Portraits

Concert interactif made in Valbirse

Edition N°34 - 18 septembre 2019

Enfant de Bévilard, Billy Utermann veut transmettre des choses; une composition réfléchie qui pousse à méditer, contempler et penser. (photo jh)

Berne, lundi 9 septembre. La salle est remplie, les smartphones sont allumés et chargés. On ne sait pas trop ce qui nous attend. Sur la scène se trouvent Billy Utermann et son groupe, trèow, composé d’une chanteuse, un batteur et un bassiste. A la technique et au piano, Billy gère son concert de Master d’une main de maître. Cette prestation interactive est en quelque sorte la conclusion de 6 ans d’études en piano jazz et en composition à la Haute Ecole des Arts de Berne.

Concert interactif, quèsaco? En fait, tout simplement, les spectateurs ont leur mot à dire et le concert est finalement un mélange entre ce que les musiciens ont préparé et l’improvisation qui découle de l’audience. Ainsi, au premier mouvement, le spectateur qui aura secoué son smartphone le plus rapidement verra son nom affiché au projecteur, puis transformé en notes de musique jouées par Billy et son groupe. Des sonorités pas toujours planifiées, mais inédites. Vers la fin, nous pouvions voter pour le style dans lequel «Ce n’est qu’un au revoir» était interprété. Nous avons passé du swing au métal, en passant par du «Emotional Miku» et du «tout en même temps»! 

Une belle potion magique!

Le public influençait directement la prestation et, malgré un petit couac technique, ce fut un succès.
Coup d’œil dans le rétroviseur… L’enfant de Bévilard a commencé le violon à 6 ans avant de tomber dans la marmite du piano. Ce qu’il aime dans cet instrument, c’est son caractère intuitif. Il permet de remplacer tous les instruments; on peut jouer et bas et haut, et mélodie et accompagnement. Une belle potion magique! Mais ce n’est pas tout, Billy a plusieurs cordes à son… violon. Il joue aussi de la batterie, guitare, basse et aime tapoter sur toutes sortes de claviers. Justement, il vient de commencer un Bachelor en cours d’emploi en informatique: la collaboration entre musique et technologie donne au compositeur du grain à moudre. Mais pour Billy, la musique n’est pas seulement un ensemble de notes qui s’harmonisent et font plaisir à écouter. Il veut transmettre des choses; une composition réfléchie qui pousse à méditer, contempler et penser. 

Exercice de navigation dans ces eaux de bohème 

Etre pianiste professionnel est tout un art, au propre comme au figuré. Dans la palette de Billy Utermann, nous trouvons des horaires irréguliers, mariages le samedi, quelques apprentis pianistes par semaine, des trajets à gauche à droite, des tournées, soupers d’entreprise ou autres festivals. Actuellement, il joue avec 7 groupes (Irina Mossi & Band, Jessanna, Antydot’, Elisa Day, une chorale de gospel à Berne, Clapophonic et trèow) et d’autres groupes formés pour des occasions spéciales. Dans ce milieu, il est important de faire ce qu’on aime, mais la musique implique aussi des sacrifices et un exercice de navigation dans ces eaux de bohème. Même avec un Master tel que le sien, il n’y a aucune garantie d’obtenir un travail stable. A l’avenir, il se verrait bien avoir un «travail normal» à mi-temps et faire de la musique le reste du temps. 

Pas facile d’innover dans le jazz

Pour lui, ce concert de Master était un peu un test: voir comment les gens réagissent, s’ils préfèrent être assis pour écouter ou s’ils aiment participer et interagir. Même si le concert était un succès et qu’il a conséquemment réussi son Master, il lui faudra encore du temps pour atterrir et prendre du recul. Il semble toutefois pouvoir envisager de continuer dans cette veine. Le filon du concert interactif est encore peu exploité et même si, d’après Billy Utermann, ce type de concert n’est pas le futur de la musique, il y a quelque chose à faire. Dans le jazz, innover est difficile, mais nécessaire. Parallèlement à ses inspirations, Aaron Parks, Tigran Hamasayan, Jacob Collier, Gungor et bien d’autres, l’artiste de Steffisburg s’épanouit sur des scènes plus modestes, loin de l’industrie populaire, des spots et des tournées internationales. Il s’arrête même parfois dans le Jura bernois! 

John Utermann 

Enfant de Bévilard, Billy Utermann veut transmettre des choses; une composition réfléchie qui pousse à méditer, contempler et penser. (photo jh)