fonctionnement, la moyenne d’âge est de près de 75 ans », précise-t-elle. Côtés loisirs, sa passion est le patchwork, le tricot et la couture. Elle fut aussi impliquée au HC Moutier quand son fils faisait partie du contingent. « Mais toute ma vie tourne autour des Cartons du Cœur », ajoute-t-elle, malgré la demande formelle de lever le pied que son médecin lui a conseillé, ce qu’elle fera tout de même.
Les Cartons du Cœur
Rappelons que les Cartons du Cœur du Jura bernois ont été fondés en 1993 et fournissent une aide aux personnes sans emploi ou au chômage, aux familles nombreuses, démunies ou monoparentales, aux personnes âgées, malades, désemparées, pauvres, etc. Avant la crise sanitaire, des cartons étaient distribués, contenant diverses marchandises alimentaires, produits frais, hygiéniques ou de première nécessité. Certaines années, plus de 600 colis ont été remis à des bénéficiaires qui peuvent être identifiés par les services sociaux ou directement par le groupe. Le Covid a fait qu’actuellement, des bons à faire valoir auprès d’une grande surface (qui ne vend ni tabac, ni alcool) sont distribués.
Mais depuis le début de cette pandémie, les demandes ont pris l’ascenseur et les finances sont restées au fond du gouffre. L’association d’entraide, mue uniquement par des bénévoles, ne subsiste que par les dons, lors de cérémonies religieuses telles que les enterrements, mariages ou autres dont la quête est volontiers dédiée à l’association, ainsi que l’aide de paroisses, de donateurs, des communes ou de manifestations. Donc depuis deux ans : plus de sous et arrêt de l’aide. Rappelons cependant que chaque franc récolté est redistribué, aucun frais de fonctionnement n’est facturé, pas de frais de locaux, et l’anonymat le plus strict est garanti pour les récipiendaires.
Du côté des bénévoles, on se protège aussi afin d’éviter que des gens viennent sonner aux portes, c’est ainsi que l’on ne s’appelle que par son prénom.
Quelques chiffres
Ce sont donc des bons d’achats d’une valeur de 120 à 250 francs qui sont actuellement distribués aux personnes dans la nécessité. C’est ainsi qu’en 2020 par exemple, 261 personnes seules, 169 familles, 189 familles monoparentales ou 70 couples ont reçu une aide bienvenue dans le cadre de la région, remise de main à main. Des antennes à St-Imier, Malleray, Courtelary, Tavannes et bien sûr Moutier prennent en compte les villages environnants pour identifier les besoins.
Il est malheureusement à regretter que certains essaient de revendre les bons pour s’acheter autre chose que de la nourriture, mais c’est une infime minorité.
Côté anecdote, Marlyse Aschwanden relaye volontiers ce qui lui est arrivé : au téléphone, une personne lui donne le nom d’un village de la région. Elle lui demande une adresse ou un lieu pour le joindre, et il hésite. « Je ne suis pas encore là, mais j’arrive dans trois semaines du Zaïre », lui assène son correspondant qui avait déjà découvert un bon truc !
L’avenir
L’association est pour l’instant au point mort et en train de se restructurer en cherchant un président, de nouveaux bénévoles et surtout des moyens financiers. On a déjà trouvé une remplaçante pour le secrétariat, Nathalie, qui a informatisé les données qui se faisaient avant par cartothèque. Mais Marlyse n’est pas près d’abandonner cette association qui l’a fait rencontrer des gens formidables, autant auprès des personnes aidées que des collègues qui sont devenus de vrais amis. Chapeau donc, madame la bénévole insatiable pour qui donner au prochain et partager ne sont pas de vains mots, et les Cartons du Cœur peuvent encore compter sur vous, malgré la promesse de lever le pied.
Claude Gigandet
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