Portraits

Sur terre, en mer ou en l’air

Edition N°38 - 20 octobre 2021

Bernard Guillet, passe de la terre à la mer en passant par les airs. (photo cg)

Passionné par tout ce qu’il entreprend, Bernard Guillet gravit des montagnes, parcourt les mers et s’envoie en l’air. Ce septuagénaire autodidacte touche à tout avec génie et enthousiasme. Guide de montagne depuis un demi-siècle, barreur de voilier (skipper) ou précurseur de vol delta et parapente, il ne finit pas d’étonner et de surprendre grâce aux connaissances pointues qu’il a accumulées au fil des ans. Portrait d’un homme au caractère fort et captivant.

Définir Bernard Guillet d’un trait de plume serait pure gageure. Homme au tempérament parfois impétueux ou bougon, déterminé et entier, fidèle en amitié, quelques-uns de ses pairs n’hésitent pas à le surnommer amicalement « l’agréable ». Tout ce qu’il a entrepris, il l’a fait avec enthousiasme et passion, que ce soit en montagne, en mer, en l’air ou comme militant autonomiste dans la cause jurassienne qui lui tient particulièrement à cœur.

Parcours original

Né à Lausanne, au château de Prilly en 1950, il quitte cette ville à 12 ans pour s’établir avec ses parents à St-Imier. Son papa, Alexandre, qui décédera en 1979, est ensuite nommé aux Services industriels de Moutier et Bernard ne quittera plus la Prévôté. Il entame alors un apprentissage d’électricien chez Hauser, métier qu’il ne pratiquera pas très longtemps, attiré qu’il est par la montagne. Il grimpera un peu partout avec son mentor, le fameux « Jumeau » Affolter, qui lui enseignera aussi les préceptes de la menuiserie, profession qu’il exerce encore en parfait connaisseur, même s’il n’a pas appris le métier, dans son atelier des Evalins. Il se mettra alors à son propre compte, ne désirant pas de pression ou de fil à la patte, avec pour seules contraintes celles qu’il s’impose. Depuis cinquante ans, il est le compagnon d’Irma Hirschi, figure bien connue de la ville, ancienne conseillère de ville, municipale, et députée. De leur union naîtront Christophe et Pauline, et trois petits-enfants égaient leur quotidien. Les Prévôtois se souviennent aussi de sa maman « Didi » qui a laissé de bons souvenirs, notamment au camp de ski du Nomi en tant que cuisinière. Sympa, elle aussi avait le tempérament entier. La pomme tombe rarement loin de l’arbre !

Sur terre

Sa première passion sera la mon-tagne. En 1973, il passe son bre-vet de guide et résidera pendant cinq ans à Arolla, un village de la commune d’Evolène, en Valais, situé à l’extrémité du val d’Hérens à 1998 m d’altitude. De là, il conduira les gens de chez nous, du CAS ou clients privés, sur les sommets environnants, au Cervin ou au Mont Blanc, pour ceux qui voulaient ajouter ces cimes à leur palmarès ! C’est ainsi que Bernard Guillet a gravi les deux tiers des 4000 mètres de Suisse, et tous les valaisans. Il ne compte plus les accompagnements sur la haute route, un grand classique du ski de randonnée, un itinéraire qui peut durer de cinq à six jours, de l’un des hauts lieux de l’alpinisme à l’autre.

Depuis quarante ans, il escorte en mon-tagne les camps des écoles, de Moutier, Delémont ou Porrentruy, etc. Il est encore formateur et expert des moniteurs de Jeunesse et Sports et a participé à deux expéditions au Népal. Côté professionnel, il pratique aussi des travaux acrobatiques en entretenant des pans de montagnes ou en sécurisant des chantiers.

En mer

Dans les années 1980, la proximité de son atelier avec celui d’un constructeur de bateaux, Pierrot Liechti, lui donna des idées. C’est ainsi que sans avoir jamais navi-gué, il entreprit la construction d’un voilier, un Tonnerre 3302, aidé par Irma, un boulot de six ans ! Dans la foulée, il passe son permis de voile, moteur et mer, à Neuchâtel. Pour se faire la main, il part avec son épouse et son fils Christophe en Méditerranée, par Les Baléares, Gibraltar et Séville, et rentre par les canaux du Rhône, Saône et Doubs. C’est pas l’homme qui prend la mer, mais c’est la mer qui prend notre homme qui est complètement mordu de navigation. Il vend alors son voilier et rêve de plus grand. Il se rend au salon de la navigation de Paris où il craque pour un voilier de 14 mètres, un Benneteau baptisé Tsarmine. Il l’achète en leasing, le base à Toulon, avec promesse des constructeurs d’avoir de bons rendements et de bons clients. « Tu peux l’écrire, c’était une belle bande d’escrocs, j’ai dû moi-même trouver les clients et passer de quatorze à dix-sept semaines en mer pour payer mes traites » ! Le voilier sera ensuite mouillé à Antibes, puis à Bonifacio. Il naviguera encore beaucoup avec, en 1995, une traversée de l’Atlantique avec des gens de notre région, un périple qui durera dix-huit jours. C’est ensuite la mort dans l’âme qu’il dû restituer son magnifique bateau. Il achète alors les plans d’une nouvelle embarcation, la construit de A à Z lui-même. Il tente la fameuse Transatlantique, en 2005, mais doit abandonner à Gibraltar.

En l’air

Au début des années 1980, un sport innovant fait son apparition : les vols delta. Bien entendu, Bernard Guillet en est un des pionniers et passe son brevet, car son voisin de l’atelier des Evalins, le constructeur de bateaux, en fabriquait. Une structure en alu et dessous un trapèze permettait de se prendre pour un oiseau. Par la suite, réalisées avec des matériaux composites, les ailes devenaient plus légères, plus sûres et plus maniables. Les premières furent nommées « fer à repasser », car elles piquaient volontiers du nez, ce qui en dit long sur la dangerosité des premières expériences. Par la suite, son fils se mit au parapente et bien sûr papa Bernard ne voulut pas rester en arrière et s’y mit aussi. C’est ainsi qu’actuellement, il compte plus de 400 vols, surtout sur la région jurassienne, mais aussi en Arménie, Bulgarie, Maroc, Turquie, etc. Et notre homme n’est pas près de renoncer à tous ses plaisirs et activités. Il est en forme et le synonyme de retraite, pour lui, ne passera certainement pas par les cafignons et la télé !

Claude Gigandet

Bernard Guillet, passe de la terre à la mer en passant par les airs. (photo cg)