En route pour une visite à l’hôpital, François et Emile se retrouvent coincés dans un embouteillage. Entre klaxons et injures d’automobilistes, ils assistent à un phénomène inquiétant : quelque chose tente de s’échapper d’une ambulance à l’arrêt. Les portières arrière s’ouvrent brusquement et une étrange créature s’écrase contre un pare-brise : un homme-oiseau. L’intimidant hybride pousse des cris rauques avant de s’enfuir à pied, ses ailes n’ayant pas encore fini de pousser. Une scène perturbante et pourtant commune. Une mystérieuse maladie entraîne en effet des mutations spectaculaires chez l’Homme, le transformant peu à peu en bête, perdant ainsi son humanité. La femme de François est l’une des nombreuses personnes à avoir été atteinte. Elle et plusieurs autres créatures s’échappent dans la forêt lors d’un transfert vers un centre d’accueil dans le Sud de la France. Son mari met tout en œuvre pour la retrouver tandis que son fils, Emile, va vivre des expériences qui le changeront à tout jamais.
Générosité grandiose
Dès les premiers retours positifs datant du festival de Cannes de 2023, « Le Règne animal » intrigue, déjà de par son synopsis improbable mais surtout de par son ambition. En effet, produire un film de monstre français avec un budget de près de quinze millions d’euros s’avère audacieux, pour ne pas dire risqué. Alors que l’on aurait pu s’attendre à seulement une poignée de créatures n’apparaissant que dans quelques plans afin de ne pas dépasser le budget, le film surprend en allant totalement à l’encontre, créant l’inattendu et surtout l’inespéré : c’est généreux. Les hybrides sont ici en nombre. Plus qu’un simple contexte, ils font partie intégrante de l’histoire.
Le réalisateur Thomas Cailley ne se limite jamais en termes de créatures, saisissant chaque occasion pour nous en mettre plein la vue. D’abord dans l’économie de moyens en dissimulant ses monstres avec des effets de caméra simples, puis finalement en les révélant au grand jour, et le résultat est magistral.
Entre maquillages, animatroniques et effets numériques, les monstres sont criants de réalisme et débordent de vie. Si le mélange humain-animal a de quoi déstabiliser à plusieurs occasions, mettant parfois mal à l’aise, le film nous y habitue petit à petit, nous incitant à voir au-delà de l’apparence et même à nous attacher.
Bombe à émotions
Acceptation de son prochain, passage à l’âge adulte, homosexualité et même deuil, les interprétations du film sont nombreuses.
Le tout forme un véritable vecteur d’émotions, principalement en utilisant son duo père et fils, incarné à la perfection par Romain Duris et Paul Kircher. Respectivement à la recherche de leur femme et mère, les deux hommes prennent chacun un chemin différent, allant vers un destin bouleversant. Les interactions entre ces personnages sont particulièrement émouvantes et rappellent ce qu’est être un humain. Une relation sublimée par des décors forestiers spectaculaires, rendant la Gironde plus sauvage et luxuriante que jamais. Une atmosphère particulière, capturée à merveille par Thomas Cailley et sa caméra qui enchaînent les scènes plus mémorables les unes que les autres.
Au-delà du simple film de monstre, « Le Règne animal » est un pur triomphe. Une œuvre bravant les limites budgétaires pour nous proposer un tour de force grandiose et percutant. Un hybride sur lequel il fait bon de tomber lorsque l’on se balade dans cette immense forêt qu’est le cinéma français.
Louis Bögli
« Le règne animal »
Réalisation : Thomas Cailley
Durée : 2 h 08
Pays : France
Note : 5/5
Le saviez-vous ?
Le cinéma de genre
Déjà entendu parler du terme ? Méconnu du grand public, le cinéma de genre est compliqué à définir. Il désigne communément les films touchant aux domaines de l’horreur et de l’étrange, utilisant ces prismes pour aborder des thématiques de notre société. Une catégorie dans laquelle tombe évidemment « Le Règne animal » mais aussi une ribambelle d’autres longs-métrages audacieux. Le cinéma français s’est souvent plié à l’exercice, produisant des œuvres souvent boudées par les spectateurs. A titre d’exemple pour l’année 2023, le film catastrophe « Acide » et ses pluies corrosives n’a pas su attirer les foules et s’est planté au box-office. Un sort qu’a évité « Le Règne animal » en dépassant en peu de temps les 200’000 entrées, comme quoi les exceptions existent toujours. On notera aussi que le vainqueur de la Palme d’or de 2021 n’était autre que le longs-métrage horrifique « Titane » tandis que certains longs-métrages extrêmement violents ont suscité par le passé suffisamment d’engouement pour avoir droit à des réadaptations américaines.
(lb)