Le Prévôtois Anthony Hauser, qui a obtenu son doctorat en épidémiologie en début d’année, exprime son ressenti sur l’évolution de la pandémie non sans afficher un certain scepticisme quant à la mise en œuvre de la règle des 2G.
– Anthony Hauser, la vaccination, c’est le seul remède susceptible de mettre un point final au Covid ?
– La vaccination n’est pas le remède miracle, mais elle fait partie de la solution qui nous permettra à nouveau de vivre normalement. En raison des nouveaux variants et du fait que beaucoup de pays ont encore un niveau de vaccination très bas, on ne va probablement pas réduire la transmission à 0 cas. Néanmoins, on observe que le vaccin protège très efficacement des formes graves du Covid. En Suisse, une étude a montré que les personnes vaccinées ont douze fois moins de risques d’être hospitalisées. A long terme, le vaccin peut donc éviter la surcharge du système hospitalier.
– En Suisse, le taux de vaccination n’atteint pas un niveau aussi élevé que dans d’autres pays européens. A quoi attribuez-vous ces réticences ?
– La Suisse fait partie des pays les moins vaccinés de l’Europe occidentale avec l’Autriche et l’Allemagne, soit les deux autres pays germanophones. Certains ont attribué cela au fait que les croyances dans les médecines alternatives sont peut-être plus répandues dans ces trois pays, ce qui peut favoriser une défiance envers les vaccins. De mon côté, je pense que le fédéralisme, qui a laissé l’organisation de la vaccination à la charge des cantons, a ralenti l’accès au vaccin.
– La règle des 2G, qui limite l’accès à certains lieux aux seules personnes guéries du Covid-19 ou vaccinées, engendre-t-elle votre approbation ou votre scepticisme ?
Je ne pense pas que la règle des 2G ne puisse davantage limiter la transmission que ne le faisait la règle des 3G. Je suis donc un peu sceptique quant à sa mise en œuvre. Si on veut réduire le risque de transmission dans ces établissements, il faudrait plutôt s’attaquer à la durée de validité d’un test négatif. Jusqu’à maintenant, un test PCR est valable pendant 72 h, ce qui laisse le temps à une personne d’être infectée et de transmettre le virus.
– On reproche souvent au Conseil fédéral de prendre des mesures qui conduisent à une « obligation déguisée » de se vacciner. C’est un sentiment que vous partagez ?
Si on compare à nos voisins, on remarque que, du moins jusqu’à l’instauration des 2G, les mesures prises par le Conseil fédéral ont toujours visé à limiter la transmission. Par exemple, le pass sanitaire n’est requis qu’à l’intérieur des lieux publics, c’est-à-dire là où le risque de transmission est le plus élevé. Nous ne sommes pas arrivés à des mesures telles qu’en France, qui a étendu l’obligation du certificat à l’espace extérieur des restaurants, ce qui est plus difficilement justifiable d’un point de vue épidémiologique.
Alors qu’ils ont été épargnés lors de la première vague, les enfants sont aujourd’hui très touchés par le Covid. Quelle est votre explication ?
Premièrement, je ne pense pas que les enfants ont été particulièrement épargnés lors de la première vague, ils n’étaient simplement pas testés. Cette croyance que les enfants étaient moins touchés par le Covid vient en partie de la position de l’OFSP au début de l’épidémie, qui affirmait par l’intermédiaire de Daniel Koch, que les enfants étaient moins contagieux. Cela s’est révélé faux. Ensuite, il faut remarquer que la grande majorité des adultes sont immunisés, principalement par le vaccin. Comme ils n’ont pas accès au vaccin, cette part est beaucoup plus faible chez les enfants. Une étude dans le canton de Vaud a récemment estimé qu’environ 90 % des adultes sont immunisés, alors que seulement 30 – 50 % des enfants le sont, ce qui les rend plus susceptibles d’être infectés.
La vaccination divise la population au point de voir des couples se séparer, des familles se déchirer. C’est un scénario que vous avez vu venir ?
Honnêtement, je ne pensais pas voir un tel scepticisme envers les vaccins en Suisse. Les données s’accumulent et on voit que les vaccins proposés en Suisse sont sûrs et sont très efficaces pour éviter les formes graves du Covid. Malgré cela, la Suisse n’est pas parvenue à convaincre plus de 30% de la population. A mon avis, cela traduit plus une défiance envers l’Etat qu’un manque de confiance dans le vaccin. La population est aussi fatiguée par la pandémie et le vaccin cristallise ces tensions, avec des arguments qui sont souvent émotionnels.
Propos recueillis par Olivier Odiet