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Coronavirus: le masque et la plume*

Edition N°10 - 11 mars 2020

Pierre Chevrier

Je retourne parfois dans l’Arc lémanique afin de répondre à des obligations et essaye de compresser mes rencontres sur la journée. A ma connaissance, une page d’agenda bourrée de rendez-vous n’est pas encore un sujet à germe de virus ni un sujet anxiogène au point de rester chez soi. Ainsi, je pris le train mercredi dernier pour Moutier à 6h27. En première classe, peu de gens mais à peine assis, mon voisin sur l’autre travée est pris d’éternuements qu’il essaye d’atténuer en se penchant sur l’écran de son PC. Ce malheureux sait-il seulement que les gouttelettes infimes ainsi projetées sont le vecteur de diffusion par excellence? Sans masque, j’ai donc décidé de prendre ma plume pour vous conter ma journée à «risque maximal» dû au coronavirus. 

Depuis Bienne, le train, où la fréquentation est moyenne, file sur Morges puis directement sur Genève. Chacun cherche à trouver une place isolée car l’ambiance actuelle est peu propice à de nouvelles rencontres. A Genève, le temps est splendide et dès 9h je passe d’un rendez-vous au suivant sans encombre car je note moins de trafic, moins de promeneurs. Les enfants n’ont pas école le mercredi mais sont cependant peu visibles. C’est vrai, ces «chenapans» sont d’excellents vecteurs de diffusion du coronavirus! Ayant un peu d’avance, je passe au marché de Carouge toujours si animé et riche de beaux produits. J’achète un Comté 18 mois et un fromage de l’Abbaye de Citeaux. Ici aussi, pratiquement pas de temps d’attente. Lunch ensuite dans un restaurant étoilé où le chef, résigné, passe en revue les suppressions des grands salons (haute horlogerie, auto) et les mauvaises nouvelles d’annulation qui tombent chaque jour. Dès 16h, c’est le moment du retour et à Bienne, je prends le train en direction de Bâle. Le train est bondé et chaque nouvel arrivant est dévisagé et pas franchement le bienvenu! Je file en zone «silence» car ici au moins on est à l’abri des postillons! Au final, tout s’est bien passé même si l’incertitude tant médicale qu’économique engendre une anxiété légitime auprès de chacun. 

*Le Masque et la plume: Emission de radio créée en 1955 sur France-Inter consacrée à la critique des livres, des pièces de théâtre et du cinéma. 

Pierre Chevrier