Culture

Un artiste, trois sites d’exposition

Edition N°25 - 26 juin 2019

Christine Blanchet lors de sa conférence sur les vitraux. (photo cg)

Ce mois de juin a lancé la commémoration du centenaire de la naissance de Jean-François Comment. Artiste de renommée internationale né en 1919 et décédé en 2002 à Porrentruy, sa ville, il laisse derrière lui des milliers d’œuvres sur toile, sur papier ou des vitraux, dont ceux de l’église de Malleray. Une exposition rétrospective aura lieu sur trois sites différents : Porrentruy, Moutier et Delémont. Chaque lieu témoigne d’une période artistique particulière. Le musée jurassien des Arts de Moutier a présenté samedi dernier une conférence de Christine Blanchet, intitulée Jean-François Comment, le faiseur de lumières, retraçant plus de soixante ans de création quotidienne.

Le Musée de l’Hôtel-Dieu à Porrentruy (années 1936-1953), le Musée jurassien des arts à Moutier (années 1953-1962) et la Halle des expositions à Delémont (années 1962-2002) accueillent l’exposition rétrospective en hommage au peintre jurassien qui a toujours été attaché à sa région. Deux autres expos thématiques présentent des projets plus intimes de l’artiste, l’une à la bibliothèque cantonale de Porrentruy, l’autre à la FARB à Delémont. «L’œuvre de mon père est conséquente. Il était impossible de tout réunir en un seul lieu. La plus importante est celle présentée à Delémont, qui rassemble des œuvres créées entre 1962 et 2002, année de sa mort», a expliqué Bernard Comment, l’un de ses deux fils et commissaire de l’exposition, en précisant qu’aucun tableau ne sera à vendre. Une imposante monographie sort de presse à l’occasion de ce centenaire. 427 pages, 41 vitraux, des photographies et des documents d’archives relatent ses différentes périodes artistiques. On peut obtenir ce riche document, subventionné, à un prix très accessible. «Il était impossible de rendre les bleus de manière exacte avec les encres que nous avions à disposition, nous avons dû en créer une, inédite, que nous avons baptisée le «bleu Comment», explique-t-il. Une place de sa ville de Porrentruy portera désormais son nom. 

Carte blanche à Blanchet

Critique et historienne de l’art, Christine Blanchet est commissaire d’expos indépendante depuis 2010. Avec un doctorat en histoire de l’art, elle a assumé de nombreux commissariats d’exposition de grande renommée. Chargée de cours en Histoire de l’Art à l’université d’Amiens, à la préparation aux concours des conservateurs au Patrimoine à Paris Sorbonne et dans différentes écoles à Paris, elle publie régulièrement des textes et des entretiens sur l’art, l’architecture et le vitrail contemporain dont elle est reconnue comme une spécialiste. C’est dire si elle est compétente pour analyser et présenter l’œuvre de Jean-François Comment. 

Samedi dernier, elle a présenté une conférence sur l’art du vitrail, en présence du fils de l’artiste Bernard Comment. Introduite par Valentine Reymond, la conservatrice du Musée jurassien des Arts de Moutier qui expose la période charnière essentielle de l’artiste, la décennie décisive durant laquelle le peintre passe de la figuration à l’abstraction. Christine Blanchet a brossé le portrait de l’artiste, au milieu des toiles de Jean-François Comment, et de sa période dédiée aux vitraux non figuratifs, mettant en exergue sa recherche de la lumière. Elle a mentionné cette période où il était en contact avec d’autres concepteurs de vitraux, Léger, Manessier (vitraux de Notre-Dame de Moutier), Bazaine ou le maître verrier Etchlinger. 

De la figuration à l’abstraction

En 1935, Jean-François Comment prend des cours de peinture auprès d’un professeur de l’Ecole cantonale de Porrentruy, puis fréquente les cours de Kunstgewebeschule de Bâle pendant une douzaine d’années. Il en ressort avec un diplôme d’enseignant mais préfère vivre de son art. Lors d’un séjour à Paris, il rencontre Picasso qui le marquera avec une certaine influence et son cubisme. De retour à Porrentruy qu’il ne quittera plus, ses œuvres sont un peu sombres, peut-être dues aux conséquences de la guerre. Mais après quelques voyages dans le sud de la France, il adoptera des couleurs plus vives. La forêt est très présente dans ses œuvres. 

Dès sa quarantième année, vers 1958, il passe à l’abstraction, influencé par Matisse, Bonnard ou Rouault. Il peint volontiers des femmes assises, des nus, avec des variations de styles et de couleurs. C’est de cette période que datent ses premiers vitraux, dont il présente chaque pièce grandeur nature avant leur réalisation. Il joue avec le rythme du béton ou le réseau de plomb qui entoure le verre qu’il choisit avec un soin particulier, avec une préférence pour les bleus. Sa peinture évoluera au fil des années. Dans un bref laps de temps, il évolue de compositions encore structurées à la libération du geste. Ce sont les débuts d’un artiste qui deviendra  un des représentants suisses majeurs de l’abstraction lyrique.

Peintre prolifique

Jean-François Comment a produit des milliers d’œuvres au cours de ses soixante ans de créations quotidiennes. Il n’était pas rare qu’il peigne et alterne plusieurs tableaux à la fois. Certains sont même restés en chantier plusieurs années. Il a réalisé des œuvres de chevalet, des fresques, une mosaïque, et de nombreux vitraux dans le Jura, à Münchenstein et à Genève. Dès les années 1960, les peintures à l’huile sont empâtées, véhémentes, dans des tonalités souvent sombres. Petit à petit, la surface de la toile va s’alléger, et après une période obsédée par le cercle (fin des années 1960), puis par la symétrie (années 1970), la peinture sera de plus en plus diluée, avec de très fines couches superposées, comme si elle voulait se faire aquarelle, autre technique importante dans l’œuvre de Jean-François Comment. Il a participé à de nombreuses expositions dans le monde, notamment au Japon et à Hong Kong.

A l’Hôtel de Ville de Moutier, le visiteur peut admirer l’immense diptyque intitulé La Route du soleil (1969-1970), offert à la municipalité par sa famille en 2017, qui figure parmi ses œuvres exceptionnelles.

Claude Gigandet

Jean-François Comment, 100 ans, au Musée jurassien des Arts de Moutier, de la figuration à l’abstraction 1953-1962, du 15 juin au 10 novembre 2019

 

Christine Blanchet lors de sa conférence sur les vitraux. (photo cg)