Culture, Portraits

Un art des formes et des douceurs

Edition N°14 – 14 avril 2021

L’art de Stève Greppin, alias Esgé, est difficile à décrire. Il se situe à l’orée de l’art figuratif et de l’art non figuratif, de celui du dit et du non-dit. Nous sommes en effet à mi-chemin entre l’univers des formes et celui des silences, des choses réelles que nous connaissons bien et des mondes qui nous sont étrangers. 

S’agit-il d’un paysage, d’une ville lointaine, d’une personne, d’un visage, d’une idée perdue ou en train de naître ? Nous ne savons jamais vraiment. Et nous avons beau chercher un titre ou un mot au-dessous de la toile, ce serait en vain. Au contraire, nous entrons dans le monde de l’indicible, d’une parole naissante qui essaie de dire…, mais qui s’arrête à mi-chemin, une parole difficilement audible qu’il faut écouter et réécouter avec grande attention. 

Deuxième trait : le peintre se fait timide dans ses toiles. Ou plutôt, par pudeur, par réserve, il préfère ne pas trop en dire. A aucun moment, il ne barre notre horizon ; dans aucun tableau, il ne nous dit quoi penser. Il nous invite plutôt à sa table, la table de l’hospitalité, table autour de laquelle chacun de nous peut se dire, parler, s’exprimer, s’engager. Car c’est toujours à nous de découvrir, c’est à nous de rechercher, c’est à nous d’inventer. C’est comme si l’artiste nous invitait à voyager : il nous murmure, tout au plus, une destination lointaine, il nous esquisse une orientation discrète. Mais c’est ensuite au spectateur de choisir sa destination, de faire le voyage, de découvrir une nouvelle contrée et d’y rencontrer ses habitants. C’est pourquoi, chaque matin, un tableau peut être vu et compris différemment : une ville du Nord se transforme subitement en désert de glace ; une fournaise volcanique en désert de sable ; une silhouette animale en silhouette humaine.

Du déchirement à l’espérance

Troisième trait : il y a une profonde tendresse qui émane de son œuvre, une tendresse apaisante, une tendresse sereine, une tendresse familière et énigmatique tout à la fois. En effet, ses tableaux sont rarement épargnés par des tensions de toutes sortes, par les conflits, par les oppositions. Toutes ses toiles, à leur façon, expriment une étrange polarité, un contraste frappant, une forme de déchirement ou de violence. 

Or, à mesure que l’on s’absorbe dans la contemplation, cette déchirure ou ce déchirement s’enrobe de beauté et de délicatesse, comme si l’infinie opposition des choses et l’infinie division des êtres reposaient sur un seul principe : celui d’un principe d’harmonie qui rassemble les êtres et surmonte les divisions des corps et les séparations des cœurs.  Ainsi, nous entrons dans un monde simple et réaliste, un monde où, certes, la souffrance peut se dire et s’écouter, mais un monde qui n’est jamais totalement perdu, un monde qui offre encore une espérance. (cp)

Expo Esgé à l’Espace d’art et de loisirs, Soyhières, du vendredi 16 avril à 18 h au 9 mai. 

HEURES D’OUVERTURE
Vendredi : 18 h – 20 h
Samedi et dimanche : 15 h – 18 h