Portraits

Jamais sans mon chien !

Edition N°5 – 10 février 2021

Mathieu et Calice : une relation fusionnelle. (photos ldd)

Découvrez le septième épisode de notre série intitulée Histoire d’A pour histoire d’Animaux, histoire d’Adoption, histoire d’Amour…

Toujours accompagné de son labrador noir muni d’un harnais blanc, Mathieu ne passe pas inaperçu dans les rues de Moutier, en bus ou en train. Agé aujourd’hui de 24 ans, il a été le premier adolescent en Suisse à recevoir un chien de la Fondation romande pour chiens guides d’aveugles, il y a dix ans. Un cadeau qui a métamorphosé sa vie.

Atteint d’une rétinite pigmentaire atypique

Jusqu’à l’âge de 8 ans, Mathieu est un joyeux petit luron chouchouté par ses parents et qui découvre le monde. Puis on s’aperçoit qu’il voit de moins en moins bien. Après plusieurs années de longs et fastidieux examens médicaux qui fatiguent beaucoup le petit garçon, le verdict tombe : Mathieu est atteint d’une rétinite pigmentaire atypique. Il s’agit d’une maladie génétique dégénérative de l’œil qui entraîne une perte progressive et graduelle de la vision. Aujourd’hui, Mathieu voit encore à 20 ou 30 % de chaque œil. La maladie peut se stabiliser, ou dégénérer plus ou moins rapidement jusqu’à la cécité complète. « Au départ, c’était stressant. Mais maintenant je vis au jour le jour », confesse Mathieu que cette épreuve a beaucoup fait mûrir.

Harcelé à l’école

De la cinquième à la septième année d’école, il est placé en internat à Lausanne, au Centre pédagogique pour handicapés de la vue. Il ne revient à la maison que pendant les week-ends et les vacances. Dès la septième, il suit un programme de réinsertion progressive à l’école secondaire de Moutier. Une période difficile, malgré ses bons résultats scolaires. Si la plupart de ses camarades sont amicaux, d’autres profitent de son handicap pour le harceler. Mathieu se renferme. Il s’isole dans sa chambre et dans son mutisme. Ce qui changera sa vie du tout au tout, c’est l’arrivée de Saphir son premier chien guide d’aveugle.

Premier ado à recevoir un chien guide d’aveugle

« Depuis tout petit j’adore les chiens, mais mes parents étaient réticents », confie Mathieu. Le jeune malvoyant suit une équithérapie, mais c’est avec le chien du cabinet, plutôt qu’avec le cheval, qu’il établit un contact privilégié. 

La thérapeute conseille aux parents de Mathieu de prendre contact avec la Fondation romande pour chiens guides d’aveugles. Coup de chance, la Fondation, qui réservait jusque-là ses chiens aux plus de 18 ans, souhaite justement faire un test avec un ado dans la perspective d’abaisser l’âge des bénéficiaires de ses prestations. Mathieu a 15 ans. C’est lui qui sera le premier ado en Suisse à recevoir un chien guide d’aveugle.

Une nouvelle vie avec Saphir

Mathieu reçoit Saphir, un grand et magnifique labrador noir, en juillet 2011, pendant les vacances scolaires. Quand il entame sa neuvième année d’école, c’est un autre ado : « Avant je voyais tout en noir. Je restais enfermé dans ma chambre et je ne parlais pas. Depuis que j’ai un chien, je suis optimiste, je sors et je parle, je parle trop même ! », sourit Mathieu. « Cette neuvième année a été la plus belle de ma scolarité » ajoute-t-il. Avec son chien, il est assis au premier rang, et Saphir devient la mascotte du collège. Dans la rue aussi tout change : « Avant, je n’aimais pas sortir avec ma canne blanche et on ne remarquait pas que j’étais malvoyant. Depuis que j’ai mon chien, au contraire, je suis fier de marcher avec lui. » 

Le chien attire les regards et les sympathies et Mathieu doit parfois mettre le holà : « Quand un chien guide d’aveugle porte son harnais, c’est qu’il travaille. Ce n’est pas le moment de venir lui faire des papouilles. C’est parfois moi qui dois montrer les dents ! » C’est tout différent lors des promenades d’agrément, sur les parcours en forêt que Mathieu connaît par cœur et où son chien quitte le harnais de travail pour une laisse standard munie d’un grelot. Il peut même le lâcher pour qu’il coure à sa guise et puisse mener sa vie de chien.

Une relation fusionnelle

Saphir l’accompagnera tout au long de sa formation, jusqu’à son CFC d’employé de commerce. Mais âgé de 10 ans et souffrant d’arthrose, il doit prendre sa retraite. Un crève-cœur pour Mathieu et sa famille, qui se consolent en sachant qu’il a trouvé une famille d’accueil qui le chouchoute. Et puis, la Fondation a offert un autre chien à Mathieu : Calice, une labrador noire, elle aussi, mais plus petite et plus fine. Comme avec Saphir, c’est une relation fusionnelle qui la lie à Mathieu. « Parfois je veux dire « à droite » mais je dis « à gauche ». C’est comme si Calice lisait dans mes pensées : elle tourne à droite ! » s’extasie Mathieu.

Claudine Assad 

 

Mathieu et Calice : une relation fusionnelle. (photos ldd)