Portraits

Une vie de pierre et de feu

Edition N°1 - 9 janvier 2019

Benjamin Lack, une vie de passion pour la pierre et le feu. (photo cg)

Barbichette et moustache impeccablement taillées, cheveux rares et gris, mais lui donnant toujours un air de jeune homme, tchatche volubile, Benjamin Lack a eu un parcours intense. D’un abord convivial, ce natif de Bienne vit à Moutier depuis près de quarante ans. Il a imprégné la vie prévôtoise de sa personnalité et de son perfectionnisme. Rencontre au coin du feu avec ce marbrier-poêlier-fumiste à la Foule, où il a construit un empire de pierres et de flammes, et qui revendique une philosophie d’amitié et de partage.

Loquace, vraiment? Essayez de prononcer le mot feu et vous aurez en face de vous un homme intarissable et passionné qui vous expliquera dans le détail, et même plus, tout ce qui touche à la cheminée, au poêle ou tout ce qui touche au feu de bois, mais maîtrisé. Inépuisable sur le sujet, tout feu tout flamme, tel est Benjamin Lack. C’est vrai qu’en quarante ans d’expérience, il a vu une sacrée évolution dans le domaine. Deux événements ont marqué sa vie culturelle, et deux activités ont jalonné son parcours professionnel, dont il parle avec une volubilité jouissive. 

Les Verglutiers

Né à Bienne il a trois quarts de siècle, Benjamin Lack y a fait toutes ses classes et un apprentissage de mécanicien faiseur d’étampes, ainsi qu’une école technique à Neuchâtel. Il épouse Monique, née Bonjour, au milieu des années soixante, qui lui a donné trois enfants: Régis, Cédric et Sibylle. Monique sera présente et efficace tout au long de son riche parcours professionnel. 

Son époque biennoise a été marquée par la fréquentation de la troupe des Verglutiers (ver luisant), issue de la paroisse, une sorte de cabaret où l’on chante, danse, amuse, fait du théâtre, etc. Une affaire sérieuse, puisque la troupe trouvera un retentissement notoire et se produira dans tout le Jura historique, la région neuchâteloise et même à l’expo nationale de 1964, ou à Beaulieu (Lausanne) où la troupe a fait salle pleine. C’est aussi à cette occasion qu’il rencontre Monique. La journée au boulot, le soir à répéter, fabriquer costumes et décors pour les différents tableaux du cabaret.

Les Branle-Glottes

Benja aime chanter. Il partage ce plaisir depuis tout jeune déjà en faisant partie d’un chœur paroissial, de son passage aux Verglutiers, du chœur d’hommes de Reconvilier ou de l’Ame jurassienne de Moutier. Depuis plus de quarante ans, (créé en 1974) Benjamin Lack fait partie d’un groupe de potes, né d’un anniversaire du CAS Pierre-Pertuis où ils décidèrent de pousser la chansonnette pour animer les sorties. C’est la naissance des Branle-Glottes, un groupe qui rassemble une vingtaine de chanteurs de toute la région. Leur répertoire est éclectique, de la chanson française surtout, et près de deux cents titres interprétés, toujours dans la bonne humeur. Ils se produisent régulièrement aux quatre coins de la région, selon les demandes, et font régulièrement une «course d’école» qui les a emmenés dans toute la Suisse, mais aussi en France, Italie, Ecosse, Belgique ou Autriche. Une nouvelle et jeune directrice, Charlène Dubois, issue de l’école de musique biennoise leur donne actuellement un souffle nouveau et les prépare à un concert commun avec des écoliers au     printemps prochain.

Notre homme est également un féru d’informatique et il revisite nombre de morceaux enregistrés pour les améliorer et les adapter à des supports modernes. 

De pierre…

En 1965, Benjamin atterrit à Reconvilier où il est employé à la Boillat, un peu comme homme à tout faire, vu ses capacités: planning, serrurerie, mécanique etc… Mais il rêve de voler de ses propres ailes. Il a trente-cinq ans en 1977, et se lance dans la transformation de pierres naturelles, calcaires, granits, marbres ou ardoises. Dans le fond, les techniques sont presque les mêmes qu’en mécanique. Après une douzaine d’années dans l’Orval, il achète l’atelier de décolletage de Michel Imhof à Moutier, à la Foule. Il vide complètement le bâtiment, en fait deux studios et un appartement et continue son exploitation de pierres, pour le funéraire, les décorations de cheminées, moellons, plans de cuisine, fontaines, etc… Mais il cherche encore d’autres débouchés.

…et de feu 

Il remarque que le marché suisse est inondé par des marques de cheminées qui viennent de l’étranger. C’est le déclic. Les foyers ne sont alors que des «trous à feu», beaucoup d’effort pour peu de résultats. Le feu doit être utile et il faut réagir au moyen de se chauffer. «On doit pouvoir chauffer une maison uniquement avec trois stères et demi de bois» assène-t-il. Lui qui ne connaissait pas grand-chose au problème devient alors un spécialiste, un expert en technologie de combustion, et dans ce domaine, les progrès sont fulgurants. Il étudie, se renseigne et devient un passionné du feu de cheminée, «mais un feu propre», souligne-t-il. Les foyers actuels ne produisent quasiment plus de particules fines. Il nous cite l’exemple d’un feu de bûcheron, en forêt, qui dégage des valeurs de 15’000 n/m3 (valeurs qui se calculent en normal/m3), alors qu’un foyer moderne dégage de 0 à 50 n/m3, et que les normes suisses sont fixées à 4000n/m3. Son entreprise cartonne et a compté jusqu’à une quinzaine de collaborateurs. En 2011, il l’a remise à son bras droit, Dimitri «Doudou» Lab, qui en assume la continuité. Le «Benja» avait juste gardé pendant quelques temps la représentation des foyers «Stuv», qu’il a maintenant abandonnée. Mais à l’entendre, lui qui a donné corps et âme pour son entreprise et la passion du feu, sa flamme est toujours là et n’est pas prête de s’éteindre!

Claude Gigandet

Benjamin Lack, une vie de passion pour la pierre et le feu. (photo cg)