Portraits

Moutier sur mer ? Pourquoi pas…

Edition N°16 - 28 avril 2021

Le fameux voilier Zabriskie que Damien aimerait commercialiser. (photo ldd)

Depuis tout gosse, Damien Rossé rêvait de devenir capitaine au long cours et de voguer sur lacs et mers. C’est aujourd’hui chose faite, toutes proportions gardées, bien entendu, concernant la taille de l’embarcation ! Depuis quelques temps, il fabrique lui-même ses voiliers, entièrement à la main, ajoutant la passion du travail bien fait à celle de la navigation. Dans son Chantier naval du Moulin, un prototype nommé Zabriskie vient de voir le jour et il aimerait bien le commercialiser. Il réalise dans ses ateliers des bateaux originaux, performants et sécurisants, en bois époxy. Chaque exemplaire est unique et personnalisable selon les souhaits du client.

Enfant de Moutier, fils de parents bien connus, Zaza et Michel Rossé, Damien fait un apprentissage de menuisier chez Marcel Jolidon, dont il fut le dernier pommeau juste avant qu’il ne cesse ses activités. Après quelques emplois divers, il se met à son compte. Actuellement, il travaille dans les locaux que Georges Mayoraz avait libérés il y a près d’un lustre, pour retourner dans sa patrie d’origine, le Valais. Le local se situe à la rue du Moulin, derrière l’ancien cinéma. C’est aussi là qu’il habite, et il en a profité pour rénover tout l’immeuble. S’il pratique encore son métier, il aimerait se diriger uniquement vers la construction de bateaux. « Le métier de menuisier ne fait plus tellement rêver ; on travaille beaucoup avec du préfabriqué, on débite des panneaux divers, et on oublie le véritable travail du bois. En plus, le boulot sur les chantiers est assez pénible », regrette-t-il.

E la nave va

C’est donc depuis tout gosse que Damien est attiré par les bateaux, son père, Michel, en ayant déjà construit un dans les ateliers de Pierrot Liechti aux Evalins, à une certaine époque. Une vraie marotte prévôtoise que de vouloir voguer, malgré l’absence de plans d’eaux navigables loin à la ronde ! A 17 ans, il achète un bateau, l’améliore, et peut ainsi se familiariser avec les règles maritimes et passer tous les permis y relatifs : lac, mer, moteur, etc. En l’an 2000, il construit son premier bateau. Il achète une coque et fait tous les travaux accessoires et finitions, ce qui représente plus de 5’000 heures de boulot ! Il pourra alors se frotter et fourbir ses armes sur la Méditerranée, en famille ou entre amis.

Jusqu’aux Antilles

Puis ce sera le grand voyage, à bord de La Naranja, un voilier de 11 m, 8 tonnes, et bien équipé pour la navigation en mer. Départ depuis Corre (Haute-Saône), où vit aussi un ancien résident prévôtois bien connu, Jean-Pierre Zbinden, qui sera de bon conseil. De là, il rejoindra la Martinique en passant par le Rhône, les Baléares et les Canaries. Un périple de quarante-six jours où il naviguera soit seul, soit avec son père ou des amis. Le voyage s’est bien passé, malgré quelques coups de vent mémorables, « mais pour se retrouver dans ce coin de paradis, cela valait vraiment la peine » affirme-t-il. Le bateau est toujours immatriculé et est mouillé dans la région marseillaise.

Le Balbuzard

Depuis plus de deux ans, Damien Rossé construit des bateaux en vue de les commercialiser, dont deux modèles à mettre « au catalogue ». Le premier, qui a déjà fait ses preuves, Balbuzard, est un voilier transportable à quille relevable de 5 x 2 m et 400 kg, ne nécessitant pas de permis, pouvant être mâté et mis à l’eau en 20 minutes, avec une voilure de 14 m2 et mât en bois époxy.

Le Zabriskie

Mais le bateau idéal, son préféré et son chouchou, c’est ce fameux Zabriskie, qu’il a entièrement dessiné (avec Yann Quenet) et fabriqué lui-même. Un voilier rapide, puissant et moderne, pour se faire plaisir sur l’eau et qui procure de belles sensations. D’une grandeur de 6 x 2,2 m pour un poids de 580 kg, avec une grande voile à corne, un foc sur mousquetons et un spi asymétrique de 35 m2, mât en alu (ou en carbone en option), ainsi que d’un petit moteur auxiliaire électrique. L’intérieur est composé de quatre couchettes, une table à carte et un coin cuisine. Le grand avantage, c’est qu’il est transportable sur une remorque et peut se mettre à l’eau facilement, sans grue. Il peut donc ainsi avoir accès à tous les plans d’eau et naviguer comme bon lui semble. Quand on connaît le prix des places d’amarrage au bord des lacs ou mers, on ne payera rien avec ce système. Le voilier est immatriculé et a déjà navigué. Les premiers essais sont très convaincants. C’est donc surtout ce modèle que voudrait produire et commercialiser Damien, et le réaliser en série. Il pourrait ainsi le fabriquer de manière entièrement artisanale, de A à Z, à raison de deux exemplaires par an. Pas trop grand, pas trop lourd pour le transport, il peut dès à présent le montrer et le faire essayer. Ça, c’est sa meilleure pub ! A noter aussi que tous les grands chantiers des bords du lac, qui ont des prix beaucoup plus hauts que le chantier naval de Moutier, commencent à délocaliser leur production. Donc un bel avenir pour Damien qui ne cherche surtout pas la comparaison.

En route pour la gloire !

Mais la construction de bateaux ne nourrit pas encore son homme et Damien doit encore pratiquer son métier de menuisier pour faire bouillir la marmite. Il fait divers travaux de montage et d’atelier, mais rénove également d’autres bateaux, qu’ils soient en bois, contreplaqué ou polyester. Il peut accueillir dans son atelier des unités jusqu’à 9 m de long et 2,8 m de large. Pour l’anecdote, un monsieur de 78 ans qui avait une barque sur le lac a renoncé à naviguer vu son âge. Ayant vu l’émission que la TV (Courrier romand) a consacré au Chantier naval du Moulin, il a renoncé à la vendre et l’a offerte au batelier qui va lui redonner une nouvelle jeunesse. Il pourra revendre cette embarcation de 5 m de long. Précisons encore que Damien Rossé est encore revendeur pour les petits moteurs électriques auxiliaires qui ont une autonomie d’une dizaine d’heures, ce qui permet de prévoir de passer tranquillement un week-end sur l’eau en associant voile et moteur.

Bon vent, capitaine, mille sabords !

Claude Gigandet

 

Le fameux voilier Zabriskie que Damien aimerait commercialiser. (photo ldd)