Portraits

André Juillerat danse avec la vie

Edition N°15 – 21 avril 2021

Le poids des ans n’empêche pas André Juillerat de jouir d’une retraite intense qui ne laisse aucune place à la monotonie. (photo Olivier Odiet)

La vie, c’est comme un plat : on ne peut pas réussir la recette avec un mauvais dosage des ingrédients. Entre la fadeur et un assaisonnement trop épicé, il y a un juste milieu à trouver. André Juillerat, qui fête son 80e anniversaire ce mercredi 21 avril, est un modèle en la matière. Non pas parce qu’il fait tout juste, nul n’est parfait, mais parce qu’il a compris que le bonheur était accessible par la simplicité, l’authenticité et non pas par l’extravagance et l’artificiel. Portrait d’un homme en or qui a bossé au temps… du plomb. Où ça ? A l’imprimerie, pardi ! 

Né à Moutier le 21 avril 1941, André Juillerat a suivi sa scolarité à Reconvilier (écoles primaire et secondaire) avant d’embrasser un apprentissage d’imprimeur au Courrier, édité à l’époque par l’imprimerie Kramer, à Tavannes. Après avoir effectué son école de recrues à Colombier en tant que fusiller, il s’est vu offrir l’opportunité de travailler à Vevey, mais l’aventure n’a pas dépassé le stade des négociations. En effet, il a finalement mis le cap sur Zurich, l’offre salariale étant plus alléchante qu’en Romandie. Comme il voyait sa future femme Renée uniquement le week-end, la vie trépidante inhérente au quartier du Niederdorf a pris fin au bout d’une année. Il s’est ensuite installé à Bienne où il travailla respectivement chez Schüler et chez Hertig. Après la naissance de leur fils Laurent, en 1963, André et son épouse Renée ont déménagé à Saignelégier. « Je recevais chaque année une lettre du Franc-Montagnard pour me proposer de l’embauche. Au bout de la troisième missive, en accord avec Renée, j’ai décidé de franchir le pas et je n’ai jamais regretté ce choix car j’étais traité comme un petit roi. J’ai suivi les cours de promotion (ndlr : l’équivalent d’une maîtrise) à Lausanne chaque samedi durant trois ans sans jamais manquer un seul jour de cours. Je suis juste arrivé une fois en retard en raison de la neige. » C’est en 1967 que la famille Juillerat s’est agrandie avec la naissance de Viviane, qui a vu le jour à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds. 

Une mentalité de fonceur 

Constatant que son horizon professionnel au Franc-Montagnard n’allait pas lui offrir des perspectives en adéquation avec ses ambitions, André Juillerat s’est lancé un défi de taille en 1975 : reprendre une imprimerie à Bévilard fermée durant plus d’une année et demie. Durant deux mois, il a mené sa fonction d’imprimeur indépendant tout en travaillant toujours au Franc-Montagnard en parallèle grâce à la compréhension du directeur de l’époque, le regretté Pierre Paupe. Quatre personnes ont commencé à travailler au sein de l’imprimerie de Bévilard, soit André Juillerat, son associé Pierre-André Chervet, footballeur chevronné, et leurs épouses respectives. « Lorsque la Feuille officielle du Jura bernois a été mise en soumission, nous avons lancé un appel d’offre et c’est à nous qu’elle fut attribuée malgré la concurrence de l’imprimerie Biland à Saint-Imier. C’était une chance énorme qui nous a permis d’acheter une machine et d’engager du personnel. Il faut dire que nous possédions une longueur d’avance sur l’imprimerie Biland puisque nous avions déjà mis sur les rails la Feuille officielle d’avis du district de Moutier. » André Juillerat et Pierre-André Chervet sont restés à la tête de l’imprimerie durant vingt-sept ans, occupant quatorze employés. 

« On savait qu’on ne savait pas »

Jamais avare en anecdotes, André Juillerat relève avec son humilité légendaire que la clé de la remise de l’imprimerie à Anthony Picard en 2002 résidait dans l’intervention, en amont, d’une entreprise de consultants genevois qui ont su apporter les ajustements nécessaires dans les domaines de l’informatique, de l’analyse et de la stratégie financière : « On savait qu’on ne savait pas ! » s’exclame André Juillerat. « Donc, on s’est entouré de spécialistes et je reste convaincu que c’est grâce à leur formidable travail qu’il a été possible de trouver un repreneur. » 

Veuf depuis 2007 suite au décès de son épouse Renée victime d’une hémorragie cérébrale, André Juillerat confie que le début de sa retraite n’a pas toujours été facile à accepter : « Le fait d’avoir des occupations a compensé mes frustrations, mais j’en ai bavé quand même car je me suis senti inutile. J’avais vraiment l’impression de ne plus servir à rien. C’était terrible ! » André Juillerat se déclare particulièrement fier d’avoir toujours eu le soutien et la confiance de sa fille Viviane et de son fils Laurent qui ne lui ont pas tenu rigueur de ses nombreuses absences, le jour et la nuit, liées à sa fonction d’imprimeur indépendant. Retraité très actif domicilié à Bévilard, André Juillerat consacre ses loisirs à ses cinq petits-enfants, à la cuisine, aux animaux et aux parties de jass entre amis. Vous l’aurez compris : à l’âge de 80 ans, ce gai luron à l’humour ravageur danse toujours avec la vie. Joyeux anniversaire, André. Et merci pour tout ! 

Olivier Odiet

Le poids des ans n’empêche pas André Juillerat de jouir d’une retraite intense qui ne laisse aucune place à la monotonie. (photo Olivier Odiet)