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Un désastre pour le Jura bernois

Edition N°18 – 12 mai 2021

Conférence de presse de la CAJB : toute une brochette de spécialistes et de politiciens. De gauche à droite : Baernard Leuenberger, Tessa Grossniklaus, Loïc Bardet, Virginie Heyer, Etienne Klopfenstein. (photo ca)

C’est dans l’exploitation agricole de la famille Carnal, à Moutier, que la Chambre d’agriculture du Jura bernois (CAJB) a organisé vendredi dernier une conférence de presse où toute une brochette de politiciens et de spécialistes ont pris position contre les initiatives « Eau propre » et « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse ». 

Pour rappel, l’initiative « Eau propre » prévoit que pour pouvoir toucher des paiements directs, les exploitations agricoles devront se passer de pesticides, bannir l’utilisation préventive ou régulière d’antibiotiques dans l’élevage et être en mesure de nourrir leurs animaux exclusivement avec le fourrage qu’elles produisent elles-mêmes. L’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » prévoit d’interdire l’utilisation de pesticides chimiques (herbicides, insecticides, fongicides, parasiticides) en Suisse mais aussi l’importation des denrées alimentaires qui en contiennent.

Un désastre pour notre région

« L’initiative « Eau propre » aurait des conséquences désastreuses pour notre région », prévient la secrétaire générale de la Chambre d’agriculture du Jura bernois, Tessa Grossniklaus : « Nous ne pouvons pas compter sur le rendement de nos terres pour pouvoir nous passer des paiements directs et nos élevages sont trop productifs pour pouvoir répondre aux normes que l’initiative nous impose », explique-t-elle. Claude-Alain Baume, responsable du département conseil de la Fondation Rurale Interjurassienne Courtemelon Loveresse (FRI) a procédé à une analyse détaillée des conséquences que cette initiative auraient pour l’exploitation de la famille Carnal à Moutier. Il en ressort notamment que le cheptel de vaches laitières devrait être diminué, ce qui entraînerait une baisse annuelle de 85’000 kilos de lait. A cela s’ajouterait que les 200 poules qui sont partiellement nourries au soja devraient disparaître, entraînant une perte annuelle de 64’000 œufs par année. « On se pose la question si cela vaudrait la peine de continuer », confie Olivier Carnal qui gère le domaine avec ses deux frères, Jean-Michel et Francis.

Les plantations de soja et de pommes de terre menacées

Quant à l’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse », elle ferait aussi des victimes dans la région. En témoigne Christophe Monod, un jeune et dynamique agriculteur de Pontenet qui cultive du colza et de la pomme de terre. « Quand le mildiou ou les doryphores attaquent les pommes de terre, il faut pouvoir utiliser des pesticides de synthèse. De mon côté, je n’en utilise qu’en cas de nécessité et des quantités minimes. Et je serais prêt à passer au bio si on trouvait des alternatives. » 

Les agriculteurs bio concernés aussi

Agriculteur bio à Monible, Ronald Sommer est également farouchement opposé aux deux initiatives.

« Si l’initiative « Eau propre » passe, et qu’une année il me manque une botte de foin pour nourrir mes moutons, je n’aurais même pas le droit d’en acheter une à mon voisin ! » s’indigne-t-il. Quant à la deuxième initiative, lui qui fabrique du fromage la fustige aussi : « Certains produits de nettoyage qui sont nécessaires pour désinfecter mon matériel seraient interdits. L’hygiène ne serait plus garantie, ce qui entraînerait des risques de listériose. » Il avoue avoir du mal à comprendre les motivations des quelques agriculteurs bio de la région qui ont pris position en faveur de ces initiatives.

Claudine Assad

Conférence de presse de la CAJB : toute une brochette de spécialistes et de politiciens. De gauche à droite : Baernard Leuenberger, Tessa Grossniklaus, Loïc Bardet, Virginie Heyer, Etienne Klopfenstein. (photo ca)