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Le retour des sculptures sur foin

Edition N°17 - 5 mai 2021

Moine au travail, Carina Tornatoris et Eloïse Batty. (photo Patrice Neuenschwander)

Après une première prestation remarquée en 2018, Christian Burger, accompagné de sept autres artistes était de retour à Bellelay. Mandaté par l’Interprofession de la Tête de Moine, à l’occasion des 20 ans de l’AOP, appellation d’origine protégée, il avait pour tâche d’ériger plusieurs sculptures sur foin en lien avec le fromage du lieu au nord de la Maison de la Tête de Moine.

Ainsi du 19 au 23 avril, sous un soleil radieux, huit artistes ont réuni leurs talents et leurs efforts pour créer quatre œuvres monumentales en foin. Cinq d’entre eux étaient déjà là en 2018. Les habitants de Bellelay ont été témoins d’un chantier particulier où le bruit d’une scie circulaire se mêlait aux étincelles d’une meuleuse et à la lumière intense d’une soudure. Des ossatures en bois et métal, charpentes insolites pour tout néophyte, ne laissaient augurer de superbes sculptures monumentales. Une fois recouvertes de foin ou de paille, le réalisme est saisissant. La finesse des détails malgré la rugosité des matériaux de base renforce l’expression des sculptures et atténue leur côté imposant. Une performance artistique qui mérite le détour cet été, le temps de se sentir, pourquoi pas, lilliputien dans un monde de géants.

Rupture avec la solitude

Etabli dans les Hautes-Alpes françaises, Christian Burger a fait de la sculpture sa passion, son métier. En passant du bois à la pierre et au métal, il s’est intéressé à la sculpture monumentale en évènementiel souvent éphémère par la nature des matières utilisées, à savoir la neige, la glace, la paille et le foin. Régisseur artistique, il est aussi conseiller de l’Association internationale de concours de sculptures géantes de paille et foin. Une technique qu’il a mise au point avec un collègue et qu’il continue de développer. « Une semaine de création comme celle vécue à Bellelay représente une rupture bienvenue avec la solitude de l’artiste dans son atelier. Une occasion pour chaque participant de s’enrichir au contact des autres », dit-il. Un avis partagé par tous les artistes présents. Il ajoute modestement : « Pouvoir faire ce qu’on aime et en vivre, c’est déjà beaucoup. »

Des paroles lourdes de sens en cette période où le mot « essentiel » se confond avec « prioritaire ». L’une des artistes présentes n’avait plus eu de commande depuis un an.

Des talents multiples et variés

Venus de France voisine, quatre femmes et quatre hommes ont associé leurs talents pour ériger par groupe de deux quatre sculptures. Du talent, ils et elles en ont à revendre n’hésitant pas à faire le grand écart entre leurs diverses prestations car la sculpture sur foin n’est de loin pas l’essentiel de leur activité. « La laitière » créée par Manon Cherpe, qui a participé à la réalisation de Lascaux IV en tant que peintre-modeleuse durant trois ans, avec Camille Bernard, illustratrice d’albums jeunesse et animatrice de cours de dessin et aquarelle en est une belle illustration.

Eloïse Batty, céramiste animant des stages de modelage et tournage, est heureuse de s’initier à la sculpture sur foin en compagnie de Carina Tornatoris, plasticienne. Elles sont à l’origine du « Moine au travail », une sculpture monumentale et aérienne. Le prochain mandat de Carina Tornatoris sera la restauration de vitraux.

« La vache », œuvre de Jean-Paul Schwindy et son fils Léo ne représente qu’un aspect de leurs talents réunis. Ils s’expriment également avec le bois, la neige et en peinture. Enfin, associé à Christian Burger, Eric Margery qui apprécie entre autres le travail sur papier, en particulier avec des enfants de 3 à 6 ans, « pas encore déformés et à la spontanéité intacte », a érigé « La jeune fille soufflant les bougies ».

L’événementiel éphémère, tout un art

Le travail sur papier, le bois, la pierre est limité par le support lui-même. Les sculptures de sable, de neige ou de glace permettent de s’exprimer à une échelle inhabituelle. Contrairement au travail en atelier, il est possible ici de déployer son art dans l’espace et des volumes presque sans limites. Si ces statues géantes exigent de nombreuses qualités artistiques et artisanales, l’exercice physique est de taille lui aussi. Certaines œuvres atteignent six à sept mètres de haut. Mais le principal défi à relever et visible de tous est le respect des proportions. L’aspect technique, important, restant invisible et réservé à l’artiste. Pour y parvenir, ils ont pris pour modèle une statuette, une esquisse ou une simple photo.

Le côté éphémère permet de renouveler et perfectionner sans cesse son art. Le travail collectif ainsi que l’accueil de la population ont été particulièrement appréciés par les sculptrices et sculpteurs présents.

Patrice Neuenschwander

 

Moine au travail, Carina Tornatoris et Eloïse Batty. (photo Patrice Neuenschwander)