Atteinte de sclérose en plaque, Cynthia Mathez (37 ans) s’évade dans le sport, en l’occurrence le parabadminton, avec un sourire lumineux. Vous ne l’entendrez jamais se plaindre de sa maladie, la positivité étant sa compagne de route. Contrainte de se déplacer en fauteuil roulant depuis 2015, elle met toute son énergie dans ses défis sportifs qu’elle relève avec une volonté exemplaire. Si ses performances forcent l’admiration, c’est tout simplement parce que la Tramelote d’origine domiciliée à Boningen (SO) fait preuve d’une force de caractère hors pair, parfaitement consciente que rien ne serait possible à ce niveau-là sans un travail titanesque en amont des compétitions. Championne d’Europe en double et de Suisse en simple et en double, elle vise une médaille aux Jeux paralympiques de Paris en 2024. Connaissant sa détermination, sa volonté, sa persévérance, nous ne serions pas surpris de la voir toucher au but.
« Le sport de haut niveau me permet de regarder droit dans les yeux ma maladie et de lui dire qu’elle ne gagnera pas de terrain pour le moment. » Cette petite phrase résume à merveille l’état d’esprit qui anime Cynthia Mathez au quotidien. Alors qu’elle aurait toutes les raisons de s’apitoyer sur son sort, c’est exactement le scénario inverse qui se dessine. On la voit danser avec la vie sur son fauteuil en cultivant l’humour, l’optimisme et l’humilité, la dérision. Elle se met même au service des personnes valides pour leur apporter nourriture et boisson au restaurant. « Surtout ne bouge pas, je m’occupe de tout ! » m’a-t-elle dit lors de notre entretien, réalisé juste avant l’entraînement. Une leçon de vie qui fait réfléchir en pensant aux personnes qui font tout un plat d’une simple toux, ou d’un temps maussade. Avec Cynthia, la météo est la même toute l’année : très ensoleillée. « Le plus difficile à surmonter dans ma situation, ce n’est pas mon handicap, car il se situe seulement au niveau des jambes, mais plutôt le regard des autres. Avec le temps, je m’en suis accommodée », précise-t-elle. En 2009, date à laquelle sa sclérose en plaque fut diagnostiquée, Cynthia Mathez a revu les membres de sa famille pour la première fois lors de la fête de Noël : « Dans leur regard, j’ai pu mesurer l’ampleur de leur tristesse, de leur pitié. Alors, je me suis dit, c’est à moi de changer ça en leur montrant que la joie était toujours en moi. Depuis ce jour-là, tout est redevenu comme avant dans ma relation familiale pour mon plus grand plaisir. »
Sportive au tempérament de feu
Avant de voir sa vie basculer, Cynthia Mathez pratiquait déjà le sport à grosses doses, notamment le judo, le rugby, et même le sport automobile. « Qu’est-ce que je peux bien encore valoir dans cette société maintenant ? » fut son premier questionnement après avoir pris connaissance de sa maladie. « C’est peut-être paradoxal, mais pour atténuer le choc, je me suis fait un petit plaisir en achetant une télé », confie-t-elle. Avant de se lancer dans le parabadminton, Cynthia Mathez a tenté de pratiquer le rugby en fauteuil roulant, mais ses médecins lui ont rapidement fait comprendre que cette voie devait être abandonnée. « J’ai alors cherché un autre sport et j’ai jeté mon dévolu sur le parabadminton parce que c’est un sport complet », signale-t-elle. De manière générale, les règles restent similaires au jeu classique avec la mise en place de certains aménagements en fonction des aptitudes et de la mobilité des personnes. Sportive au tempérament de feu, Cynthia Mathez adopte une attitude de guerrière en compétition. C’est justement cette folle envie de ne jamais rien vouloir lâcher qui explique son ascension fulgurante dans le milieu du parabadminton. Championne d’Europe en double en 2018, elle s’est encore distinguée aux Jeux paralympiques de Tokyo en se classant 4e en double et 7e en simple. Une superbe performance sachant que le contexte météorologique (35 degrés, 85 % d’humidité) n’a pas vraiment servi ses intérêts par rapport aux joueuses asiatiques, par exemple. Elle remet donc l’ouvrage sur le métier en se déplaçant seule – avec une voiture adaptée – aux entraînements à Aarau et Lucerne, ce qui représente entre 20 et 25 heures par semaine (musculation, coordination, endurance, fitness, cardio, etc.). Son objectif principal ? Décrocher une médaille aux Jeux paralympiques de Paris 2024. Elle tentera également de faire bonne figure aux Championnats d’Europe de Rotterdam qui se dérouleront du 13 au 20 août 2023 ainsi que dans d’autres tournois relevés organisés sur la scène internationale, en Europe et en Asie.
Cynthia intègre un autre Tramelot dans son staff
En dehors des entraînements avec l’équipe nationale, c’est l’ancienne joueuse YuYu Wang qui la prend sous son aile avec une attitude bienveillante.
Pour couvrir le budget, le soutien de divers partenaires, fondations, associations et sponsors est indispensable. Désireuse de mettre tous les atouts de son côté pour mener son projet à bien et générer les recettes nécessaires lui permettant d’optimiser son encadrement technique, elle a jugé utile d’intégrer un autre Tramelot dans son staff : Gérard Scheidegger qui a fait ses armes dans le milieu du hockey sur glace. Il se charge notamment de fidéliser les sponsors au projet de Cynthia Mathez. Si les athlètes de sport handicap sont des stars au USA, il n’en est pas de même en Europe où le tapis rouge est loin de leur être déroulé : « Non seulement on doit systématiquement tout justifier, mais en plus aucune récompense financière ne tombe dans notre escarcelle en compétition. On se contente donc de collectionner les trophées. Pour l’instant, c’est comme ça, j’espère simplement qu’il sera possible de faire évoluer les mentalités », précise-t-elle. Pour conclure, Cynthia Mathez a encore expliqué que c’est grâce au sport qu’elle peut rester indépendante. « J’arrive à me débrouiller toute seule pour m’habiller, me doucher. Oui, le sport me permet de stabiliser la maladie. Si je ne m’étais pas lancée dans l’aventure du parabadminton, je me demande bien dans quel état de mobilité je serais aujourd’hui », conclut cette sportive au cœur d’or. Bon vent, Cynthia.
Olivier Odiet