Culture

Des tableaux peints avec les doigts

Edition N°29 - 14 août 2019

Dani Jehle, au milieu de ses œuvres dans la vitrine de la rue Centrale à Moutier. (photo cg)

On regrette généralement les vitrines vides, ce qui devient gentiment l’apanage des villes de l’importance de Moutier. Pour y remédier, un artiste s’est approché de Daniel Steiner, propriétaire de l’ancienne pharmacie Liengme de la rue Centrale qui offre de belles surfaces qu’il avait déjà mises à disposition de diverses associations ou groupements, dont dernièrement le groupe de jeunesse. C’est ainsi qu’un peintre insolite, Dani Jehle, né en 1963, a investi les lieux pour leur redonner vie jusqu’au 15 septembre. Dès l’automne, la surface retrouvera une activité commerciale. 

Cheveux longs, barbe naissante, accent suisse-allemand fleurant bon la région voisine de Soleure, on peut croiser régulièrement Dani Jehle en ville. Ayant fait ses classes à Nidwald, il a été attiré par l’art pictural dès sa vingtième année. Arrivé en Prévôté en 1991, il ne s’embarrasse pas de préjugés artistiques. Autodidacte, il peint avec les doigts, généralement à la dispersion, souvent en noir et blanc, ou parfois à l’acrylique, des formes arrondies, sans sujet précis, ou des textes en mélangeant plusieurs langues n’ayant pas forcément de relation entre eux. Même s’il avoue qu’un mot en appelle un autre, et une phrase une autre. Il dit peindre parfois comme un aveugle, avec conscience ou inconscience, ce qui, avouons-le, lui laisse pas mal de marge! Torturé comme beaucoup d’artistes, il se veut aussi espiègle et veut faire dans le suggestif. Il cite volontiers, sans se comparer à lui, le boucher Corpataux qui peignait avec ses couteaux. 

Rien à vendre

Dani Jehle est pour le moins un original. Il peint pour son plaisir des œuvres par centaines, dans sa maison de Sous-Raimeux, déclare ne faire que ça, ne travaille pas à côté de son art et avoue se plaire beaucoup dans le calme de Moutier. Ses tableaux ne sont pas à vendre (quoique…) et il ne cherche pas à travailler pour des particuliers. Il vit donc chichement et entretient de bonnes relations avec sa maman qui habite Soleure qu’il va souvent visiter. 

Il a quelques belles expos à son actif notamment à Bienne, à Soleure, dans le tunnel de Gänsbrunnen, à Delémont, a participé au Moutart et sera présent prochainement Kunstmarkt sur le vieux pont d’Olten. En 1988, il a été le bénéficiaire du prix important du canton de Soleure, avec quatre autres artistes évoluant dans des domaines tels que la sculpture, la photo, la culture ou l’écriture. Ce prix lui a permis de publier un ouvrage de fort belle facture réunissant quelques-uns de ses dessins. A noter aussi une fresque de dix mètres de long sur un mètre soixante exposée pour la première fois à Soleure dont une partie sera visible dans la vitrine de la rue Centrale, et une série de volets qu’il a récupérés chez un voisin qui s’en séparait, auxquels il a donné une deuxième vie pleine de couleurs. Ils seront présentés au milieu d’une cinquantaine d’œuvres, contrastant avec le noir et blanc de ses dessins réalisés au doigt. 

«Le volet, c’est aussi comme ouvrir une fenêtre. Et notez aussi que l’art vit et se libère quand il s’oppose à l’administration», ironise-t-il.

A signaler encore qu’aucun banc ne sera présent devant les vitrines lors de la Braderie prévôtoise, afin que chacun puisse profiter de cette expo éphémère qui ne se verra que de l’extérieur. C’est encore avec l’aide de son pote Gilbert Leisi que l’expo a été mise sur pied. Daniel Steiner a mis gracieusement les vitrines jouxtant son commerce de fringues à disposition, ce qui anime avantageusement son quartier et la ville. 

Claude Gigandet

Dani Jehle, au milieu de ses œuvres dans la vitrine de la rue Centrale à Moutier. (photo cg)