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Evadez-vous avec… Walter Stürm !

Edition N°15 – 20 avril 2022

Walter Stürm et Barbara Hug : un duo insolite et détestable. (photo ldd)

Dans ce 9e épisode de notre série cinéma, on se tourne du côté du cinéma suisse pour s’intéresser au bagnard le plus célèbre d’Helvétie : Walter Stürm, le roi de l’évasion.

Mais qui est donc ce fameux Walter Stürm ? Né en 1942 à Saint-Gall, cet individu amateur de muesli a commis de nombreux délits allant du simple vol au braquage de banque. Des crimes qui lui vaudront plusieurs séjours en prison mais aussi un certain statut de célébrité puisque Stürm réussira pas moins de huit évasions pénitentiaires plus audacieuses les unes que les autres. Le film « Stürm : la liberté ou la mort » nous en fait revivre quelques-unes, notamment celle de la prison de Regensdorf où il laissera sous forme écrite ces simples mots à ses geôliers : « Parti chercher des œufs de Pâques ». Durant la même période, l’avocate Barbara Hug, en guerre avec le système carcéral suisse de l’époque, entre en contact avec un Walter Stürm incognito et assoiffé de liberté. Ensemble, ils défieront les autorités tout en entretenant une relation chaotique digne du roi de l’évasion.

Cours d’histoire ennuyeux

Avec son héros à fausse moustache et ses péripéties rocambolesques, tout laisserait à penser que Stürm est la comédie suisse de l’année. Il n’en est toutefois rien. Véritable drame humain, le film s’intéresse essentiellement à ses deux protagonistes qui symbolisent la révolte sévissant dans les rues et tribunaux de l’époque. Le système carcéral est pourri, et l’héroïne Barbara Hug en est pleinement consciente, au point d’être embarquée par les mêmes policiers qui s’attaquent aux manifestants défendant les mêmes valeurs qu’elle. Avec les évasions de Walter Stürm qui ridiculisent les autorités, Barbara a entre les mains le symbole parfait pour mener son combat, chose que le film saura bien exploiter. Il en résulte une œuvre correctement mise en scène, à la fois humaine et historique, qui rappellera à certains des événements oubliés tandis que d’autres sortiront de la salle plus instruits.

Problème dans l’équation : avec ses parallèles entre l’histoire et le symbolisme, le film devient vite répétitif et donc affreusement ennuyeux, la partie historique passant petit à petit au second plan.

Duo détestable

Interprété par un Joel Basman au top de sa forme, Walter Stürm aurait tout d’un personnage dont le franc-parler et l’audace séduirait le public. Malheureusement, Stürm se révèle être un individu parfaitement détestable dont l’égoïsme n’a de cesse de frustrer. N’arrêtant jamais de prendre de mauvaises décisions et d’être infect avec tous les autres protagonistes du film, le « héros » rend peu à peu le visionnage bien moins agréable. Un ressenti décuplé par l’héroïne féminine et complice de Stürm. Handicapée depuis son enfance par une tumeur mais animée par sa quête de justice, Barbara Hug a le profil idéal du personnage attachant. Mais à l’image de Stürm, l’avocate tête de mule se révèle très énervante, et ce malgré l’interprétation crédible de Marie Leuenberger. On pourrait alors rétorquer que le duo de protagonistes était dans la vraie vie peu fréquentable et que le film a parfaitement su capter ces héros insolites. Mais dans le médium du cinéma, il est difficile de vouloir suivre pendant près de deux heures des individus aussi détestables. Et même si les dix dernières minutes rendent enfin justice au film et à ses personnages en nous montrant ce que représente le sens profond de la liberté, autant pour Stürm que pour son avocate, il est déjà trop tard. L’émotion atteint son paroxysme mais le spectateur, endolori par les minutes interminables, n’en aura que faire et préférera jeter un ultime coup d’œil à sa montre. A l’image de Walter Stürm, on aurait au final presque préféré se contenter d’un bon muesli plutôt que de vivre cette aventure plate et frustrante.

Louis Bögli

« Stürm : la liberté ou la mort »
Réalisation : Oliver Rihs
Durée : 1 h 58
Pays : Suisse
Note : 2/5

 

 

3 questions à … Sébastien Sassi, co-responsable de la programmation du Cinéma Palace, à Bévilard

Walter Stürm est une personnalité relativement connue en Suisse alémanique mais pas forcément en Romandie. Le film peut-il donc avoir son public dans la région ?

Pour le cinéma Palace, diffuser Stürm est effectivement un coup de poker. On voulait de nouveau reprendre un film suisse comme cela n’avait plus été le cas depuis longtemps. De plus, Stürm a extrêmement bien marché du côté alémanique. On verra bien si des gens se déplaceront par curiosité pour venir le voir ou si ça sera un bide complet.

Le genre de film qu’est Stürm est compliqué à définir au premier abord. Comment vendre une telle œuvre auprès des spectateurs ?

Au premier regard, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un genre de road movie ou d’une comédie dramatique, alors qu’il s’agit plutôt d’un drame. C’est dès lors compliqué d’anticiper ce que les gens vont penser. En entendant qu’il s’agit d’une histoire vraie, ils pourraient pencher vers le drame tandis que la bande-annonce du film vend plutôt une comédie. Par conséquent, on va plutôt le vendre dans notre salle comme un film suisse basé sur des faits réels.

Tous les grands faits divers suisses valent-ils la peine d’être adaptés au cinéma ?

J’ignore s’il faut en faire à chaque fois une adaptation mais je pense que si un film peut apporter certaines vérités pour défaire des fake news, c’est une bonne chose. Mais mieux vaudrait que le paysage cinématographique ne soit pas seulement habité par des livres ou récits adaptés comme c’est souvent le cas. L’imagination du cinéma n’est pas que linéaire.

(lb)

Walter Stürm et Barbara Hug : un duo insolite et détestable. (photo ldd)