Portraits

«On n’est pas sorti de l’auberge!»

Edition N°16 – 24 avril 2024

Damien Chappuis: «Le plus difficile à gérer dans cette crise, c’est l’inconnu. Rien n’existe, tout doit être inventé ou réinventé. (photo oo-a)

Promu capitaine d’équipage durant cette crise sanitaire, le maire de Delémont Damien Chappuis admet volontiers qu’il n’a peut-être pas fait tout juste compte tenu de la complexité de la situation. Reste que le Conseil communal de Delémont a travaillé au plus près de sa conscience dans le souci de protéger au mieux les citoyens de la ville, d’une part et les employés communaux, d’autre part. A l’exception des cas urgents, la gestion des affaires courantes a été mise entre parenthèses pour que l’Exécutif puisse se concentrer pleinement sur les mesures à prendre durant le Covid-19 en tenant compte, bien sûr, des restrictions édictées par les autorités supérieures. 

«Depuis le début de la crise sanitaire, 3500 courriels me sont parvenus, sans compter les sms et les téléphones; j’ai travaillé en moyenne dix heures par jour et je n’ai pas pu m’accorder le moindre jour de répit», constate Damien Chappuis. Inutile de vous dire que depuis son arrivée à la mairie de Delémont, en mai 2015, l’élu PCSI n’avait jamais connu un rythme aussi soutenu sur une durée aussi longue. «Ma fonction de maire m’avait déjà placé dans une position délicate en devant notamment faire face à des éventuelles inondations, un homicide ou encore une alerte à la bombe, mais ce genre d’intervention s’inscrivait sur une courte durée. Ce n’est donc nullement comparable avec cette crise sanitaire qui crée forcément des situations tendues où mon système nerveux est mis à rude épreuve. Ce n’est pourtant pas dans ma nature d’être fatigué, mais là, j’avoue que j’avais parfois la tête sous l’eau. Souvent rempli à ras bord, le vase a de la peine à se vider et c’est souvent une petite goutte qui provoque une montée dans les tours, une pointe d’énervement. Le plus difficile à gérer, dans cette crise, c’est l’inconnu. Rien n’existe, tout doit être inventé ou réinventé. Il faut pourtant prendre des décisions rapidement sans savoir si celles prises le jour même seront encore valables le lendemain. Et tout cela en sachant que la population, placée dans un état de trouble, surveille vos faits et gestes comme le lait sur le feu», relève-t-il. 

Situation de crise gérée avec sérieux et minutie

Le volumineux catalogue de mesures établi par le Conseil communal de Delémont depuis le début de la crise sanitaire en dit long sur le sérieux et la minutie avec lequel l’Exécutif a immédiatement pris le taureau par les cornes. «Avant de comprendre la gravité de la situation, la population ne partageait pas forcément le même degré d’inquiétude face au coronavirus. Il y avait les anxieux, les insouciants et ceux qui se trouvaient entre ces deux sentiments. Au sein du Conseil communal, le déclic s’est produit le samedi 14 mars lorsque la Confédération et les cantons ont donné le ton. En une minute, tous les conseillers étaient sur la même longueur d’onde et la machine s’est immédiatement mise en branle. Une séance de crise réunissant les autorités et les chefs de service a été organisée le samedi 14 mars à 17h et le dimanche 15 mars, notre personnel a été mis au parfum sur l’état de la situation», explique le maire de Delémont. Parmi les mesures phares prises par le Conseil communal, on citera en premier lieu le plan d’action actionné pour les personnes de 65 ans et plus de manière à identifier leurs besoins. Les collaboratrices et collaborateurs de la Municipalité de Delémont ont lancé 2000 appels téléphoniques pour un total de 2800 personnes concernées. Un service de livraisons de courses à domicile a été mis sur pied pour celles et ceux qui n’ont pas d’autres possibilités. Pour les personnes qui souhaitaient une écoute afin d’atténuer leur solitude, un suivi téléphonique régulier a été mis sur pied. Parfaitement conscient que des personnes n’ayant pas encore atteint l’âge de la retraite peuvent également se retrouver dans une situation difficile et souhaiter bénéficier de prestations identiques, le Conseil communal leur donne, depuis trois semaines, la possibilité d’obtenir un soutien en toute confidentialité. 

Concours intergénérationnel 

Lors de sa vidéo-conférence du 30 mars dernier, le Conseil communal de Delémont a validé le règlement du concours intitulé «Un projet intergénérationnel pour ma ville». Cette démarche tend à privilégier les échanges intergénérationnels pour élaborer un projet visant à favoriser les liens entre la population et dynamiser l’économie locale. Financé par la Municipalité, ce concours doté de 50’000 francs de prix récompensera chaque projet par des bons à faire valoir chez les indépendants ou dans les différents commerces delémontains. Le meilleur projet sera soumis à l’autorité compétente (le législatif ou le peuple) selon l’importance du montant du crédit à débloquer. Chaque groupe participant à ce concours doit compter au minimum trois générations. La Municipalité de Delémont a également décidé de faciliter les démarches pour l’extension des terrasses et l’utilisation de l’espace public. Grâce à cette mesure, les établissements publics peuvent en principe accueillir le même nombre de clients en terrasse qu’en situation normale et ce dans des conditions favorables, tout en respectant les prescriptions sanitaires en vigueur. Comme il s’agit d’une mesure exceptionnelle, les autorisations délivrées sont valables uniquement pour cette saison, soit jusqu’au 31 octobre 2020 au plus tard. 

Le retour des anciens réflexes?

Promu capitaine de l’équipage durant cette crise sanitaire, Damien Chappuis reconnaît volontiers qu’il a peut-être aussi commis certaines erreurs: «Le politicien qui a pu gérer cette situation sans commettre de faux-pas mérite qu’on lui érige une statue», signale-t-il. «Ce n’est pas toujours évident de garder la tête sur les épaules, d’avoir systématiquement une vision claire de la situation et de ne pas paniquer. Je parle pour celui qui tient le gouvernail de ce bateau, mais également pour les membres de l’équipage.» Damien Chappuis souligne que la commune de Delémont a bien tenu le cap jusqu’ici, mais il rappelle que la crise est loin d’être terminée: «On n’est pas sorti de l’auberge!», s’exclame-t-il. «La santé, c’est une chose, mais le Covid-19 provoque également des dégâts collatéraux sur le moral et le psychisme des gens, sans parler des effets sur l’économie.»
Quant à savoir si cette crise permettra à la société de repartir sur des bases différentes, le maire de Delémont est plutôt sceptique. «C’est un souhait que j’appelle de tous mes vœux, mais quand je pense aux colonnes de voitures qui se sont récemment formées à Delémont pour engloutir des hamburgers, tout en respectant la liberté individuelle, je doute fortement que les choses changeront. Les anciens réflexes ne tarderont pas avant de revenir à la surface, à mon humble avis…»

 Olivier Odiet 

Portrait express

Nom: Chappuis
Prénom: Damien
Date de naissance: 22 avril 1979
Domicile: Delémont
Profession: ingénieur en informatique
Etat civil: marié, deux enfants
Série préférée: La Casa de Papel
Plat favori: le sot-l’y-laisse
Loisirs: manifestations sportives, friand de bain de foule en général
Traits de caractère: à l’écoute (parfois trop), sensible, cartésien

Damien Chappuis: «Le plus difficile à gérer dans cette crise, c’est l’inconnu. Rien n’existe, tout doit être inventé ou réinventé. (photo oo-a)