Portraits

Une vie riche en rebondissements

Edition N°7 – 24 février 2021

Partie de dominos avec son mari Papito. (photo Claudine Assad).

Enseignante à 18 ans, globe-trotter, maman à 30 ans puis femme au foyer, Danièle Dubacher décroche à plus de 40 ans le poste d’administratrice des cours à l’Université Populaire section Moutier, puis, à la veille de ses 50 ans, un job à Swissaid. C’est le parcours exemplaire d’une femme qui a pris son destin en main et qui aujourd’hui, à 72 ans, se bat courageusement contre les ravages de l’arthrose.

Se débrouiller seule, Danièle Dubacher en a l’habitude depuis toute petite. Ses parents tiennent avec succès le Buffet de la Gare à La Chaux-de-Fonds et elle ne les voit que très peu. Jusqu’à leur retraite quand ils déménagent à Neuchâtel. Danièle a alors 14 ans, et elle fréquente l’Ecole supérieure de jeunes filles. Ses études lui plaisent mais elle ne supporte pas la tutelle de ses parents qui sont désormais omniprésents. Alors qu’elle est prête à tout plaquer, ses parents lui permettent de poursuivre ses études à l’Ecole
Ruegg, à Lausanne, où elle a la chance d’être hébergée par une famille très relax. Danièle sort beaucoup, s’amuse beaucoup et obtient haut la main son diplôme de secrétaire trilingue. Départ pour Fribourg où elle s’inscrit à l’Institut de français moderne à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses études, elle décroche tout de suite des remplacements et devient enseignante à 18 ans. 

L’Amérique en camionnette

C’est à Fribourg qu’elle rencontre Robert qui est étudiant en lettres. Premier projet commun : aménager une camionnette et partir sillonner les Amériques : dix-huit mois en Amérique du Sud, six mois en Amérique du Nord. Le périple se termine à New York quand la caisse est vide et que providentiellement on offre un poste d’enseignant à Robert au Lycée de Lugano.

Retour en Suisse, mariage, jumeaux…et, durant une dizaine d’années, Danièle choisit d’être mère au foyer, de se consacrer à sa famille et de suivre son mari au gré de ses nominations. Après le Tessin et le Valais, la famille s’installe à Belprahon puis à Moutier, en 1986. 

UP et voyages organisés

Les enfants grandissent et Danièle brûle de retourner à la vie active. Le poste d’administratrice des cours à l’Université populaire de Moutier et environs est mis au concours. Danièle a 40 ans, plus de dix ans de trou dans son CV, mais sa forte personnalité fait pencher la balance. Et c’est le début d’une période très riche et très valorisante : « J’ai vécu sept ans magnifiques à l’UP », confie-t-elle. C’est elle qui doit trouver des idées de cours, trouver des enseignants et gérer l’intendance. C’est elle aussi qui organise des voyages. Elle se rend plusieurs fois à New York, à Barcelone et à Cuba. Parfaitement à l’aise en anglais et en espagnol, elle est à la fois guide et interprète : « J’avais un petit groupe de fans qui me suivaient partout. » Ces voyages « organisés/désorganisés », qui laissent une grande place à l’improvisation, restent gravés dans la mémoire de tous ceux qui les ont vécus.

« A New York, par exemple, je m’étais liée d’amitié avec un chauffeur de limousine. Il venait nous prendre à l’hôtel dans son véhicule de plus de dix places : ça en jette ! »

Swissaid

A la veille de ses 50 ans, nouveau rebondissement dans la vie professionnelle de Danièle. Elle est engagée en qualité d’assistante chargée de programmes par SWISSAID. Cette fondation s’engage pour améliorer les conditions de vie et les perspectives des familles de petits paysans, pour l’agroécologie, l’égalité hommes-femmes et le soutien à la société civile dans les pays du Sud. Il s’agit de donner aux agriculteurs les moyens de rester dans leurs villages plutôt que de les condamner à grossir la population des bidonvilles. Ce nouveau travail, qu’elle gardera jusqu’à sa retraite en 2013, l’amène notamment à voyager en Colombie et en Guinée Bissau pour voir sur place comment les projets d’aide évoluent. Et pendant ses vacances, elle continue à organiser des voyages à Cuba, pays pour lequel elle a eu un véritable coup de cœur. En 2007, d’ailleurs, elle épouse Alberto dit Papito, un musicien cubain qu’elle a rencontré… non pas à Cuba, mais à Grandval alors qu’il séjournait au Banneret Wisard !

Pédale douce pour la retraite

Depuis sa retraite, sa boulimie de voyages et de rencontres a été sérieusement entamée par des problèmes d’arthrose : « J’ai des prothèses aux deux genoux, j’ai subi des opérations aux hanches et à l’épaule et un blocage de la colonne vertébrale », explique Danièle. Des mesures qui ne sont pourtant pas suffisantes pour calmer la douleur surtout quand elle se déplace : « Je fais trente-cinq pas maximum et je dois m’asseoir, tellement j’ai mal. » Aujourd’hui c’est grâce à internet qu’elle s’évade, elle garde de nombreux contacts amicaux par mail et passe de longues heures à jouer au domino avec Papito. Son état d’esprit? « J’en ai ras-le-bol, mais ça ne sert à rien », confie-t-elle. Alors Danièle met tout son espoir dans une nouvelle technologie : la stimulation médullaire qui devrait permettre d’atténuer ses douleurs en les masquant grâce à l’implantation et l’activation d’électrodes dans la colonne vertébrale. «Je vais me faire opérer cette année. J’espère que tout ira bien et que nous pourrons passer nos vacances à Majorque cet automne. Cuba, c’est trop loin, il faut oublier. » 

Claudine Assad

Partie de dominos avec son mari Papito. (photo Claudine Assad).