Portraits

Une libanaise devenue Prévôtoise

Edition N°18 - 8 mai 2019

Souade Wehbé, un bel exemple d’intégration d’une libanaise arrivée à Moutier il y a plus de 20 ans. (photo cg)

C’est une quinquagénaire souriante, pétillante et qui respire la joie de vivre qui nous reçoit dans son vaste appartement de la rue de la gare. Elle parle un français parfait, sans accent, et raconte son passé avec sérénité, malgré le fait qu’elle ait dû fuir son Liban natal ravagé par les guerres. Arrivée il y a un peu plus de vingt ans, Souade Wehbé participe à la vie active prévôtoise et a même siégé au Conseil de ville lors de la dernière législature. Mère de cinq enfants qui se sont tous forgés une belle situation, elle nous accueille avec cette chaleur et cette convivialité des gens du sud et cette belle spontanéité, innée chez elle. 

Née en 1965 dans la plaine de la Bekaa, Souade a connu les conflits et les guerres incessantes propres à ces régions perturbées. Le Liban est coincé entre Israël et la Syrie, pays qui y règlent leurs comptes. Beaucoup de libanais qui n’en pouvaient plus des dangers et incertitudes fuyaient alors vers l’Australie ou le Canada. La guerre civile, l’insécurité ambiante, l’occupation et surtout le futur de ses enfants ont fait qu’elle débarque seule comme réfugiée dans notre pays au centre de Büren an der Aare, où elle reste cinq mois. Son mari la rejoindra plus tard. Sa principale priorité était de mettre ses cinq enfants en sécurité et à l’abri des conflits, leur donner si possible une bonne éducation et un avenir. Elle avait le choix entre La Neuveville et Moutier, ville qu’elle n’a d’ailleurs jamais quittée. Elle cherchait un endroit où l’on parle français, langue que ses enfants apprenaient à l’école. On lui avait également parlé de la solidarité prévôtoise, fait qu’elle a pu vérifier, car, en tant que catholique maronite, elle a reçu un grand soutien de la paroisse et aussi des autorités.

Une belle famille

Bien entendu, les débuts en Prévôté n’ont pas été toujours très simples, pour cette libanaise qui débarque en terre inconnue, issue d’une autre culture et ne parlant pas la langue. Les us et coutumes sont différents, mais Souade, alors âgée de 33 ans s’adapte très vite et se fait rapidement une place et des amis, grâce à son esprit d’ouverture. Mariée à 16 ans, mais aujourd’hui divorcée (encore un fait pas évident dans les pays arabes) elle se forme en auxiliaire de santé puis en ASSC (assistante en soins et santé communautaire) et travaille à l’hôpital du lieu, à l’Oréade. Grâce à sa force de caractère et sa volonté, elle privilégie la formation de ses cinq enfants (quatre filles et un garçon, par ailleurs tous mariés à des Helvètes), et cela lui réussit. Trois sont enseignantes secondaires et deux sont ingénieurs(es). Ils font leur vie à Lausanne, Genève, Fribourg, Soleure ou Delémont. On se souvient de son fils, Elias Medawar, qui associé à un autre Prévôtois, Mattia Della Corte, ont fondé Swiss.Vote. Elle est également cinq fois grand-mère. 

Vie active

Hormis son travail, Souade Wehbé aime la randonnée, fait du fitness et du yoga, donne des cours de cuisine libanaise et est active au sein de la paroisse catholique. Elle connaît par ailleurs très bien le père Pierre qui officiait à Notre-Dame de la Prévôté, originaire de la même région qu’elle. Elle milite aussi dans les rangs du PDC et a été conseillère de ville la législature passée. Elle est encore membre de la commission d’école et de la commission d’intégration. Proche des gens, elle s’intéresse aux problèmes régionaux et participe à la vie active. Elle a découvert la Question jurassienne et avoue avoir été agréablement marquée par le vote communaliste du 18 juin 2017. Elle salue le climat serein qui y régnait et ne cache pas ses sympathies jurassiennes.

Altruiste et dévouée

A la question de savoir si elle portait le voile, elle nous répond qu’étant catholique, la question ne se posait pas. Elle avoue cependant y avoir été contrainte, comme toutes les femmes, lors d’un séjour de quatre ans en Arabie Saoudite, avec ses trois premiers enfants et son mari. Un souvenir qui ne laissera guère de traces positives. Souade parle l’arabe littéraire et comprend quasiment tous les dialectes. Elle est ainsi appelée à faire des traductions pour les écoles, les hôpitaux ou autres institutions. Depuis une dizaine d’années, elle se rend encore dans son pays d’origine, dans sa plaine de la Bekaa, mais en touriste, avec le passeport à croix blanche, où elle soutient un dispensaire qui s’occupe des grands brûlés et des amputés. Elle s’approche surtout des femmes pour écouter leur détresse, les soutenir et évaluer leurs besoins. Elle précise encore que le Liban compte près de trois millions cinq cent mille habitants et plus d’un million sept cent mille réfugiés syriens qui fuient les horreurs de la guerre. Fière de sa nouvelle patrie, Souade Wehbé se demande parfois si les gens qui vivent ici se rendent compte de la chance qu’ils ont. En tout cas, elle affirme que chez elle, c’est la Suisse, c’est Moutier, même si elle ne renie en rien ses origines. Bel exemple d’intégration!

Claude Gigandet

Souade Wehbé, un bel exemple d’intégration d’une libanaise arrivée à Moutier il y a plus de 20 ans. (photo cg)