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Un cauchemar pour les malentendants

Edition N°39 - 21 octobre 2020

Pour les malentendants, le masque augmente les difficultés de communication. (photo ldd)

Le masque étouffe les sons, dissimule les expressions faciales et empêche la lecture labiale, ce qui complique la vie aux personnes souffrant de surdité et accentue leur sentiment d’exclusion. Une solution pourrait être le masque transparent. Mais son usage est loin d’être généralisé.

« Hier, j’étais à la pharmacie, et j’ai dû demander plusieurs fois à la jeune vendeuse de me répéter ce qu’elle me disait. Avec son masque, je ne la comprenais pas. J’avais le sentiment qu’elle me prenait pour une demeurée », confie Carole, une jeune retraitée équipée d’appareils auditifs. « Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive et c’est quand même embarrassant ».

Le masque, non seulement étouffe les sons, mais il empêche de lire sur les lèvres, ce qui est gênant pour les personnes qui souffrent de déficience auditive et qui utilisent la lecture labiale.

Port du masque généralisé : un facteur déclenchant

« L’appareil auditif permet d’entendre, mais la lecture labiale permet de comprendre », explique Grégoire Droz-dit-Busset, secrétaire du conseil de fondation de forom écoute, la fondation romande des malentendants. « Parler beaucoup plus fort, ce n’est pas la solution non plus, parce que les appareils saturent ». Autres victimes, les personnes affectées d’une surdité légère et qui jusqu’à présent pouvaient vivre avec. « La généralisation du port du masque a été un facteur déclenchant : de nombreuses personnes qui jusqu’à présent sous-estimaient leur handicap ont réalisé qu’elles étaient malentendantes parce qu’elles ne comprenaient plus, ou mal, ce qu’on leur disait », confie Patrick Grosjean, audioprothésiste.

Pour elles, et pour la majorité des mal-entendants, (ils sont près d’un million en Suisse), les prothèses auditives devraient suffire à compenser les inconvénients du masque, selon Patrick Grosjean. Ce n’est pas l’avis de Grégoire Droz-dit-Busset : « De ce que j’ai pu voir, il n’y a qu’une minorité de malentendants qui peuvent s’accommoder aisément de cette situation », affirme-t-il. Alors que faire ?

Masques transparents

Un masque transparent permettant la lecture labiale serait la solution idéale. Il en existe sur les sites de vente en ligne, mais la plupart des commentaires des usagers sont négatifs, pointant notamment le fait qu’ils se couvrent de buée, ce qui, bien sûr, annule les avantages de la transparence.

En France, trois modèles de masques transparents ont été homologués (Inclusifs, Sourire et Beethoven) et la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, a annoncé que l’Education nationale en avait commandé plusieurs centaines de millions pour répondre aux besoins des malentendants mais aussi des enfants qui, à la maternelle notamment, ont besoin de voir les lèvres des enseignants pour apprendre les sons.

En Suisse, l’EPFL en collaboration avec l’EMPA, a développé un masque transparent destiné à l’origine au personnel soignant. HelloMask, commercialisé par la start-up HMCARE, devrait être disponible au début de l’année prochaine.

Plan B

En attendant, il reste aux malentendants toute une gamme de solutions plus ou moins satisfaisantes pour comprendre leur interlocuteur :

Un petit carnet sur lequel on demande d’écrire ce que l’on veut nous communiquer ou la fonction « Note » du téléphone portable pour le même usage. Pour les détenteurs d’appareils auditifs connectés, il y a aussi la possibilité d’enclencher la fonction « Micro » et de tendre le téléphone à son interlocuteur: le son viendra directement dans les oreilles de la personne appareillée. Et enfin, plus simplement, on peut enlever le masque en respectant la distance.

Grégoire Droz-dit-Busset, qui travaille comme collaborateur-étudiant polyvalent dans une grande surface de la région pour financer ses études de lettres, est parfois amené à le faire: « J’ai récemment eu une cliente dont je ne comprenais pas la question, je lui ai suggéré de retirer le masque, le temps qu’elle me pose la question, en respectant la distance. Ainsi j’ai pu la comprendre sans problème. J’ai toujours trouvé des solutions, les gens sont généralement très compréhensifs quand je leur explique mon problème d’audition ».

Claudine Assad

Pour les malentendants, le masque augmente les difficultés de communication. (photo ldd)