Actualités, Portraits

Centenaire débordante de vitalité

Edition N°13 – 8 avril 2021

Marcelle et Jean Fell : une complicité de longue date entretenue avec humour et tendresse. (photo Roland J. Keller)

Marcelle Fell a célébré son 100e  anniversaire mardi 6 avril dernier. Mariée à Jean Fell depuis 1951, cette alerte vaudoise a soutenu son mari dans son très long parcours d’hockeyeur. Le couple vit toujours dans la maison familiale de Bellelay et l’alerte centenaire et si en forme qu’elle peut encore s’occuper de son jardin. Enfin, partiellement. 

« Mais qu’est-ce que tu veux que j’aille faire dans une patinoire ? » Avec une limpidité remarquable, Marcelle Stuby se remémore encore son premier rendez-vous avec son futur mari Jean Fell. Nous sommes en 1951. La jeune fille travaille alors comme vendeuse dans une épicerie. Elle a 30 ans. En chambre chez son employeur, elle rencontre alors son futur mari venu entreprendre des travaux dans le bâtiment. « Comme je faisais beaucoup de vélo et de marche, on a compris qu’on était un peu pareils. Il me parlait de hockey sur glace, mais je n’avais aucune idée de quoi il s’agissait. Il m’a invitée à participer à un match, mais je lui ai posé un lapin », rigole encore la Vaudoise qui, connaissant ensuite mieux ce sport et pour soutenir son mari, est vite devenue une adepte de la discipline : « Oh, que oui. Après j’ai su, j’y étais tout le temps. »

Toujours indépendante

Née à Chapelle-sur-Moudon (vers Sottens), aujourd’hui faisant partie de la commune de Montanaire, Marcelle Stuby est la troisième fille d’une fratrie de six enfants. C’est une bosseuse consciencieuse qui ne rechigne pas devant l’effort. « J’ai voulu me débrouiller toute seule afin que personne ne doive s’occuper de moi. J’ai travaillé dans une famille d’instituteurs à Nidau et je me suis cherché une place plus importante dans une épicerie-boulangerie à Chiètres (FR) », se souvient-elle. La même année, les deux tourtereaux se marient et s’installent à Bellelay dans une maison familiale qu’ils ont rachetée et où ils habitent toujours. « On pensait adopter des enfants, mais on nous l’a déconseillé vu les démarches à entreprendre. Et puis de toute façon, avec mes cinq autres frères et sœurs, on avait de quoi s’occuper de nos neveux et nièces venus en vacances chez nous. D’ailleurs, c’est ici qu’ils ont appris à patiner. À Moudon, il n’y avait pas de patinoire. C’est comme ça que ça a commencé et on est toujours ensemble ! », rigole encore, toute rayonnante, Marcelle Fell.

Aux petits soins

Toujours aux petits soins pour son mari, elle est aussi restée une excellente ménagère. En m’invitant dans leur maison qui ne semble pas avoir pris de rides non plus, le couple se débrouille comme au bon vieux temps. Et je m’aperçois qu’elle n’a rien perdu de son allant. « Alors, vous prenez un café avec des biscuits ? » me demande-t-elle. Un peu gêné d’être servi par une personne d’une telle prestance, à cet âge, je me sens choyé presque comme un prince. Vous faites quoi de vos journées tous les deux ? « On se lève à 7 h du matin. A 8 h, on reçoit les soins à domicile et l’après-midi, on reste tranquille. On s’intéresse à tout ce qu’il se passe dans le monde. On reçoit quelques quotidiens, dont 24 Heures, le Journal du Jura, l’Illustré et bien sûr La Semaine. Quand on a tout regardé, les heures passent », confie Jean Fell. Marcelle acquiesce : « Oui, j’aime m’occuper du jardin, encore cette saison. Je vais d’ailleurs planter des fleurs prochainement. » Un peu inquiet, son mari rétorque : « Ah, non. Tu ne peux quand même pas faire ça, tu as quand même cent ans ce 6 avril ! »

Dans l’air du temps

Malgré leur âge, les deux tourtereaux des années cinquante restent dans l’air du temps. « Regardez sur votre natel, tapez mon nom sur le navigateur internet et vous saurez tout sur mes activités », me recommande le chef de la maison. Tout juste s’il ne me montre pas comment faire… Marcelle se lève pour nous servir un troisième café. Enfin, c’était du thé. « Alors, il était bon mon thé ?! », plaisante-t-elle, un peu moqueuse. Quel est le secret de votre longévité ? « Oh, bien sûr, j’ai toujours eu des petits bobos par-ci, par-là, par exemple une opération à la hanche. Pour rester en forme, je me suis toujours occupée et j’aime bouger. »

Cycliste et skieuse

Cycliste et skieuse confirmée jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, Marcelle Fell ne peut plus monter à vélo, évidemment, mais elle reste une alerte centenaire. Nos deux tourtereaux regrettent d’ailleurs beaucoup la période de pandémie actuelle. « Notre époque a changé, mais on est quand même bien dirigé. En ces temps de pandémie, le Conseil fédéral s’occupe de choses auxquelles il ne s’intéressait pas avant. C’est une sacrée tâche de pouvoir réduire cette maladie, mais elle n’a pas disparu. Elle augmente, ma foi. On doit rester à la maison, les gens ne roulent plus. C’est terrible ça ! » considère-t-il.

Le couple a côtoyé le Général Guisan

Pour l’anecdote, le couple, qui a vécu durant la Deuxième Guerre mondiale a connu le Général Guisan. « C’était un homme formidable, impeccable. Il était proche du peuple », se remémore Marcelle. « Guisan habitait dans mon quartier et avait son bureau à La Pontaise. Un homme simple. Il avait toujours son cigare à la main, comme Winston Churchill qui a séjourné à Nyon, et a même rencontré notre général dans le canton de Vaud ! Au fait, à l’armée, à Thoune, j’étais d’abord pilote de char puis dans la Police de route où j’ai fait 400 jours de service », ajoute Jean Fell. Une autre époque.

Roland J. Keller

 

Souvenirs – Brave Jean !

Jean Fell (94 ans), on ne le présente plus. Originaire de Pleujouse, mais né à Lausanne, il vit toute sa jeunesse dans la capitale vaudoise. Star du hockey national en LNA avec Lausanne en 1951, il a joué trois matchs pour remplacer le mythique Jean Ayer, malade. Président du HC Le Fuet-Bellelay durant cinquante-cinq ans, puis président d’honneur, le Vaudois a donné son nom en 2015 à un endroit du village de Bellelay, la « Place Jean Fell ». « C’est rare qu’on ait une place de son vivant », souligne-t-il. Accompagné par son épouse, il a durant plus de soixante-cinq ans transmis à de nombreux jeunes sa passion pour le sport et a œuvré pour maintenir les finances du club local. (rke)

Marcelle et Jean Fell : une complicité de longue date entretenue avec humour et tendresse. (photo Roland J. Keller)