Né en 1970 à Porrentruy, le dessinateur satirique Pitch Comment fait son bonhomme de chemin dans un milieu qui ne mène pas forcément à la fortune. «Pour la sécurité de l’emploi, on a vu mieux», relève malicieusement cet artiste aux multiples facettes conscient que le fait de bosser en pyjama est une véritable aubaine. On ne trahira pas un secret en affirmant que le conflit jurassien représente son fonds de commerce. Le fait d’avoir une opinion bien tranchée sur la question ne l’empêche pas d’épingler les acteurs des deux camps. Rencontre avec un gars sympa qui reste humble en toute circonstance malgré une notoriété grandissante.
Rencontré dans son bistrot fétiche à Porrentruy, Pitch a usé et abusé des formules magiques, prouvant au passage qu’il maîtrisait aussi bien l’art de l’interview que celui du dessin. Il a suivi des études artistiques à l’Académie de Meuron à Neuchâtel avant d’accumuler les expériences dans la peinture, notamment aux Beaux-Arts à Paris et dans une école de peinture décorative à Bruxelles. Il a également travaillé dans le décor de théâtre à Lausanne avant d’opérer une reconversion dans le dessin satirique. L’aventure a commencé en 2006 lors de la création d’un blog consacré à la campagne électorale jurassienne sous l’appellation «Super Elector». Ce coup d’essai se transformant rapidement en coup de maître, le Bruntrutain n’a pas voulu lâcher son os. Il a continué d’esquisser des dessins satiriques s’ouvrant ainsi des collaborations avec différents médias, soit Arc Hebdo, Vigousse, La Torche 2.0 ainsi que la revue Culture Enjeu.
Le canton du Jura est une terre fertile pour la satire
Très attaché à ses racines jurassiennes, Pitch ne pouvait raisonnablement pas bouder son plaisir. Il a axé les dessins réservés à Arc Hebdo au canton du Jura: «On va certainement me traiter de chauvin, mais ma terre est plus importante que le reste du monde. En fait, ça tombe plutôt bien puisqu’il y a toujours quelque chose à dire sur l’actualité. En plus, tout le monde connaît les politiciens de ce coin de pays, ce qui pimente encore considérablement l’affaire. Oui, ce canton est une source d’inspiration intarissable.» Curieusement, le fait d’égratigner des politiciens phares sans forcément verser dans la sobriété n’a pas souvent débouché sur de grandes polémiques, à l’exception d’un dessin publié dans Vigousse dont la cible principale n’était autre qu’Oskar Freysinger, donc pas un homme à se laisser faire. Finalement, l’affaire s’est très bien terminée pour Pitch, la plainte ayant été classée sans suite. Mais au fait, quelles sont les qualités qu’il faut posséder pour avoir du succès dans ce métier? «Il faut créer un dessin qui fasse réfléchir et rire en même temps», explique-t-il. «Il faut aussi savoir prendre du recul sur l’actualité car elle est tellement déprimante qu’un dessinateur de presse pourrait lui aussi très rapidement broyer du noir.» Et notre interlocuteur d’ajouter: «C’est toujours l’actualité qui dicte mes dessins. Je ne taperai jamais sur quelqu’un gratuitement. Combien de temps me faut-il pour faire un dessin? C’est variable. Parfois 20 minutes, parfois deux jours.»
CrayonSolidaires
En 2017, Pitch et deux dessinateurs de Vigousse, soit Barrigue et Nicolas Sjöstedt, ont décidé de créer l’association CrayonSolidaires. Le but de cette démarche est d’aller à la rencontre de personnes défavorisées, qu’elles soient domiciliées ici ou dans un pays lointain, et de leur offrir un dessin. Il suffit parfois de quelques coups de crayon pour faire jaillir la lumière des ténèbres. Soutenue par des organisations nationales et internationales cette action humaine est également financée par des dons privés.
«Une liberté totale!»
Si le métier de dessinateur satirique n’est pas forcément celui qu’il faut choisir pour goûter au standing d’une personne pleine aux as, il comporte quand même de nombreux avantages. Celui de travailler en pyjama, de jouir d’une liberté totale, de rire en couchant ses idées sur papier et de varier les plaisirs en s’octroyant des mandats professionnels diversifiés. «Il faut dix ans pour former un dessinateur de presse. Comme j’ai commencé à travailler pour Vigousse en 2009, j’ai dépassé le stade de me retrouver dans une impasse. J’arrive toujours à trouver une pirouette pour m’en sortir.»
Olivier Odiet