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Y a-t-il une vie après la retraite ?

Edition N°4 - 2 février 2022

Charles-André Steiner a toujours été passionnée de littérature. (photo ca)

C’est la question que nous posons à des personnalités connues dans la région et qui ont 65 ans et plus. Une nouvelle série qui paraîtra une fois tous les 15 jours.

« Je n’ai jamais regretté d’avoir pris ma retraite. J’ai fait de beaux voyages, j’écris… », confie Charles-André Steiner. Il s’empresse d’ajouter : « Pourtant j’ai été très heureux dans ma vie professionnelle. »

Pédiatre à Moutier de janvier 1977 à septembre 2006, le Dr Steiner a vu défiler tous les petites Prévôtoises et les petits Prévôtois dans son cabinet durant ces quelque trente ans. Passionné par sa pratique, il n’avait jamais envisagé de prendre sa retraite à 65 ans : « C’est le destin qui m’a poussé ! » Le hasard lui fait rencontrer celui qui deviendra son successeur, le Dr Alvaro Arana : « Un médecin compétent et motivé à travailler à Moutier. Il ne fallait pas rater cette chance ! »

Et le corbeau devint perroquet

Rien ne prédestinait Charles-André Steiner à devenir médecin. Il naît le 15 septembre 1941 à La Chaux-de-Fonds, dans une famille où on est horloger et socialiste. Dans son milieu, faire des études supérieures était considéré comme une trahison de classe. Quand Charles-André décide d’entrer au gymnase, son grand-père maternel s’insurge et tance sa fille : « Je ne comprends pas pourquoi tu veux faire un perroquet d’un corbeau ! »

Passionné de littérature, le jeune homme, qui écrit depuis l’âge de 11 ans, rêve de s’inscrire en lettres. Mais pour épater sa famille et clore tout débat, il opte pour les études les plus exigeantes : « J’ai choisi médecine pour leur prouver que j’étais intelligent ! » Et miracle ! Il découvre qu’il aime ses études ! Le cours d’un de ses professeurs, qui enseigne la pédiatrie, le marque à tel point que lui qui voulait devenir anesthésiste change de voie.

Out of Africa

F.M.H. de pédiatrie en poche en poche, il veut travailler dans le tiers-monde, en Amérique du Sud. Il postule à tout va mais c’est en Afrique, en Tanzanie, au San Francis Hospital d’Ifakara qu’il sera engagé pour deux ans. Là aussi, il se passionne pour son travail : « J’avais fondé une unité de réalimentation des enfants appelée chakula bora, ce qui veut dire bonne nourriture en swahili. Les enfants arrivaient décharnés et déshydratés. Ils repartaient potelés et en bonne santé ! »

Mais les deux ans passent trop vite, il faut retourner en Suisse. « J’ai toujours regretté d’avoir quitté l’Afrique », avoue le Dr Steiner.

Victor Hugo ou rien

De retour en Suisse, il répond à une annonce parue dans le Bulletin des médecins et crée un service de pédiatrie à l’Hôpital de Moutier. C’est à Moutier qu’il exercera pendant trente ans. Mais c’est à Moutier aussi qu’il renoue avec l’écriture et qu’il découvre le théâtre.

Adolescent, paraphrasant Victor Hugo et son célèbre : « Je serai Chateaubriand ou rien », le jeune Charles-André avait écrit dans son journal : « Je serai Victor Hugo ou rien. » Au fil des années, il est assailli de doutes : « Je croyais que je n’écrivais pas bien », avoue-t-il et c’est un premier prix littéraire, le Prix de la Nouvelle de Belfort pour La Grotte, en 1989, qui le rassure et l’encourage à poursuivre.

Parallèlement, et grâce à sa fille Aline qui l’enrôle dans une troupe théâtre amateur qu’elle a créée avec des amis, il se découvre une passion pour le 6e art et devient le président-fondateur du théâtre de L’Estrade. Il écrira d’ailleurs même une pièce intitulée Élisée ou l’invitation au vernissage, qui sera présentée à Moutier par deux comédiens de L’Estrade.

En 2007, quand il abandonne le stéthoscope, il ne reste donc pas les mains vides.

Pas le temps de s’ennuyer

Depuis 2007, Charles-André Steiner a enfin tout loisir de se consacrer à ses passions : l’archéologie, l’ornithologie, la natation (« on devient frileux avec l’âge, mais je prends toujours l’abonnement annuel pour la piscine ») et surtout l’écriture.

Après Le Diable des quatre saisons, un recueil de contes et Rencontres enflammées, il vient de publier Histoires d’Elles, illustré par son fils Gilles, et il a déjà deux prochains recueils de nouvelles dans le pipeline : Drôles d’oiseaux, qui n’attend qu’un éditeur et Du bois dont on fait (ou pas) les flûtes, encore en chantier.

On le croit donc volontiers quand il nous confie : « Je ne me suis jamais ennuyé depuis que je suis à la retraite ».

Claudine Assad

Charles-André Steiner a toujours été passionnée de littérature. (photo ca)